Le travail ne s’est pas uniquement immiscé dans nos foyers suite au confinement, voilà qu’il nous suit désormais sur nos lieux de vacances. Enfin, si on le veut bien, évidemment. Club Med, qui explique que le travail fera partie de la réalité pour certains vacanciers, a décidé de mettre en place un work hub dans certains de ses resorts pour permettre à ses clients qui le souhaitent de télétravailler depuis leur lieu de vacances. Au menu: espaces de coworking, wi-fi gratuit, prises pour les postes de travail, et, tout de même, un bar et une zone self-service. Mais les travailleurs belges peuvent-ils réellement décider de passer une semaine de travail au soleil (ou ailleurs) et donc de troquer les heures passées à la plage ou en visite contre des heures de boulot?
1.Est-ce légal?
"Rien, dans la loi, n’empêche que le télétravail soit effectué depuis un autre lieu que le domicile. La visée de la loi est plus large que la seule exécution du travail à domicile même si dans la majorité des cas, le travail exécuté en dehors des locaux de l’entreprise l’est depuis le domicile", explique Valérie t’Serstevens, manager national and international employment chez SDWorx.
"Rien, dans la loi, n’empêche que le télétravail soit effectué depuis un autre lieu que le domicile."
2. Votre employeur peut-il vous le refuser?
Il n’est ni obligé de l’accepter, ni obligé de le refuser, mais tout dépendra du climat dans l’entreprise, de la volonté ou non de vos responsables de mettre ce type de possibilité en place, "mais aussi de ce qui est prévu dans les polices ou règlements en place au sein de l’entreprise", rappelle l’experte, qui illustre via deux cas de figure:
- Soit l’entreprise fait le choix de ne pas se préoccuper du lieu où s’exerce le télétravail. "Le fait qu’il soit accompli ailleurs qu’au domicile ne crée pas de difficulté et souvent la règle du ‘pas vu pas pris’ domine, même si cette pratique est vivement déconseillée", prévient-elle.
- Soit l’entreprise a investi dans "la sécurisation du poste de travail, par exemple avec l’intervention d’un ergonome et des visites à domicile, il lui est donc difficile d’autoriser le télétravail dans un autre lieu".
3. Jours de congé ou jours prestés?
Valérie t’Serstevens prévient: "Il faut que les choses soient claires: si c’est admis et organisé, ce ne sont plus des jours de congé. Si ce n’est pas organisé, cela restera des jours de congé, mais l’employé ici ne s’y retrouve pas."
"Si c’est admis et organisé, ce ne sont plus des jours de congé. Si ce n’est pas organisé, cela restera des jours de congé."
4. Un traitement fiscal ou de sécurité sociale différent?
Le traitement des jours de télétravail depuis son lieu de vacances par votre employeur reste identique à celui du télétravail "classique". "Il faut toutefois accorder une attention particulière à ces missions qui introduisent un élément d’extranéité dans la relation de travail", pointe l’experte de SDWorx, qui détaille: "Il existe un principe légal de base essentiel en matière de prestations de travail: la sécurité sociale et la fiscalité applicables au contrat de travail sont fonction du lieu de prestations (si vous télétravaillez en Belgique, le traitement social et fiscal applicable sera belge, si vous télétravaillez en Italie, il s’agira du système italien, NDLR). Le but ici n’est pas de changer la sécurité sociale et la fiscalité applicables surtout pour une période aussi brève, le législateur a donc prévu des dérogations possibles. Sans entrer dans les détails, il s’agit du détachement en matière sociale (règlement européen) et de la règle des 183 jours en matière fiscale."
Il faut également faire attention aux règles relatives au droit du travail du pays où vous vous trouvez. Celles-ci doivent, bien entendu, être respectées. "Certains pays connaissent des règles qui sont plus strictes qu’en Belgique, comme entre autre des barèmes de rémunération plus élevés, et veillent de surcroît à une application stricte de leurs règles (la Suisse par exemple)", illustre Valérie t’Serstevens.
De nombreux pays imposent des déclarations préalables à l’accomplissement d’une mission de travail sur leur territoire pour un employeur étranger par un travailleur qui n’est pas assujetti à la sécurité sociale de leur pays (déclaration Sipsi en France, par exemple). Il faut donc également analyser la question afin de savoir si le travailleur y est soumis, ce qui vaut également pour les travailleurs indépendants. "Tout cela vaut en cas de déplacements au sein de l’Europe, en dehors survient en plus la question d’un éventuel permis de travail ou carte professionnelle pour les indépendants et de l’examen des conventions bilatérales de sécurité sociale", détaille l’experte.
5. Quid en cas d’accident de travail?
Si l’employé est sorti du cadre de sa mission, en tondant la pelouse de sa résidence secondaire à Nice, par exemple, l’entreprise pourra se dégager de la responsabilité.
"Cela dépendra également du caractère officiel ou non du télétravail, si celui-ci ne l’est pas, l’accident risque fort d’être rejeté par votre compagnie d’assurance accident du travail. En revanche, si c’est organisé, il conviendra de prévenir cette dernière et de l’informer du lieu du travail, et ce en vue d’éviter tout souci", conclut Valérie t’Serstevens.