En Belgique, les coûts salariaux ont légèrement baissé cette année pour les revenus compris entre 25.000 et 125.000 euros brut par an. C’est notamment ce que révèle l’édition 2018 de l’enquête publiée chaque année depuis neuf ans par le bureau de conseil Deloitte. En 2015, notre pays occupait encore la deuxième place au classement des pays les plus "chers". Aujourd’hui, nous avons amélioré notre position puisque nous voilà rétrogradés à la sixième place. Il n’y a toutefois pas encore de quoi pavoiser.
Dans le top 5, on retrouve comme l’année passée, la France, la Suède, l’Italie et la Slovaquie mais aussi la République tchèque. La Suisse, Malte et le Danemark affichent pour leur part les coûts salariaux les plus faibles.
Le tax shift fonctionne
La légère amélioration de la position de la Belgique dans le classement est le résultat du tax shift mis en place en 2016. Ce "glissement" fiscal a pour principal objectif d’augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs et la compétitivité des entreprises. Le gouvernement fédéral s’est donné pour but de réduire progressivement les coûts salariaux, pour les ramener à 25%. Depuis 2015, les cotisations patronales sont ainsi déjà passées en moyenne de 34 à 27,36%.
Comparaison internationale
Dans son enquête sur les salaires, Deloitte élabore systématiquement plusieurs scénarios. Le consultant associe différents niveaux de salaire (25.000, 50.000, 75.000, 125.000 et 250.000 euros) à différentes situations familiales: marié avec conjoint qui travaille et deux enfants à charge, marié avec conjoint qui ne travaille pas et deux enfants à charge, isolé sans enfant à charge et isolé avec deux enfants à charge.
Via notre outil en ligne, vous pouvez découvrir combien un travailleur perçoit en net sur la base de son salaire brut, pour chacun des 19 pays et pour chaque scénario. Il est également possible de comparer les revenus nets disponibles. On peut conclure qu’en Belgique, les travailleurs les plus avantagés au niveau fiscal sont les couples avec enfants à charge et un seul revenu. Découvrez tous les scénarios sur www.monargent.be/salaires
Si nous examinons les résultats de l’enquête par catégorie de revenus, nous constatons que la Belgique fait encore partie du top 5 pour les salaires compris entre 125.000 et 250.000 euros brut par an. Dans la plus haute catégorie, notre pays occupe même la troisième place, après la France et la Suède. "Mais à ce niveau de revenus, les contribuables ont tendance à opter pour un statut d’indépendant", explique Patrick Derthoo, fiscaliste et associé chez Deloitte Belgique.
Même si l’on ne peut que se réjouir de l’impact positif du tax shift, la Belgique n’en reste pas moins confrontée à un problème fondamental, à savoir que les cotisations patronales ne sont pas plafonnées, contrairement à ce qui se passe dans de nombreux autres pays européens. "Or, les pays dont les cotisations sociales ne sont pas plafonnées ont du mal à maintenir les coûts salariaux sous contrôle, ce qui pèse sur leur productivité", explique Patrick Derthoo.
Augmentation des bas revenus
"Le tax shift a surtout un impact sur les plus bas salaires", confirme Patrick Derthoo. Pour les revenus entre 25.000 et 125.000 euros brut, la Belgique se range à la 15e place, juste avant la Suède, l’Italie, le Danemark et la Grèce. Mais ici aussi, les conclusions diffèrent si l’on ventile les résultats par catégorie de revenus.
"Le tax shift a surtout un impact sur les plus bas salaires."
Un travailleur belge dont le conjoint travaille, qui a deux enfants, et dont le salaire brut annuel est de 25.000 euros, grimpe de 12 places dans le classement européen par rapport à 2015 et se hisse au 7e rang. Ce travailleur a vu son salaire net augmenter de 20,07% (+ 3.293,02 euros), tandis qu’un isolé sans enfant a vu ses revenus augmenter de 6,4% (+ 1.142,27 euros) par rapport à 2015.
La Suisse, la République tchèque et Malte sont les pays où les travailleurs perçoivent proportionnellement le plus haut salaire net après déduction des impôts et des cotisations patronales.
Gagner plus n’est pas payant
Cette année, l’étude a calculé l’évolution du salaire net par rapport à celle du salaire brut. Deloitte qualifie ce phénomène de "facteur de polarisation". Les pays où le salaire brut est le plus érodé par les taxes et autres ponctions obtiennent un mauvais score.
La Belgique est le pays qui affiche le plus bas facteur de polarisation, suivie par la Grèce et le Danemark. Notre pays arrive en 19e et dernière place dans toutes les catégories de salaires!
"La Belgique affiche le plus bas facteur de polarisation. Plus ce facteur est faible, moins les travailleurs sont motivés à travailler davantage puisqu’au final, ils ne gagneront pas grand-chose de plus."
La Suisse par contre affiche le facteur de polarisation le plus élevé dans toutes les catégories. "Le facteur de polarisation est un paramètre important pour mesurer le niveau d’ambition des travailleurs, poursuit Patrick Derthoo. Plus il est faible, moins les travailleurs sont motivés à travailler davantage puisqu’au final, ils ne gagneront pas grand-chose de plus."
Cette mauvaise performance s’explique par le fait qu’en Belgique, on atteint très vite les plus hauts taux d’imposition. Parmi les 19 pays analysés, seuls six appliquent un taux marginal supérieur à 50%. En Belgique, le taux maximum, centimes additionnels communaux compris, se monte à 53,5% et il s’applique de surcroît à partir d’un revenu imposable de 39.660 euros. Ce qui en fait l’un des pays les plus chers d’Europe.
Les enfants sont un "plus"
Grâce au quotient conjugal, un contribuable marié dont le conjoint n’a aucun revenu est moins taxé qu’un isolé. Point positif cette fois: la Belgique fait partie du top 5 des pays qui accordent le plus grand avantage fiscal à un conjoint sans emploi.
La plupart des pays analysés accordent également un avantage fiscal aux travailleurs qui ont des enfants à charge. De ce point de vue, la Belgique occupe également une position relativement élevée. Aux Pays-Bas et en Suède, le fisc ne fait par contre aucune différence sur la base de la situation familiale du contribuable.
En 2015, un isolé qui gagnait 25.000 euros brut, en conservait 17.470, ce qui valait à la Belgique la 16e place sur 19. En 2018, ce montant net est remonté à 18.613 euros.
Une personne mariée dont le conjoint travaille et qui a deux enfants à charge ne percevait en 2015 que 16.406 euros, ce qui faisait de la Belgique la lanterne rouge. En 2018, le montant net est passé à 19.699 euros, ce qui nous vaut la 10e place du classement.
Pour les revenus les plus élevés, la hausse enregistrée entre 2015 et 2018 est marginale. Il y a trois ans, un isolé dont le salaire brut se montait à 125.000 euros percevait en net 57.498 euros. En 2018, il touche 58.016 euros. Dans les deux cas, nous occupons l’avant-dernière place du classement.
Un employé dont le conjoint travaille et qui a deux enfants percevait en 2015 la somme de 58.657 euros net, contre 59.102 euros cette année. Cette amélioration a permis à la Belgique de passer de la 18e à la 17e place.
Revenu disponible confortable
Mais si notre pays n’est pas champion en matière de salaires nets, il évolue malgré tout dans le milieu du peloton en termes de salaire net disponible.
Le revenu net disponible s’obtient en additionnant le salaire net et les allocations familiales, ajusté pour tenir compte du coût de la nourriture et du logement. Dans un pays où les prix sont relativement bas, le revenu net disponible a donc tendance à être plus élevé que le salaire net, vu qu’il est possible d’acheter davantage avec le même budget que dans un pays où les prix sont plus élevés.
Sur la base des données de Deloitte, nous pouvons conclure que sur ce plan, la Belgique se situe dans la bonne moyenne, à un niveau comparable à celui de l’Allemagne et des Pays-Bas. "Cette place, nous ne la devons pas tellement au faible coût de la vie, mais surtout au faible coût du logement", précise Patrick Derthoo.
Les pays où le coût de la vie est le plus avantageux sont la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce. À l’opposé, on trouve le Royaume-Uni et le Danemark. Alors que le Danemark est déjà en queue de peloton dans tous les scénarios, le Royaume-Uni doit ce classement défavorable au coût élevé de la vie et aux prix astronomiques de l’immobilier. Quant aux Suisses, ils sont les moins bien lotis s’ils ont un bas salaire, mais ils s’en sortent mieux au fur et à mesure que leurs revenus augmentent.
Impôts sur les investissements
L’étude examine également la façon dont les contribuables sont taxés sur l’argent qui est versé sur leur compte en banque.
Concernant la taxation des revenus passifs (intérêts, dividendes), la Belgique occupe la 13e place pour les intérêts et la 12e pour les dividendes. En Europe, le taux d’imposition moyen des intérêts est de 26,09% et de 26,04% pour les dividendes. Au cours des cinq dernières années, ce taux est globalement resté stable.
Il faut toutefois noter que l’Irlande et la France ont nettement réduit la fiscalité sur les intérêts, respectivement de 39 à 37% et de 24 à 12,80%. Mais parallèlement, la France a procédé au relèvement de la CSG (contribution sociale généralisée), ce qui entraîne une hausse du taux global des prélèvements sociaux, qui passent de 15,5 à 17,2%.
"Le gouvernement français fait beaucoup d’efforts pour encourager les citoyens à rapatrier leur patrimoine. Il a modifié la taxe sur les intérêts et les dividendes et désormais, l’impôt sur la fortune ne s’applique plus que sur les biens immobiliers", commente Patrick Derthoo.
Rappelons au passage que depuis 2018, la Belgique applique une taxe de 0,15% sur les comptes-titres dont le montant est supérieur à 500.000 euros.