Lors du dernier Conseil national de sécurité (CNS), Sophie Wilmès a indiqué que "le télétravail est recommandé" pour la phase 3 du déconfinement, qui a débuté lundi 8 juin.
En fait, il "reste" recommandé. Contrairement à ce qui avait été indiqué, il n'était déjà plus "la norme" depuis le 4 mai dernier. Dans un arrêté ministériel du 30 avril, il est effectivement écrit: "Le télétravail à domicile est recommandé dans toutes les entreprises non essentielles, quelle que soit leur taille, pour tous les membres du personnel dont la fonction s’y prête."
Autrement dit, en tant que "norme" le télétravail était obligatoire jusqu'à la date du 4 mai non compris. Désormais, il s'agit d'une recommandation. "Cela signifie qu'un employeur doit permettre aux travailleurs dont la fonction s’y prête de (continuer à) faire du télétravail", selon Catherine Mairy, Legal Expert chez Partena Professional.
"Mais cela signifie aussi qu'un employeur peut demander à un travailleur de revenir dans les locaux quand cela se justifie, par exemple, pour les fonctions avec un contact client." Dans ce cas, l’employeur doit évidemment avoir pris toutes les précautions et mesures d’hygiène qui s’imposent (prévues dans le guide générique des bonnes pratiques) afin d'assurer le respect maximal des règles de distanciation physique et la protection de la santé de son travailleur.
Si l’employeur souhaite réduire (progressivement, de préférence) la fréquence du télétravail, "il veillera à motiver la demande qu’il ferait en ce sens au travailleur par des raisons objectives, légitimes et raisonnables telles que, par exemple, celles liées à l’organisation du travail ou aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise."
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Droit de refus
"Si un employeur demande à un travailleur de revenir dans les locaux et que cela se justifie, le travailleur peut donc difficilement refuser de se déplacer", ajoute l'experte. Si le travailleur rencontre des problèmes d'ordre personnel pour revenir (car il n'a trouvé personne pour s'occuper de ses enfants), il doit en faire part à son employeur afin d'éventuellement aménager l'horaire de travail. "L'employeur devra de toute façon chercher et trouver un équilibre, notamment avec un roulement des équipes, pour éviter que tous les travailleurs d'un même plateau, par exemple, ne soient présents en même temps."
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Quid si un employeur n'a pas mis en place des mesures pour protéger la santé des travailleurs? Le travailleur a alors le droit de refuser de venir. "En pratique, il doit motiver son refus en expliquant que le télétravail est possible dans son cas, qu’il travaille d’ailleurs de cette manière depuis plusieurs semaines et qu’il ne voit donc pas l’intérêt de venir dans les locaux de l’entreprise. Ce refus doit se faire délicatement et surtout par écrit – par e-mail et pas par SMS – afin d’éviter que cela ne passe pour de l’insubordination."
"Si un employeur demande de revenir au bureau et que cela se justifie, le travailleur peut difficilement refuser de se déplacer."
Si malgré ce refus motivé, l’employeur ne change pas d'avis, le travailleur doit prendre contact avec les membres du Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT). En leur absence, c’est la délégation syndicale qu’il faut contacter. Il peut également en faire part au conseiller du service pour la prévention et la protection au travail ou, enfin, à la direction régionale compétente du Contrôle du bien-être au travail. "La dernière option, mais qui peut être à double tranchant, consiste à dénoncer l’employeur à l’inspection sociale", prévient Catherine Mairy.
D’ailleurs, le point de contact pour une concurrence loyale, disponible via www.pointdecontactfraudesociale.belgique.be sert temporairement de formulaire pour introduire des signalements d’infractions relatives aux mesures prises pour lutter contre le coronavirus.
"Avant de dénoncer son employeur, il vaut toujours mieux essayer de trouver des solutions avec lui."
Droit de retrait
Si malgré toutes ces démarches rien ne change et qu’un travailleur estime qu’il est en danger, il existe une possibilité dans le droit belge, comme en France, de recourir à un droit de retrait, d'après une note du centre de droit public de l’ULB. De fait, dans le Code du bien-être au travail, il est indiqué qu’"un travailleur qui, en cas de danger grave et immédiat et qui ne peut être évité, s’éloigne de son poste de travail ou d’une zone dangereuse ne peut en subir aucun préjudice et doit être protégé contre toutes conséquences dommageables et injustifiées".
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