Vous êtes prêt à renoncer à une partie de votre salaire en échange de jours de congé supplémentaires? Vous prenez rarement des vacances, et vous aimeriez les troquer contre un autre avantage? Vous n’avez pas besoin d’une puissante voiture de société, et vous la troqueriez volontiers contre une petite citadine et un vélo? Vous aimez lire votre journal confortablement dans le train: pourquoi ne pas "upgrader" votre abonnement et voyager en première?
Si vous interpellez les RH de votre entreprise, votre demande ne restera probablement pas lettre morte. Une enquête réalisée par Acerta, spécialiste en services RH, révèle en effet que six chefs d’entreprise sur dix sont prêts à permettre à leurs collaborateurs de composer eux-mêmes une partie de leur rémunération. Une autre enquête d’Acerta a montré que huit employés sur dix souhaitaient composer librement leur package salarial.
Pierre reçoit un salaire de 3.500 euros brut par mois, ainsi qu’un bonus variable basé sur ses prestations, d’environ 15.000 euros brut par an. Il en perçoit 6.327 euros net.
Budget annuel disponible: 22.630 euros
Un bonus de 15.000 euros brut coûte 22.630 euros à l’employeur, compte tenu des cotisations patronales.
Avantages choisis | Coût
·3 jours de congé extralégaux | 733 euros
·Remboursement de l’épargne pension individuelle | 1.023 euros
·1.900 warrants | 19.100 euros
·Tablette de 450 euros (10% de ristourne) | 855 euros
·Abonnement SNCB première classe Namur-Bruxelles | 800 euros
·Don à des associations caritatives | 119 euros
Certaines réglementations facilitent déjà l’instauration d’une politique salariale flexible. Et le gouvernement fédéral planche sur un projet de "budget mobilité" comme solution alternative aux voitures de sociétés. Les employeurs pourraient ainsi proposer à leur personnel différentes solutions de transport, éventuellement combinées avec une voiture de société. Par exemple un vélo, un abonnement aux transports en commun ou l’adhésion à un système de voitures partagées ou de location de vélos.
Certaines entreprises proposent déjà de choisir une partie de sa rémunération à la carte. "Les choix concrets sont étroitement liés à l’âge du salarié, à sa vie familiale, et vont évoluer au fil de sa carrière", explique Sarah Peeters, directrice chez Acerta Consult. Souvent, trois ou quatre générations travaillent dans une entreprise, et chacune a ses préférences. La plupart des jeunes souhaitent disposer d’un smartphone, d’une tablette ou d’un abonnement de train, tandis que les pères/mères de famille seront davantage tentés par une voiture de société. Enfin, des employés plus âgés ou de jeunes parents préfèrent parfois lever le pied et bénéficier de jours de congés supplémentaires. "La plupart des entreprises qui appliquent une politique salariale flexible permettent à leurs employés de revoir chaque année la composition de leur rémunération", explique Sarah Peeters.
Le salaire n’est pas totalement flexible. La majeure partie de la rémunération restera versée sur un compte bancaire. "La rémunération en cash doit au minimum correspondre aux barèmes salariaux sectoriels au niveau de l’entreprise", poursuit la spécialiste. Par contre, les primes et bonus pourront prendre des formes variées: voiture de société, jours de congé supplémentaires, smartphone, abonnement internet, etc. De nombreux employés sont également prêts à troquer un avantage contre un autre: leur grosse voiture de société contre un plus petit véhicule combiné à d’autres moyens de transport, par exemple. Par contre, "la possibilité d’échanger des jours de congé contre un autre avantage est limitée", poursuit Sarah Peeters. Ce n’est possible que pour les jours de congé extralégaux (comme ceux liés à l’ancienneté).
Les employés qui ont un package salarial flexible peuvent revoir la composition de leur rémunération selon leurs besoins et envies.
Le libre choix de salaire risque de générer du travail administratif supplémentaire pour les employeurs. Les divers avantages sont en effet traités différemment sur le plan de la sécurité sociale et des impôts, tant pour les employeurs que pour le personnel. Les charges patronales sont par exemple reprises dans le calcul de la valeur de l’avantage. Et lorsque l’avantage est accordé, l’employé doit payer 13,07% de cotisations sociales ainsi que des impôts. Le taux d’imposition dépendra des revenus totaux du salarié. "Une politique de rémunération flexible n’est pas un outil d’optimisation salariale mais vise essentiellement à motiver les employés", poursuit la directrice d’Acerta Consult.
Aperçu des retenues à charge des employés pour les différents types d’avantages.
1/ Voiture de société
Les voitures de société – souvent accompagnées d’une carte carburant – sont un grand classique. La possibilité d’utiliser sa voiture de société pour des déplacements privés est plus intéressante que le versement du même montant sous forme de salaire. Ceux qui bénéficient de cet avantage sont donc taxés. Les impôts ne sont pas calculés sur la valeur réelle de l’avantage, mais sur base d’un montant forfaitaire ("avantage de toute nature"). Ce montant dépendra du prix catalogue du véhicule, de ses émissions de C02 et de son âge.
2/ Vélo de société
En plus de son salaire mensuel de 3.500 euros brut, Marie bénéficie d’un budget de 600 euros par mois pour sa voiture de société. Elle n’a pas besoin d’une voiture puissante et préfère un véhicule plus petit, combiné à un vélo de société pour ses déplacements en ville.
Budget annuel disponible: 7.200 euros.
Budget mensuel de 600 euros x 12 mois =7.200 euros.
Avantages choisis | Coût
·Voiture de société de 450 euros par mois | 5.400 euros
·Vélo en leasing de 65 euros par mois (50% du trajet domicile-lieu de travail) | 1.656 euros
·Prime unique en numéraire de 82,31 euros | 124 euros
·Don à des associations caritatives | 20 euros
Le vélo de société – électrique ou non – est de plus en plus populaire aussi. L’utilisateur doit s’acquitter uniquement des cotisations sociales sur son usage privé. Cet avantage est exonéré d’impôts. Le vélo permet cependant à son utilisateur de bénéficier d’un dédommagement avantageux. Si l’indemnité versée par l’employeur ne dépasse pas 0,22 euro/km, elle est exonérée d’impôt.
3/ Train en première classe plutôt qu’en deuxième
Si vous préférez voyager en première classe plutôt qu’en deuxième, vous pouvez demander à votre employeur d’"upgrader" votre abonnement. Une intervention pour le train est totalement exonérée d’impôts et de cotisations de sécurité sociale./
4/ Jours de congé supplémentaires
Les employés qui souhaitent bénéficier de davantage de temps libre peuvent, dans certaines limites, demander des jours de congé supplémentaires. Le "coût" de ces congés dépendra du salaire du travailleur. Pour les employés, on transformera le salaire mensuel en salaire journalier, tandis que pour les ouvriers, on se basera sur le salaire horaire. Et il sera tenu compte des cotisations sociales à charge de l’employeur.
5/ Smartphone
Un GSM ou un smartphone de société? Tant que ces appareils sont exclusivement utilisés dans un cadre professionnel, ils ne sont pas considérés comme un avantage. Idem si les appels privés sont clairement identifiés et payés par l’employé. En l’absence d’un tel système, les employés paient des impôts et des cotisations sociales sur un montant forfaitaire de 12,5 euros par mois, quel que soit le prix de l’appareil.
"Mais le contraire est fréquent, observe Sarah Peeters. De plus en plus d’employés utilisent leur propre matériel au travail. L’employeur contribue parfois aux frais." La valeur marchande (moyenne) de l’appareil est alors prise en compte, avec une période d’amortissement de trois ans.
6/ Laptop, PC, tablette
Ce spécialiste en informatique vient tout juste de démarrer sa carrière. Les vacances annuelles légales lui suffisent amplement. Il travaille souvent à la maison. Il souhaite échanger ses jours de congé extralégaux contre une connexion internet à domicile.
Budget annuel disponible: 1.222 euros.
Jean souhaite échanger 5 jours de congés extralégaux, ce qui représente un budget total de 1.222 euros.
Avantages choisis | Coût
·Remboursement des soins dentaires, soins ambulatoires et achat de lunettes | 480 euros
·Mise à disposition d’une connexion internet à domicile (28 euros par mois) | 444 euros
·Prime mensuelle en numéraire | 298 euros
Source: Acerta
Si les employés peuvent utiliser leur ordinateur ou PC professionnel pour un usage privé, cet avantage est taxé forfaitairement (impôts et cotisations sociales). Le montant pris en compte est de 180 euros par an ou 15 euros par mois. Un forfait qui comprend également les logiciels et accessoires (imprimante, scanner). Ceux qui reçoivent une tablette en plus de leur ordinateur ou PC ne doivent payer aucun supplément.
Cette approche ne s’applique pas si l’employé ne dispose que d’une tablette (pas de PC): dans ce cas, la valeur de l’appareil est prise en compte. Un employé qui utilise sa tablette professionnelle pendant 20% du temps devra s’acquitter du précompte professionnel et des cotisations sociales sur un cinquième du prix de l’appareil.
7/ Connexion internet à domicile
Si l’employeur paie la connexion internet au domicile de l’employé et que la facture est établie au nom de la société, l’abonnement sera considéré comme un avantage. L’employé paiera alors le précompte professionnel et les cotisations sociales sur un forfait de 60 euros par an ou 5 euros par mois.
8/ Warrants
Les warrants sont un avantage courant proposé en échange d’un bonus variable en cash. La décision d’accorder un bonus sous forme de warrants est prise avant d’accorder le droit au bonus. Les warrants donnent aux employés le droit d’acheter des actions à un prix prédéterminé. Mais le warrant peut être revendu immédiatement. Le principal atout des warrants, c’est que ni l’employeur ni l’employé ne doivent payer des cotisations sociales.
9/ Remboursement de l’épargne-pension individuelle
Une épargne-pension permet de se constituer un capital supplémentaire pour ses vieux jours. Les versements donnent droit à une réduction d’impôt sur un montant plafonné à 940 euros par an. Celle-ci est remboursée via la déclaration fiscale. Certaines entreprises sont prêtes à payer ce montant à leur personnel. Ceux qui échangent une partie de leur salaire contre ce remboursement devront en tenir compte au niveau des cotisations patronales, ce qui porte le "coût" de cet avantage à 1.023 euros. Les employés qui bénéficient de cet avantage doivent payer des impôts sur ce montant.
10/ Une assurance supplémentaire
Outre les traditionnelles assurances groupe et assurances hospitalisation, certaines entreprises remboursent d’autres assurances, comme par exemple une couverture spécifique pour les soins dentaires. Ces assurances couvrent les frais qui ne sont pas – ou pas entièrement – couverts par la mutuelle, comme l’orthodontie, les prothèses et les implants. Une assurance soins ambulatoires permet de se faire rembourser – en tout ou en partie – les frais de médicaments, de prothèses ou les consultations chez son médecin. Ces avantages sont entièrement exonérés d’impôts.
11/ Versement à une association caritative
L’objectif est d’utiliser la totalité des avantages obtenus, jusqu’au dernier euro. Mais souvent, il reste des sommes inutilisées. Certaines entreprises permettent à leurs employés de verser une partie de leur rémunération à des œuvres caritatives.
12/ Prime en numéraire
Au final, il est toujours possible de demander de recevoir la totalité de sa rémunération en espèces. Mais le plus souvent, il s’agit de la partie qu’ils n’ont pu convertir en avantages. Ce solde peut être payé mensuellement ou annuellement sous forme de bonus. Le montant net est fortement réduit, puisqu’il faut s’acquitter des cotisations sociales et des impôts.