Si la proposition du cdH d’instaurer des congés grand-parentaux pour soulager les parents et renforcer les liens familiaux est sympathique et séduisante de prime abord, elle risque de faire en partie double emploi avec le panel de formules qui existent déjà. Entre les congés thématiques et les crédit-temps motivés cumulables sur une durée supérieure à 4 ans, même papy et mamy, s’ils travaillent encore, devraient effectivement trouver un créneau pour s’occuper des petits-enfants à relativement bon compte.
Quels sont les congés prévus pour mieux concilier vies familiale et professionnelle? Qui y a accès et à quelles conditions? Ces congés ont-ils des répercussions financières et en matière de droits pour la pension?
Deux systèmes distincts permettant de lever le pied coexistent: les crédits-temps avec motif et les congés thématiques. "Vous pouvez profiter des deux — successivement, pas en même temps- cela arrive très fréquemment", souligne Jean-Luc Vannieuwenhuyse, conseiller juridique au Centre de connaissance de SD Worx
Sans entrer dans trop de détails et exceptions d’ordre administratif (conditions d’accès, d’âge, d’ancienneté, délais pour les demandes, régimes spéciaux, etc.) dont il faudra bien sûr vous préoccuper si vous souhaitez prendre un congé de ce type, nous avons fait le tour de l’éventail du choix qui s’offre à vous.
À l’exception du crédit-temps de fin de carrière, il ne s’agit pas de formules qui permettent au travailleur de prendre du temps pour lui ou de se reposer. Le crédit-temps sans motif, qui pouvait être pris par n’importe qui sans justification pendant un an en bénéficiant d’une allocation a d’ailleurs définitivement disparu. Tous les autres congés sont spécifiquement destinés à s’occuper d’un enfant ou de proches (gravement) malades.
Les crédits-temps
Le crédit-temps de fin de carrière
Pour les grands-parents désireux de consacrer du temps à leurs petits-enfants, la solution qui paraît la plus évidente est le crédit-temps de fin de carrière.
Cette formule réservée aux travailleurs du secteur privé permet de réduire ses prestations pour passer à mi-temps ou en 4/5e temps, pas de les suspendre totalement.
"Le grand-parent peut s’absenter 10 jours dans le cadre d’un congé pour raison impérieuse."
Les conditions d’accès ont été portées à 60 ans au 1er janvier 2015, mais des mesures transitoires ont été prévues. "En 2018, il est encore possible de prendre un crédit-temps de fin de carrière à 58 ans, mais certaines conventions collectives l’autorisent à partir de 55 ans dans certains secteurs. À partir du 1er janvier 2019, il faudra normalement avoir 60 ans. Reste à voir si des conventions sectorielles autoriseront toujours des dérogations. Mais de toute façon, ce sera l’exception", indique Michel Wuyts, directeur de Fediplus, une organisation experte en gestion des fins de carrière et en matière de pensions. Outre l’âge requis, il faut aussi remplir une condition de carrière: 35 années de passé professionnel salarié. "Pour beaucoup de gens, c’est à cet égard que cela bloque", reconnaît l’expert.
La durée minimale de ce crédit-temps est fixée à 3 mois pour un passage à mi-temps et à 6 mois pour un 4/5e. Il n’y a par contre pas de limite: il peut être pris jusqu’à la date de la pension, quelle que soit la formule choisie.
Durant la période de crédit-temps, en plus de la rémunération payée par l’employeur sur la base des prestations (1/2 ou 4/5e temps), le travailleur a droit à une allocation d’interruption de l’ONEM à titre de compensation. Son montant est forfaitaire (mais certains critères peuvent l’influencer).
Le crédit-temps de fin de carrière n’est pas forcément indolore pour la pension. "Le travailleur qui prend un crédit-temps de fin de carrière d’1/5e à partir de 60 ans et jusqu’à 65 ans ne subira pas d’impact sur le calcul de sa pension. Par contre, s’il prend un crédit-temps à mi-temps sur la même période, les deux premières années (312 jours) seront assimilées selon le salaire à temps plein, mais pour les trois suivantes, l’assimilation se fera sur la base du droit minimum. Si son salaire est (nettement) supérieur au droit minimum, le travailleur subira une perte plus ou moins conséquente", met en garde le directeur de Fediplus.
Les 6 crédits-temps avec motif
"Le crédit-temps de fin de carrière est encore accessible à partir de 58 ans cette année. Après ce sera à 60 ans. Mais on peut en profiter jusqu’à la pension."
Le travailleur qui souhaite temporairement débrayer, totalement ou partiellement, pour s’occuper de ses enfants peut quand à lui solliciter un crédit-temps avec motif pour soin de son/ses enfants(s) de -8 ans.
Les autres crédits-temps avec motif sont pour:
- soins ou assistance à un membre de sa famille ou de son ménage gravement malade (qui nécessite l’intervention du médecin traitant pour empêcher un usage impropre du congé)
- soins palliatifs à un tiers en phase terminale
- soins à son enfant handicapé (- 21 ans)
- soins à son enfant mineur gravement malade ou à un enfant malade faisant partie du ménage
- suivre une formation agréée.
En 2015, la durée des crédits-temps motivée a été portée à 51 mois maximum (contre 36 mois auparavant et 48 mois pour un enfant handicapé ou gravement malade), à l’exception du crédit-temps pour suivre une formation (maintenu à 36 mois).
Attention, cette durée maximale s’applique d’office, que le travailleur ait opté pour un crédit-temps à mi-temps ou de 1/5e temps.
Le crédit-temps ne peut être pris qu’une seule fois, quel que soit le nombre d’enfants.
Les travailleurs en crédit-temps bénéficient d’une allocation de l’ONEM.
Les congés thématiques
Le congé parental
Le congé parental est une forme spécifique d’interruption de carrière — complète ou partielle – qui permet au travailleur de s’occuper de son enfant de moins de 12 ans (21 ans s’il est handicapé) en bénéficiant d’une allocation mensuelle payée par l’ONEM. Ce congé est cumulable: il vaut pour chacun des enfants.
Le congé parental peut être pris à temps plein (4 mois maximum), à mi-temps (8 mois maximum, fractionnables par périodes de 2 mois ou un multiple) ou de 1/5e temps (20 mois maximum, fractionnables par périodes de 5 mois ou multiple).
Notez qu’il est possible de combiner les différentes formes de congé parental, par exemple en prenant deux mois d’interruption complète et 10 mois d’interruption à 1/5e temps.
Durant ces interruptions de carrière, le travailleur bénéficie d’une allocation forfaitaire d’interruption (qui peut toutefois être majorée en fonction de certains critères, dont l’ancienneté chez l’employeur) payée par l’ONEM.
Conseil: commencez par demander un crédit-temps pour vous occuper d’un enfant de -8 ans, et réservez-vous ainsi la possibilité d’utiliser éventuellement le congé parental après puisque celui-ci vaut jusqu’aux 12 ans de l’enfant.
Le congé pour assistance médicale à un membre du ménage/de la famille gravement malade.
Si un travailleur a besoin de temps pour s’occuper d’un membre de sa famille ou de son ménage gravement malade, il peut demander une interruption de carrière sous forme de congé thématique pour assistance. Cela vaut pour les membres de la famille jusqu’au deuxième degré, ce qui inclut donc les grands-parents qui souhaiteraient s’occuper de leur petit-enfant.
Le contrat de travail peut être carrément suspendu (un an maximum à temps plein), ou les prestations réduites à mi-temps ou de 1/5e (durant 2 ans maximum dans les deux cas).
Projet
La pension à temps partiel à partir du 01.01.19?
Le cabinet du ministre des Pensions, Daniel Bacquelaine (MR), planche sur un projet de pension à temps partiel qui est censé entrer en vigueur l’an prochain. Une mesure qui, si elle est adoptée, ouvrirait une porte supplémentaire à papy et mamy.
"Le projet est bien avancé, mais reste à savoir si les textes pourront être présentés avant l’été", note Michel Wuyts directeur de Fediplus.
"Il faut voir ce qu’il en adviendra vu la contestation grandissante à propos de la réforme des pensions, car cela fait partie du package", note pour sa part Jean-Luc Vannieuwenhuyse, conseiller juridique chez SD Worx.
À partir du 1er janvier 2019, les travailleurs qui remplissent les conditions d’accès à la pension anticipée (63 ans et 42 années de carrière) devraient pouvoir prendre leur pension à temps partiel en continuant à travailler et à se constituer des droits de pension.
Une mesure qui, selon les experts, viserait en réalité moins à autoriser les travailleurs âgés à lever le pied qu’à permettre à ceux qui ont accès à la prépension de rester plutôt actifs à mi-temps. Dossier à suivre…
Dans ce cas et sous certaines conditions, le travailleur bénéficie d’une allocation d’interruption qui compense la suppression ou la diminution de ses revenus. Indemnité forfaitaire payée par l’ONEM: 818,56 euros pour suspension complète (1.015,19 pour les familles monoparentales).
Le congé pour soins palliatifs
Ce congé permet à un travailleur de réduire ou suspendre temporairement ses prestations de travail pour assister et accompagner une personne (médicalement, socialement, administrativement ou socialement) qu’elle soit membre de sa famille ou non, dans la phase terminale de sa vie.
Pour une durée d’un mois (que l’interruption soit complète ou partielle), prolongeable deux fois, soit au total 3 mois de congé. Le médecin traitant du patient doit attester que vous êtes disposé à dispenser des soins palliatifs.
Ce congé donne droit à une allocation d’interruption forfaitaire.
Autres solutions
Le congé pour raison impérieuse
Un travailleur a le droit de s’absenter pour des "raisons impérieuses" dont font notamment partie la maladie, l’accident ou hospitalisation d’une personne habitant avec lui ou d’un proche parent.
Il doit s’agir d’un événement imprévisible et indépendant du travail nécessitant l’intervention urgente et indispensable du travailleur et qui rend impossible l’exécution de son contrat de travail. "Typiquement dans le cas où un enfant est hospitalisé et si ses parents sont dans l’impossibilité de prendre congé, on peut imaginer que le grand-parent prenne le relais au chevet de son petit-enfant", indique Jean-Luc Vannieuwenhuyse.
Ce congé ne peut cependant excéder 10 jours, le calcul se faisant au prorata de votre temps de travail (temps plein ou temps partiel) et n’est pas rémunéré sauf lorsqu’un accord sectoriel ou au niveau de l’entreprise le prévoit expressément
Pour l’octroi d’allocations de chômage, d’indemnités INAMI, d’allocations familiales ou de pension, ces jours sont assimilés à des jours de travail.
Le congé sans solde
"Celui qui aurait épuisé les formules de crédit-temps et de congé thématique, fait éventuellement usage du congé pour raison impérieuse, ou utilisé ses jours de congé ordinaires a toujours la possibilité de convenir avec son employeur d’un congé sans solde. La grosse différence c’est que ce n’est pas un droit (contrairement aux congés thématiques)", observe Jean-Luc Vannieuwenhuyse.
Autrefois, beaucoup de travailleurs cumulaient le crédit-temps sans motif et le crédit-temps motivé. Aujourd’hui, le premier a disparu. "Celui qui veut se payer une année sabbatique, devra obtenir l’accord de l’employeur et ce sera un congé non rémunéré, sans indemnité de l’ONEM et il ne se constituera aucun droit de pension". Un congé sans solde comme un autre donc, ce qui administrativement parlant, se caractérise par une suspension du contrat de travail. Cette solution reste donc possible… à condition d’accepter d’en payer le prix et que l’employeur soit d’accord.
En bref
Les formules accessibles aux grands-parents
- Le crédit-temps de fin de carrière (à partir de 60 ans, ou exceptionnellement, de 55 ans)
- Le congé pour assistance médicale à un membre du ménage/de la famille gravement malade
- Le congé pour soins palliatifs
- Et peut-être à l’avenir, la pension à mi-temps