Il n’est pas chose aisée de travailler au vu des mesures sanitaires prises pour faire face à la pandémie de Covid-19. Si vous faites partie de ceux pour qui le télétravail n’est pas possible, il est légitime de se poser une série de questions quant à votre sécurité.
• Quelles mesures doit prendre votre employeur?
Si le télétravail n’est pas possible dans votre cas, votre entreprise doit prendre des mesures afin de garantir l’application des règles de distanciation sociale. Il s’agit d’une distance d’au moins 1,5 mètre entre chaque personne. Les supermarchés ne peuvent accueillir qu’un client par dix mètres carrés maximum et les clients ne peuvent pas y rester plus de 30 minutes. La pratique des soldes et des réductions est interdite. Les magasins d’alimentation ne peuvent être ouverts que de 7h à 22h et les magasins de nuit doivent aussi fermer à 22h. Si ces mesures ne peuvent être respectées, l’entreprise doit fermer. "Certaines entreprises ont déjà affirmé ne pas pouvoir mettre en œuvre la règle de distanciation sociale et essayer de faire au mieux", indiquent Catherine Legardien et Catherine Mairy, legal experts chez Partena.
• Qui peut contrôler l’application de ces mesures?
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Ce sont les autorités qui contrôlent l’application des mesures par les entreprises. Si elles constatent que les mesures de distanciation sociale ne sont pas respectées, l’entreprise s’expose à une lourde amende dans un premier temps. En cas de non-respect après la sanction, l’entreprise devra fermer. Ces dispositions ne sont toutefois pas d’application pour les secteurs cruciaux et services essentiels (soins de santé, pharmacies, transports, etc.), qui doivent tout de même veiller à respecter, dans la mesure du possible, les règles de distanciation sociale.
• Quid si votre employeur n’applique pas les règles de distanciation?
Comme expliqué ci-dessus, si l’employeur ne respecte pas les règles de distanciation, il s’expose en premier lieu à une amende, en cas de récidive il se verra obligé de fermer.
En tant qu’employé, pouvez-vous dénoncer votre employeur s’il ne respecte pas les mesures? "Nous avons peu d’information à ce sujet à ce stade. L'inspection du bien-être au travail pourrait s’en charger, mais reste à savoir si l'inspecteur se déplacera dans les circonstances actuelles", expliquent les expertes de Partena, qui ajoutent qu’un travailleur n’est pas protégé s’il dénonce son employeur, "mais si l'employeur devait le licencier, le travailleur pourrait se tourner vers le tribunal du travail qui pourrait conclure à un abus de droit de l'employeur".
"Sous réserve de pouvoir prendre connaissance des dispositions prises par le gouvernement, la matière est de la compétence de l’Inspection sociale, de l’inspection du travail et de l’auditorat du travail", indique également Patrice Bonbled, consultant en droit social. "Le travailleur peut dénoncer individuellement et en nom propre la non-application des règles imposées. Soit directement auprès de l’employeur, soit auprès du conseiller en prévention interne ou externe, soit auprès du CPPT, soit auprès de l’inspection sociale, soit auprès de l’auditorat du travail."
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• Pouvez-vous exiger de faire du télétravail?
"Dans des circonstances normales, un accord de l’employeur est nécessaire lorsque vous voulez faire du télétravail. Mais les instructions des autorités sont une situation de force majeure, si bien que l’accord du patron n’est plus nécessaire", explique Kathelijne Verboomen, directrice du Centre de connaissances d'Acerta. La consigne est "reste chez soi qui peut". Elle doit être respectée proportionnellement et selon les directives des autorités. "Si vous pouvez prouver que vous pouvez également exercer votre fonction depuis votre domicile, votre patron ne peut pas s’y opposer en tant qu’employeur. Vous avez en effet aussi l’obligation de veiller à la santé de vos collègues et vous ne faites alors qu’obéir à l’appel des autorités. En effet, le gouvernement a utilisé les termes 'les entreprises doivent organiser le télétravail pour toutes les fonctions où c’est possible'", ajoute la spécialiste.
"Les instructions des autorités sont une situation de force majeure, si bien que l’accord du patron pour télétravailler n’est plus nécessaire."
• Votre employeur peut-il vous forcer à travailler?
Il ne peut pas vous "forcer" à travailler, sauf cas de force majeure. Il est en droit de vous demander de travailler suite au contrat de travail signé entre vous. "La législation permet une suspension des prestations en cas d’incapacité de travail", explique Patrice Bonled. Plusieurs options s'offrent à lui:
- vous proposer de travailler à domicile (télétravail) si les fonctions exercées par vous le permettent, sous réserve d’une clause prévoyant déjà cette possibilité dans le contrat de travail;
- vous faire travailler à votre poste de travail habituel, à condition de respecter les nouvelles mesures prises notamment en matière de distance entre poste de travail;
- proposer des heures de travail flexibles, prises de congé, reporter ou annuler les réunions habituelles, reporter les formations prévues;
- réunir le CPPT (s’il existe) ou la délégation syndicale pour examiner les mesures à prendre, avec l’assistance du conseiller en prévention;
- solliciter le bénéfice du chômage temporaire;
- invoquer un cas de force majeure (avec chômage du personnel).
• Pouvez-vous refuser de travailler?
Et si vous tombez malade?
"La règle traditionnelle prévaut. Il faut avertir son employeur et envoyer son certificat médical. Si le salarié reçoit de son docteur une attestation de confinement, il sera mis sous chômage temporaire pour cas de force majeure et indemnisé par l’Onem. S'il devait ensuite tomber malade avec cette fois-ci un certificat médical, il serait rémunéré par la mutuelle dès le premier jour", détaillent les spécialistes de Partena.
"Vous ne pouvez pas invoquer de motif de force majeure pour affirmer que vous pouvez suspendre le contrat de travail. À strictement parler, votre patron pourrait vous dire que si vous ne venez pas travailler, vous êtes par conséquent absent de manière injustifiée et vous n'avez pas droit à une rémunération. Votre patron pourrait aussi imposer les sanctions prévues dans le règlement de travail pour quand même vous contraindre à venir travailler. Ou il pourrait même procéder au licenciement", prévient Kathelijne Verboomen, qui rassure: "Étant donné la situation exceptionnelle, il est toutefois important que votre patron tienne compte des circonstances. Vous ne venez pas travailler parce que vous avez peur d’être contaminé au travail, ou parce que vous ne vous sentez pas bien et vous avez peur de contaminer à votre tour d’autres personnes sans être vraiment malade, ou vous n’avez vraiment pas envie de venir travailler? Quelle que soit la mesure que votre patron prenne, elle doit être proportionnée aux circonstances. Le contexte actuel de la crise du coronavirus requiert également une approche particulière de votre direction en vue du bien-être individuel de vous en tant que travailleur, de la responsabilité pour la population totale et du sens civique."
Les secteurs cruciaux et services essentiels
Ces secteurs ne sont pas tenus par l'obligation imposée aux entreprises de généraliser le télétravail ou une distanciation sociale sévère. Les voici:
- Les soins de santé;
- Les institutions de soins;
- Les pharmacies;
- L'industrie pharmaceutique;
- Les services de prévention;
- Les services d'asile et migration;
- La télécommunication;
- Les médias et journalistes;
- La collecte et le traitement des déchets;
- La police;
- Les gouvernements et parlements et leurs services;
- La Justice;
- L'administration des douanes;
- Le transport;
- Les fournisseurs et transporteurs de carburant et combustibles;
- L'ensemble de la chaîne alimentaire;
- Les hôtels;
- Les pompes funèbres;
- Les services postaux;
- L'énergie et la finance;
- Les lieux d'accueil et d'enseignement (crèches et écoles, pour assurer un accueil).
Les coiffeurs restent un cas particulier dans ce cadre. Ils ne sont pas listés comme cruciaux ou essentiels mais, au même titre que les librairies et les magasins d'alimentation, ils ne doivent pas fermer leurs portes. En revanche, ils "ne peuvent recevoir qu'un client à la fois et sur rendez-vous".