La vie professionnelle de nombreux Belges s’est arrêtée du jour au lendemain le 18 mars. Impossible de continuer à exercer son activité pour les uns, réduction de la charge de travail pour les autres. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. En décrétant le confinement, le gouvernement a sorti l’artillerie lourde pour que personne ne soit laissé au bord de la route. Des millions de salariés ont ainsi échoué dans le régime du chômage temporaire (partiel), tandis que les indépendants désœuvrés ont massivement sollicité le droit passerelle. Chacun s’est, dans un premier temps, raccroché à ces montants. 70% du salaire brut pour les employés, un revenu de remplacement de 1.614 euros brut par mois pour les indépendants (avec charge de famille).
Mais in fine, combien conserverez-vous de ces montants qui vous ont été promis et que vous n'avez peut-être même pas encore touchés? Tout cela reste très flou. D'autant que, pour les autorités, cette situation inédite génère d’inévitables tâtonnements et ratés, alors que des dispositifs existants sont adaptés et de nouveaux sont instaurés dans la précipitation.
Le salaire… et tout ce qui va avec!
Rappelons que la rémunération habituelle des salariés ne se limite pas au salaire. Le salaire est en effet souvent complété par d'appréciables à-côtés. Songeons aux multiples avantages extra-légaux. Certaines périodes non prestées ne sont pas sans incidence sur les congés, la pension, les bonus...
Les revenus de remplacement et allocations qui vous sont accordés en ces temps difficiles sont fixes ou plafonnés, limités dans la durée, et la fiscalité spécifique qui s’y applique n’aura pas le même impact pour tous.
Pour permettre aux employés qui sont en chômage temporaire de conserver 80 voire 100% de leur salaire, des employeurs octroient un complément. Celui-ci ne sera soumis à aucune cotisation patronale, personnelle ou de sécurité sociale, mais soumis au précompte de 26,75%.
"Ce complément ne peut pas avoir pour effet que le net du travailleur (chômage + complément) soit supérieur au net (hors frais forfaitaires) qu’il touchait avant. Si l’employeur garantit 80%, il ne devrait pas y avoir de souci. En revanche, s’il garantit 100%, compte tenu de la situation fiscale différente de chacun des employés, le résultat final n’est pas garanti pour tous… ", met en garde Sébastien Roger.
Vous n’êtes donc sans doute pas au bout de vos surprises. Pour vous éclairer, avec l’aide d’experts, nous avons balisé la route qui vous attend en identifiant les points d’attention et l’impact qu’ils auront sur vos rentrées financières présentes et futures.
La fiscalité
Du point de vue fiscal, les allocations de chômage temporaire octroyées dans le cadre du Covid-19 sont soumises à un précompte fixe forfaitaire de 26,75%. "Les salariés concernés conserveront un net assez élevé. Mais pour certains, l’addition de l’ensemble des revenus professionnel qui auront été payés en 2020 générera sans doute une correction au moment de la réception de l’avertissement-extrait de rôle", prévient Nicolas Tancredi, avocat spécialiste en rémunérations (Younity). "Les contribuables qui sont habitués à un remboursement d’impôt car ils ont droit à l'une des réductions et déductions fiscales (emprunt hypothécaire, épargne-pension) doivent être conscients qu'avec un montant touché en chômage temporaire, le remboursement sera sans doute moindre, ou qu’ils auront un supplément à payer."
Les mesures actuelles risquent de placer certains dans une situation financière très inconfortable, insiste son collègue Sébastien Roger, spécialiste en droit du travail (Younity). Des employés se retrouvent aujourd’hui avec 70% d’un salaire brut… plafonné à 2.754 euros (!) et subiront parallèlement des pertes sur les avantages extra-légaux, notamment.
C’est pour les bas salaires et les travailleurs à temps partiel que l’impact sera le plus fort car, dans leur cas, le précompte professionnel est très faible, voire nul. Or, on va appliquer un précompte de 26,75% aux allocations de chômage temporaire. Alors, certes, ces travailleurs seront remboursés, mais quand? D’ici là, il faudra tenir...
Bonus
La question des plans de rémunération variable devra être réexaminée au cas par cas vu que les objectifs ont été fixés fin 2019 ou début 2020, avant les événements, et ne seront de ce fait évidemment pas atteignables.
Nicolas Tancredi esquisse deux scénarios. "Soit l’entreprise considérera que la période est si exceptionnelle qu’elle ne sera pas prise en compte dans le calcul, qui se fera alors hors période de confinement pour maintenir une forme d’objectivité. Soit, dans une optique de diminution des coûts, l’entreprise prévoira un nouveau plan, ce qui devra se faire d'un commun accord avec le travailleur ou avec les organisations représentatives des travailleurs." Le problème, c’est qu’à ce stade, les prévisions sont encore très aléatoires. Qui sait où on en sera cet été ou même à la rentrée?
Chèques-repas
Vous n’aurez pas droit à des chèques-repas durant la période où vous êtes en chômage temporaire car votre contrat de travail est à ce moment suspendu. Si vous êtes en chômage temporaire à temps partiel, les chèques-repas vous sont dus pour les jours où vous (télé-)travaillez.
Pension légale
La période de chômage temporaire est assimilée pour le calcul de la pension. Une période assimilée est une période durant laquelle vous n’avez pas travaillé, mais qui sera valorisée, sous conditions, dans le calcul de la pension. Pour le chômage temporaire, on prendra en compte le dernier salaire que vous aviez avant de tomber sous ce régime.
Le chômage temporaire n’a donc pas d’impact sur la pension légale.
Lire aussi | À quelle pension minimum aurez-vous droit? et À quelle pension maximum aurez-vous droit?
"Le chômage temporaire n'affecte ni la pension légale, ni la pension complémentaire."
"Des mesures spécifiques ont également été prises afin que des personnes qui reprennent temporairement de l’activité en raison du Covid-19 ne soient pas pénalisées par des règles anti-cumul de rémunération (qui concernent la pension légale, la pension de survie ou la GRAPA)", ajoute Corinne Merla, avocate spécialiste en pension (Younity).
Vous prenez votre pension dans les jours et semaines à venir? "Il n’y a aucune raison de retarder sa demande de pension ou de Grapa (garantie de revenus aux personnes âgées). Il est toujours possible de le faire en ligne via demandepension.be ou mypension.be, et désormais également via le numéro spécial Pension gratuit 1765", indique le SPF Pension.
Assurances et assurance-groupe
"Les assureurs ont confirmé que les invalidités, les incapacités de travail et décès liés à la contamination au Covid-19 seront bien indemnisés par les assurances-invalidité et frais médicaux", indique Corinne Merla.
S’agissant du chômage temporaire, "les assureurs ont inversé le principe selon lequel, par défaut, on n’est pas couvert lorsqu’on ne travaille pas. Toutes les couvertures (pension complémentaire, couverture décès, invalidité et frais médicaux) sont donc maintenues, à condition que l’employeur continue à verser les primes". La spécialiste ajoute que "le secteur des assurances a octroyé une facilité de paiement aux employeurs en difficulté en raison du Covid-19. Ils peuvent reporter le paiement de l’ensemble de leurs primes jusqu’au 30/09".
Dernière précision. Certaines assurances-groupe prévoient le versement d’une prime par le travailleur. "S’il ne paie pas, il ne se constituera simplement pas de pension complémentaire pendant un mois ou deux. Cela ne fera aucune différence", rassure Corinne Merla.
Congés et le pécule de vacances
Les travailleurs en chômage temporaire conservent leur droit aux congés légaux. L’exercice de ce droit risque par contre de ne pas être évident. "Peu de travailleurs ont pris des congés (non réservés) durant le confinement, même si cela leur aurait permis de conserver un meilleur salaire (100% de la rémunération).Les entreprises accepteront-elles de les libérer lorsque l’activité aura repris et qu’on aura besoin d’eux?", s’interroge Sébastien Roger, rappelant qu’en matière de congé, "aucune partie ne peut imposer sa volonté à l’autre"… "Peut-être le report au 1er trimestre 2021 d’un certain nombre de jours non pris sera-t-il exceptionnellement autorisé?" Pour rappel, s’il s’agit d’un usage relativement répandu, ce n’est pas prévu par la loi…
La situation est plus problématique pour les jours de repos compensatoires (RTT) que les entreprises sous le régime des 40h/semaine accordent pour les deux heures supplémentaires effectuées chaque semaine, et qui s’ajoutent aux 20 jours de congés légaux. "Quand on est en chômage temporaire, on n’acquiert pas d’office le droit au repos compensatoire. La loi ne répond pas à cette question. Et si les conventions collectives ne disent rien à ce sujet – ce qui est souvent le cas – les périodes non travaillées ne sont pas assimilées à du travail effectif et ne créent donc pas un droit à du repos compensatoire", explique Sébastien Roger.
Le gouvernement a par contre décidé que les périodes de chômage temporaire seront désormais assimilées pour le calcul des pécules de vacances.
Droit passerelle
1. La reprise progressive d'une activité est-elle autorisée? "Le droit passerelle est accordé pour un mois complet (mars, avril ou mai) si l’on a fermé au moins sept jours complets durant le mois pour cause de coronavirus, explique Thierry Evens, porte-parole de l’Union des classes moyennes (UCM). Cela se fait via une déclaration sur l’honneur, mais un contrôle est bien entendu possible..." Si vous cessez votre activité jusqu’au lundi 11 mai, et que vous retravaillez ensuite durant le reste du mois de mai, vous bénéficiez du droit passerelle plein et entier pour le mois de mai.
2. Quel sera l'impact fiscal du droit passerelle? L’UCM préfère ne pas se risquer à fournir de simulations chiffrées à ce stade. "Outre le fait que les chiffres indexés pour l’exercice d’imposition 2021 ne sont pas encore connus et que le gouvernement fédéral pourrait décider de modifier temporairement la fiscalité de cette indemnité (exonération par exemple), la situation varie d’une personne à l’autre en fonction des déductions fédérales auxquelles elle a droit, le nombre d’enfants à charge, des frais professionnels déduits, les revenus autres que professionnels et droits passerelle. Des simulations simplistes réalisées à l’aide d’un calculateur montrent toutefois qu’un impôt supplémentaire pourra être dû", souligne Thierry Evens.
Le droit passerelle est un revenu professionnel. Vous devez donc le déclarer l’année prochaine (exercice d’imposition 2021-revenus 2020). "Il existe des réductions sur la partie fédérale de l’impôt en fonction de l’importance de vos revenus. La question étant très complexe, le mieux est de s’adresser à son comptable", conseille-t-on à l'UCM.
3. Quelle incidence sur la pension? La constitution du droit à la pension ne s’interrompt que durant les trimestres pour lesquels l’indépendant ne verse pas de cotisation Inasti à sa caisse d’assurances sociales. "Un bénéficiaire du droit passerelle qui paie ses cotisations sans interruption ne subira donc pas d’impact sur sa pension", assure Thierry Evens, rappelant que les cotisations des trimestres 1 et 2 peuvent être reportées sans frais aux trimestres 1 et 2 de 2021. Les cotisations se calculent (20,5% sur l’année) sur le revenu professionnel (donc hors droit passerelle) de l’année en cours et diminuent donc si les revenus diminuent."
Notre kit de survie du confinement
- Que puis-je encore faire?
- La vie en entreprise
- Tout savoir sur le chômage économique
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- Je suis indépendant
- Je dois voyager
- Je m'occupe de mes enfants et je cherche des idées d'occupation
- Je vends/J’achète un bien
- Je télétravaille
- Combien de cas en Belgique?
- Tout savoir sur le virus
- Une playlist pour se détendre
- Quel sera l'impact du choc économique sur votre portefeuille?