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Les FAQ sur la reprise du travail en déconfinement

L’activité reprend de façon progressive et incertaine. Vous restez en chômage temporaire (à temps partiel)? En télétravail? Vous prenez un congé? Vous êtes licencié? Quelles sont les règles?
Rien n'oblige l'employeur à vous accorder une indemnité pour le télétravail...
Rien n'oblige l'employeur à vous accorder une indemnité pour le télétravail...

Le 4 mai, dans le cadre de la toute première phase du déconfinement, certains ont pu reprendre le travail in situ, dans le respect des précautions sanitaires d’usage. Pour les autres, les commerçants notamment, ce sera lundi 11 mai. Tout le monde ne sera cependant pas encore sur le pont ! Et nous ne reprendrons certainement pas tous le (même) chemin du travail. Personne n’est en effet en mesure de dire à quel rythme l’activité redémarrera. La situation d’un secteur ne sera pas celle d’un autre.

Les semaines de confinement et de mise à l’arrêt forcé de nombreuses professions ont laissé des traces qui, pour certains, se révéleront fatales. D’autres constateront rapidement que pour survivre, ils devront licencier une partie du personnel. D’autres encore recommenceront à effectifs réduits pour éviter que la charge salariale ne coule la barque alors qu’ils écopent pour maintenir leur business à flot.

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"Pour l’instant, la seule certitude, c’est que l’on peut recourir au chômage temporaire jusqu’au 30 juin."

Sébastien Roger
Avocat spécialiste en droit du travail (Younity)

Parce qu’on navigue encore largement à vue, certains ne réintégreront donc pas de sitôt leur poste. Il faudra attendre que la brume se dissipe. Peut-être continuer à végéter en chômage temporaire (partiel). Continuer à télétravailler, souvent. Ou faire le gros dos et adapter son temps de travail, volontairement, pendant une période. Mais des hordes de travailleurs échoueront au chômage pour de bon.

Comment tout cela risque-t-il de vous affecter? Quelles sont les règles prévues? Que peut tenter un salarié pour tenter de limiter la casse et sauver son job? Que peut-on lui imposer?

Faisons le tour des questions les plus fréquemment posées aux spécialistes du droit du travail et des ressources humaines.

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Combien de temps peut-on rester en chômage temporaire pour force majeure corona?

JUSQU'AU 30.06. Le chômage temporaire pour raison économique, qui était la règle "avant", prévoyait une limitation dans le temps, qui différait selon que l’on était ouvrier ou employé. Dans le cadre du coronavirus, "l’ONEM a simplifié les procédures en instaurant le chômage temporaire pour force majeure corona dont la limite est fonction de la durée du motif justifiant cette force majeure (comprenez un événement imprévisible qui rend impossible l’exécution du contrat). Pour l’instant, la seule certitude, c’est que l’on peut recourir au chômage temporaire jusqu’au 30 juin", explique Sébastien Roger, avocat spécialiste en droit du travail (Younity).

Peut-on me demander de changer temporairement de fonction?

"Le raisonnement est toujours le même. Lorsqu'on touche au salaire, à l'horaire de travail ou à la fonction, il faut l'accord de l'employé. Ces changements éventuels doivent être temporaires et liés à la crise du Covid-19. Ils ne peuvent pas causer préjudice au travailleur et il doit avoir la garantie d'un retour aux conditions de travail initiales, le jour venu", répondent les juristes de Partena Professional.

"Pour la suite, l’ONEM décidera soit de prolonger la mesure, soit de basculer sur du chômage temporaire pour raison économique, précise Catherine Mairy, Legal Expert chez Partena Professional. Du point de vue du salarié, cela ne changera pas grand-chose. En revanche, pour l'employeur, les procédures sont moins souples et plus compliquées. Les conditions peuvent en outre varier d’un secteur à l’autre", ajoute-t-elle.

Peut-on être licencié quand on est en chômage temporaire corona?

OUI. Des entreprises ont effectivement déjà notifié leur licenciement définitif à certains de leurs travailleurs alors qu’ils étaient en chômage temporaire corona. La réglementation leur permettait d'ailleurs de se séparer de ces collaborateurs à moindres frais. Voici pourquoi.  

Alors que dans le cadre du chômage économique, le préavis est suspendu durant la période de chômage et ne prend cours qu’à partir du moment où le travailleur réintègre son poste, (jusqu'ici) le chômage temporaire pour force majeure ne suspendait pas le délai de préavis. Celui-ci était donc à charge de la sécurité sociale et non de l’employeur.

Une situation doublement injuste pour le travailleur qui non seulement perd son emploi, mais touche une allocation de chômage bien plus faible que l’indemnité de préavis due par l’employeur. Il vient toutefois d’être remédié à cette situation puisque la Commission des Affaires sociales a approuvé le 30 avril une proposition de loi du sp.a visant à suspendre les délais de préavis en cas de licenciement d’un travailleur.

 

Mon employeur peut-il m’obliger à passer à mi-temps ou en 4/5?

NON. Un employeur ne peut pas modifier unilatéralement un élément essentiel du contrat de travail, dont la durée du travail fait évidemment partie. "L'employeur peut en revanche suggérer à un employé à passer à mi-temps ou à 4/5, libre au travailleur de donner ou non son accord", nuance Catherine Mairy.

"Le mieux, pour l’employeur qui n’a pas suffisamment de boulot à donner à tout le monde, est précisément de recourir au chômage temporaire corona (complet ou partiel) qui est prévu pour cela", poursuit-elle. Attention, souligne Sébastien Roger, "dans le cadre du chômage, il n’est pas possible de prester des demi-journées ou rien que des matinées par exemple. Il ne peut s’agir que de jours complets". Même si, dans la pratique, la plupart des entreprises font preuve de souplesse...

 

En cas de licenciement, les temps pleins ont-ils la priorité?

NON. Il n’y a pas de règles en la matière. "L’employeur va tenir compte de la situation financière de l’entreprise, des fonctions qui sont impactées par la baisse de l’activité. Mais aussi de l’ancienneté, de l’expérience, des qualifications et du salaire des uns et des autres", explique Catherine Legardien, Legal Expert chez Partena Professional.

"L’employeur peut décider en toute liberté des critères sur lesquels il fonde sa décision, à condition que ces critères ne soient pas discriminatoires (comme c’est le cas de l’âge, du sexe, de l’état de santé, notamment)", ajoute Sébastien Roger. L’employeur qui estime devoir licencier pour réduire les coûts peut souhaiter, pour son organisation, travailler uniquement avec des temps pleins. C’est son droit. Mais l’inverse est également possible. Les motifs de licenciement à invoquer sont les suivants: l’aptitude (au regard des défis à relever), le comportement ou les contraintes liées au fonctionnement de l’entreprise (ex: suppression de postes).

La réglementation relative au chômage temporaire corona permettait de licencier à moindres frais, car elle ne prévoyait pas la suspension de la période de préavis. L'approbation d'une proposition de loi déposée par le sp.a vient d'y mettre fin.

 

Y a-t-il des avantages que l’employeur peut laisser tomber compte tenu des circonstances?

NON. L’employeur ne peut pas toucher au package salarial (salaire et avantages extra-légaux prévus dans le contrat de travail). Les bonus collectifs liés aux résultats risquent par contre de tomber vu que les objectifs qui avaient été fixés avant le coronavirus ne pourront évidemment pas être atteints. L’instauration d’un nouveau plan avec des objectifs adaptés aux circonstances, en concertation avec le travailleur ou les représentants des travailleurs, est toujours possible, mais vu le manque de visibilité actuel, cela semble difficilement concevable.

 

Le travailleur qui ne veut plus télétravailler peut-il proposer d’autres solutions?

OUI… mais (tout se fait d’un commun accord). Un congé parental coronavirus vient d’être instauré pour les parents d’enfants de moins de 12 ans ou souffrant d’un handicap. Ce congé peut être pris durant les mois de mai et de juin - avec effet rétroactif-, pour passer à mi-temps ou à 4/5 en bénéficiant des allocations accordées pour un congé parental classique, majorées de 25%. À la seule condition d’avoir été lié par contrat de travail depuis au moins un mois. Ce congé ne sera en outre pas déduit du crédit de congé parental ordinaire. "Par contre, l’accord de l’employeur est requis et il n’est pas possible d’interrompre totalement ses prestations ou de les réduire à 1/10", précise Catherine Legardien, qui, au vu des questions qui affluent, s’attend à un gros succès de cette mesure.  

Mais pourquoi ceux qui en ont la possibilité ne recourraient-ils pas plutôt au congé thématique (dont fait partie le congé parental) qui, lui, est un "droit" pour l’employé? "Précisément parce que ce congé ne peut être accordé que moyennant un avertissement préalable de 3 mois, ce qui le rend inopérant pour répondre à une situation d’urgence. Un congé parental demandé aujourd’hui ne pourrait prendre cours que début août… D'un commun accord, tout reste évidemment possible", note Me Roger, soulignant que "vu les circonstances, dans 99% des cas, des solutions sont trouvées, pourvu qu’il s’agisse d’un win-win".

L’employé en difficulté peut également
- demander à être mis en chômage temporaire corona
- invoquer son droit au congé pour raison impérieuse. Il dispose dans ce cadre d’un crédit de 10 jours par an non payés.

"Notez qu’un arrêté ministériel publié le 30 avril indique que, dans les entreprises non essentielles, le télétravail n’est plus obligatoire, mais recommandé. L’employé qui estime qu’il lui est impossible de continuer à télétravailler pourrait donc légitimement demander à réintégrer le bureau. Si l’employeur n’est pas en mesure de l’accueillir dans les conditions de sécurité sanitaire requises, une solution devra être trouvée. Tout dépend évidemment de la fonction exercée. Le principe, c’est que tout se fait d'un commun accord", conclut Sébastien Roger.

 

Si je télétravaille durant plusieurs semaines ou mois, ai-je droit à une indemnité?

NON. "L’employeur a pour seule obligation la mise à disposition du matériel. Si le travailleur utilise son propre matériel, une indemnisation doit être prévue. Rien n’oblige l’employeur à indemniser pour l’électricité, le chauffage, l’eau, etc. consommés à domicile", prévient Sébastien Roger.

"Je pense que l’employeur continuera d’appliquer les règles qui étaient en vigueur jusque-là. S’il n’intervenait pas dans ces frais, il n’interviendra pas. D’autant que le télétravail n’est plus obligatoire et qu’à terme, l’objectif est que les travailleurs réintègrent l’entreprise. Cela n’exclut pas que le travailleur fasse une demande… ", commente Catherine Mairy.

Dans le cadre du télétravail structurel, il convient en revanche de prévoir une indemnisation. "L’indemnité allouée peut aller jusqu’à 120 euros par mois (pour un temps plein) et couvre alors l'intégralité des frais", indique l’avocat de Younity.

 

Pourrai-je déduire mes frais de télétravail et déclarer une partie de ma maison en bureau dans ma déclaration d’impôt (2021)?

NON. Contrairement aux indépendants, rares sont les salariés qui déclarent leurs frais réels. "Vous pourriez déduire une partie de la maison et de l’électricité, mais sur combien de mois?  Pour que ce soit intéressant, il faut que ces frais soient très élevés, en tout cas davantage que le forfait de frais prévu pour les salariés (4.890 euros max.). Et un salarié qui déclare des frais réels, c’est le contrôle fiscal assuré", prévient l’avocat. 

Peut-on m'obliger à prendre des congés ou à y renoncer?

NON, MAIS… Les travailleurs ont droit à leurs congés légaux. L’exercice de ce droit risque toutefois de poser problème dans certains cas. 

"Peu de travailleurs en chômage temporaire ont pris des congés durant le confinement, même si cela leur aurait permis de conserver 100% de leur revenu", constate Sébastien Roger. Les entreprises les y encourageaient pourtant, soucieuses de pouvoir compter sur eux lorsque l’activité reprendra. Et tant qu’aucune perspective de vacances ou d’excursion ne se concrétisera, les employés ne devraient pas se précipiter pour écouler des jours de congé…

"Les jours de vacances annuelles auxquels le travailleur a droit doivent impérativement être pris avant le 31 décembre 2020, rappelle Catherine Legardien. Le travailleur ne peut imposer ses jours de vacances et l’employeur ne peut le contraindre à prendre congé aux dates qui l’arrangent".

Ça, c’est pour la théorie. "Car au vu de la situation exceptionnelle, l’employeur peut formuler des recommandations. Par exemple, inciter à prendre congé à des périodes calmes et à éviter celles où la reprise de l’activité est assurée", précise Catherine Legardien qui songe par exemple au rush attendu chez les coiffeurs à la réouverture, le 18 mai.

Si en raison des circonstances actuelles, certains souhaitent reporter des jours de congé planifiés, cela nécessitera l’accord de l’employeur. Mais "il n’est pas exclu que le report au 1er trimestre 2021 d’un certain nombre de jours de congé non pris sera exceptionnellement autorisé", estime Sébastien Roger, rappelant que cette pratique répandue n’est pas légale.

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