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Ces chers et masculins avantages extralégaux

Le secrétariat social SD Worx a étudié de près l’usage des rémunérations alternatives, et leur répartition entre salariés. Reste ce défi à relever: comment combler le manque à gagner pour la Sécu?
©Belgaimage

Quand il s’agit de rémunérer le salarié en évitant la lourde fiscalité pesant sur le travail, la politique belge se montre d’une inventivité presque sans limites – avec un petit coup de main en provenance des partenaires sociaux. Chèques-repas, écochèques, indemnités, assurances complémentaires, actions, stock-options ou voiture de société ont creusé leur trou au sein de l’enveloppe salariale, au côté, et au détriment aussi, de la rémunération de base.

Un succès tel que la ministre des Affaires sociales Maggie De Block (Open Vld) a estimé qu’il était temps de faire le point en la matière, confiant cette mission au secrétariat social SD Worx, qui a collaboré avec l’Antwerp Management School et fait appel aux services de l’Office national de sécurité sociale (ONSS). Une étude qui est à présent bouclée, et a partiellement été relayée par De Standaard et Het Nieuwsblad mardi.

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1/ Petit état des lieux des avantages extralégaux

Un zeste de méthodologie, avant d’entrer dans le vif du sujet. Afin de brosser cette vue globale, SD Worx a extrait un échantillon de ses bases de données, qui comptent, pour l’année 2018, environ un milliard de calculs salariaux pour 58.000 organisations. Dans le viseur, des travailleurs sous contrat indéterminé et affichant, à la fin janvier 2018, au moins six mois d’ancienneté. Et une limitation aussi, SD Worx s’étant penché sur onze formes d’avantages.

La mesure "zéro coti" coûtera 530 millions d’euros en 2019. Et 722 millions en 2024 voire 1,18 milliard si elle est prolongée au-delà de 2020.

Que ressortir du document? Des données, entre autres. Comme celles-ci: les chèques-repas constituent, de loin, l’avantage le plus octroyé, puisque quelque 62% des salariés du privé en bénéficient. Suivent l’intervention pour l’usage de la voiture personnelle dans les déplacements entre le domicile et le lieu de travail (49%) et les écochèques (43,4%). Quant à la voiture de société, elle ne concerne que 17% des salariés. SD Worx aligne encore la valeur moyenne de l’avantage, que celle-ci soit rapportée à l’ensemble des travailleurs ou seulement à ceux qui en bénéficient réellement.

2/ Une fois de plus, mieux vaut être un homme qu’une femme

Et d’en tirer quelques conclusions relatives à l’attribution des avantages. Le secteur d’activité n’est pas sans importance: quelque 63% des travailleurs actifs dans "l’information et la communication" disposent d’une voiture de société, contre à peine 1,4% de ceux œuvrant dans les soins de santé ou l’aide sociale. De même, le statut professionnel joue, les ouvriers "étant nettement moins susceptibles de bénéficier des formes alternatives de rémunération étudiées". On mentionnera encore la taille de l’organisation.

Pour huit des onze avantages salariaux envisagés, les femmes sont nettement moins bien servies.

Voilà pour les facteurs "externes", dirons-nous. Vient ensuite l’âge du travailleur, les plus jeunes (de 17 à 29 ans) étant les moins gâtés, sauf lorsqu’il s’agit d’indemnités pour le vélo ou de remboursement des transports publics. Plus problématique: le sexe semble encore et toujours peser lourd. Pour huit des onze avantages salariaux envisagés, les femmes sont nettement moins bien servies. Prenez la voiture de société: à secteur, organisation, statut et âge égaux, elle est 2,9 fois moins répandue que chez les hommes. Le SPF Sécurité sociale insiste toutefois sur une nuance: "Le niveau de management et la rémunération brute n’ont pas été considérés comme des variables de contrôle."

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3/ Combien les rémunérations alternatives coûtent-elles à la Sécu?

Au total, via ces onze avantages, ce ne sont pas moins de 6,74 milliards de masse salariale qui échappent ainsi aux cotisations de sécurité sociale. "Si l’on y applique le taux patronal de 25% et personnel de 13,07%, cela représente, pour la Sécu, un manque à gagner de 2,57 milliards", calcule-t-on à la FGTB. Même s’il convient de soustraire à ce montant les éventuelles cotisations spéciales ou de solidarité frappant ici et là. Et encore, poursuit le syndicat socialiste. En se concentrant sur certains avantages, SD Worx en laisse tomber une trentaine d’autres, parmi lesquels de gros morceaux, comme l’assurance hospitalisation ou le deuxième pilier de pension. "Dans une étude de l’ONSS datant de 2013, ces deux-là pesaient 1,8 milliard. Autrement dit, le manque à gagner est bien plus important."

"Nous avons même milité pour l’extension de la liste des produits pouvant être achetés avec des écochèques."

FGTB

C’est bien ce que déplore la FGTB, qui souligne que l’on parle toujours des dépenses en hausse, du coût du vieillissement, du déficit de la Sécu, sans envisager de travailler sur l’autre versant, celui des recettes. Le syndicat voudrait-il la peau des avantages extralégaux? Du tout, se défend la FGTB. "Nous avons même milité pour l’extension de la liste des produits pouvant être achetés avec des écochèques." Un texte qui devrait être validé ce mercredi au sein du Conseil national du travail et entrer en vigueur en septembre – il sera alors possible d’échanger ses écochèques contre de nouveaux moyens de mobilité dits "durables", comme les trottinettes, monoroues et autres hoverboards, ainsi que des produits de jardinage.

Simplement, la FGTB entend mettre en rapport le coût d’un avantage et le nombre de personnes en bénéficiant. "Si les chèques-repas représentent 2,03 milliards de masse salariale, ils bénéficient à près de 62% des salariés. Les actions ou warrants, par contre, pèsent 1,75 milliard et ne concernent que 4,5% des salariés, occupant les fonctions les plus élevées."

Alors que s’annonce le débat sur la dotation d’équilibre, prévue pour l’heure jusqu’en 2020 seulement, le syndicat socialiste entend braquer les projecteurs sur les diminutions de recettes encaissées par la Sécu. Il y a eu le tax shift, abaissant les cotisations patronales à 25%. Il y a eu la mesure "zéro coti", garantissant, sans limite de temps, des cotisations patronales de base à 0% pour tout premier engagement effectué d’ici 2020.

Un dispositif qui a eu son petit succès. Et, dès lors, son petit coût aussi, l’ensemble du dispositif devant coûter 530 millions d’euros en 2019. Une addition appelée à grimper à 722 millions en 2024 – voire à 1,18 milliard si la mesure est prolongée au-delà de 2020. En tout, l’ensemble des réductions de cotisations sociales avoisineront les 3,75 milliards en 2024, contre 3,18 milliards en 2019. Cela ne trompe pas: si la masse salariale continue d’enfler, les cotisations que la Sécu en retire progressent nettement moins vite. Entre 2015 et 2020, la première aura crû de 17,3%, et les secondes, de 9,5%.

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