Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à permettre à leurs employés de travailler partiellement de chez eux. L’avantage pour elles ? Des travailleurs souvent plus productifs, moins stressés par le temps passé dans les transports et plus disponibles sur le long terme grâce à un meilleur équilibre de leur balance vie privée/vie professionnelle. Mais toutes les entreprises n’ont pas la même approche du télétravail. Certaines proposent, voire encouragent, le télétravail régulier, d’autres ne permettent que le télétravail occasionnel pour une "bonne" raison, et d’autres enfin tolèrent le télétravail, même régulier, sans que ce dernier ne fasse l’objet d’un accord formel avec l’employé.
Les devoirs des télétravailleurs (fournir le boulot et rester joignable, en somme) sont les mêmes dans les trois cas de figure. En revanche, il existe des nuances dans leurs droits, en termes d’assurances et de participation aux frais de la part de l’employeur.
1. Télétravail régulier
Le télétravail régulier ou structurel exige une convention écrite pour chaque télétravailleur. Si le contrat de travail est déjà en cours, il doit faire l’objet d’un avenant écrit.
Ce type de télétravail n’est ni un droit ni une obligation. Il ne peut se faire que moyennant l’accord de l’employé et de l’employeur. Plusieurs points doivent notamment être réglés dans la convention: la fréquence, le lieu où le télétravail sera exercé, la manière dont le travailleur doit être joignable et les règles relatives au défraiement des coûts supportés.
frais Déductibles
Tout travailleur a le droit d’opter pour la déduction de ses frais professionnels réels à l’impôt des personnes physiques, au lieu d’opter pour les frais forfaitaires. S’il télétravaille et qu’il déduit ses frais réels, il peut donc déduire de ses revenus professionnels les dépenses qu’il a engagées pour télétravailler (consommations électrique et de chauffage, aménagement d’un bureau, etc.), proportionnellement au nombre de jours passés à la maison pour travailler, à la surface occupée par le bureau, etc.
Comme l’explique Florence Angelici, porte-parole du SPF Finances, "il n’existe aucune règle spécifique pour la déduction des frais professionnels dans le cadre du télétravail. Pour être déductibles, les frais doivent être faits ou supportés pendant la période imposable en vue d’acquérir ou de conserver les revenus imposables. En outre, leur réalité et montant doivent être justifiés de manière probante". Comme le confirme Aurélien Pirmez, "la charge d’établir le caractère professionnel incombe incontestablement au contribuable qui revendique la déduction de tels frais".
Il est enfin important de noter que "le fait que le télétravail soit occasionnel ou régulier, qu’il soit officieux ou non, ou encore que le télétravail soit prévu au contrat de travail ou non, est sans incidence", précise Florence Angelici.
La convention collective de travail (CCT) 85, qui concerne le télétravail, précise que l’employeur doit fournir les équipements nécessaires au télétravail. "Le matériel mis à disposition de l’employé ne donnera (logiquement) pas lieu à un avantage de toute nature (ATN) imposable pour autant que le matériel soit utilisé par le télétravailleur exclusivement à des fins professionnelles, souligne Aurélien Pirmez, avocat spécialisé en fiscalité. Par contre, s’il utilise le matériel également à des fins privées, un avantage imposable doit lui être imputé."
"Il est prévu aussi que, si le travailleur utilise ses propres équipements, les frais d’installation de programmes informatiques, de fonctionnement et d’entretien, et le coût de l’amortissement de l’équipement sont à charge de l’employeur. Ces frais doivent être fixés d’un commun accord avant le début du télétravail", précise Vincent Chiavella, avocat spécialisé en droit du travail.
L’employeur est par ailleurs tenu de payer les coûts de connexion et de communication, à hauteur de maximum 20 euros par mois pour les connexions et 20 euros par mois pour l’utilisation de l’ordinateur personnel (montants maximums acceptés par l’ONSS).
Il peut également rembourser d’autres frais, mais il n’y est pas obligé. La question doit être réglée au sein de la convention. De quels montants parle-t-on? C’est le principe de réalité qui doit jouer. "Le montant réel des frais engagés par le télétravailleur doit faire l’objet d’un remboursement par l’employeur. Idéalement, le travailleur devrait disposer de justificatifs (factures, tickets…) Dans le cas contraire et notamment pour les coûts plus difficilement démontrables (chauffage, électricité, etc.), une estimation peut être effectuée, mais attention au risque de rémunération déguisée! L’ONSS veille, contrôle et requalifie les abus en rémunération (avec paiement de cotisations sociales)". L’ONSS accepte actuellement des remboursements de frais de 124,45 euros par mois, couvrant les frais de chauffage, d’électricité, et le petit matériel de bureau. Ce montant peut être remplacé par 10% de la rémunération brute mais limitée à la partie du salaire relative aux prestations en télétravail.
2. Télétravail occasionnel
Depuis février 2017, chaque travailleur a légalement le droit de télétravailler. Le télétravail occasionnel a en effet été inscrit dans la loi sur le travail faisable et maniable. Il s’agit de permettre à chaque travailleur de pouvoir, ponctuellement, travailler de chez lui, soit en cas de force majeure, soit pour des raisons personnelles. La force majeure peut par exemple se justifier par un accident ou une panne de voiture, une grève sauvage des trains, etc. Toutefois, la loi ne définit pas les "raisons personnelles" qui pourraient mener le travailleur à demander une journée de homeworking. Dans les faits, les employés peuvent demander de travailler occasionnellement de chez eux s’ils ont un rendez-vous chez le médecin, s’ils attendent le chauffagiste, s’ils doivent se rendre à la commune pour des raisons administratives, etc.
"En termes de remboursements de frais au télétravailleur, l’ONSS veille, contrôle et requalifie les abus en rémunération."
Pour éviter le flou, le cadre pour le télétravail occasionnel peut être déterminé dans une convention collective de travail ou dans le règlement de travail. La convention doit alors préciser quelles fonctions sont compatibles avec le télétravail, la procédure à suivre pour effectuer la demande, l’éventuelle mise à disposition du matériel nécessaire et l’éventuelle indemnisation des frais. Comme l’explique Vincent Chiavetta, "il y aura donc lieu de vérifier si, oui ou non, le télétravail occasionnel génère des frais pour le travailleur, frais qui pourront être répercutés à l’employeur. Idéalement le règlement de travail de l’entreprise prévoira un cadre très précis mentionnant la prise en charge de tel ou tel frais".
3. Télétravail informel
Un troisième type de télétravail pourrait être défini comme le télétravail informel: il est effectué régulièrement par un travailleur avec l’accord tacite de son employeur, sans qu’aucune convention ou avenant au contrat n’ait officialisé la situation. "Cette situation n’est pas légale car contraire à la convention collective de travail n°85. Dans la mesure où la loi requiert l’établissement d’une convention écrite, le travailleur peut exiger de son employeur qu’il signe un contrat mentionnant l’autorisation et les modalités du télétravail", explique cependant Vincent Chiavetta. Dans le cas où le télétravail régulier n’est pas constaté par écrit, le télétravailleur pourra exiger l’arrêt immédiat du télétravail, réintégrer les locaux de l’employeur et tenter, pourquoi pas, d’obtenir des dommages et intérêts compensant les frais engagés par lui pour assurer le télétravail.
Accident de télétravail
Comme lorsqu’il se rend et est présent sur son lieu de travail, le télétravailleur bénéficie de l’assurance accident du travail lorsqu’il reste chez lui. L’accident qui survient au télétravailleur est présumé, jusqu’à preuve du contraire, survenu pendant l’exécution du contrat de travail à deux conditions: s’il se produit sur le(s) lieu (x) que ce dernier a choisi par écrit comme lieu d’exécution de son travail et s’il se produit durant la période de la journée prévue par écrit comme période pendant laquelle le travail peut s’effectuer. À défaut d’une telle mention dans la convention écrite, la présomption s’appliquera pendant les heures de travail que le télétravailleur devrait prester s’il était occupé dans les locaux de l’employeur.
"Il y aura lieu de vérifier si oui ou non, le télétravail occasionnel génère des frais pour le travailleur. Ces frais pourront être répercutés à l’employeur."
Il appartient au travailleur de prouver que l’accident s’est produit sur le lieu du travail et durant les heures de travail. "On le voit, le législateur accorde beaucoup d’importance sur la convention écrite qui délimite le lieu et les horaires du télétravail. Grâce à cette convention, le travailleur bénéficiera de la présomption selon laquelle l’accident est intervenu en lien causal avec l’exercice du travail", explique Vincent Chiavetta. À défaut d’écrit, "l’assureur sera plus scrupuleux sur la vérification de l’application du régime de l’assurance accident du travail". Le travailleur et l’employeur devront prouver:
- La réalité du télétravail et ses modalités.
- Que l’accident s’est produit durant l’exécution du travail.
- Que l’accident est survenu par le fait de l’exécution du travail.
Bien entendu, les règles classiques issues de la législation sur les accidents du travail restent d’application. Les accidents survenus dans le cadre d’une activité privée ne seront ainsi pas couverts. "À titre d’exemple, le télétravailleur qui sort s’acheter son snack de midi durant sa journée de travail se verra couvert tandis que le télétravailleur qui prend une pause pour du shopping personnel ne le sera pas. Tout est toujours une question de preuve!", conclut-il.