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40 ans après la révolution en Iran, l'arme géopolitique du pétrole a fait long feu

IL y a 40 ans, l'ayatollah Khomeini revenait en Iran après son exil en France. ©AFP

La stratégie des anciens président iranien et vénézuélien – Ahmadinejad et Chavez comme Maduro à sa suite – qui rêvaient de mettre à genoux les États-Unis grâce à leurs réserves de pétrole, a lamentablement échoué. Qui plus est, l’Iran et le Venezuela ne sont pas des pays où il fait bon vivre...

Samuel Furfari
Professeur de géopolitique à l'ULB

Ce premier février, l’Iran a célébré le retour triomphal de l’ayatollah Khomeiny après un exil à Neauphle-le-Château où, grâce à la France de Giscard d’Estaing et au financement des États-Unis de Jimmy Carter, il a pu préparer sa révolution islamique. Le shah Reza Pahlavi était parti le 16 janvier vers l’Égypte. La population était exaspérée par le régime autoritaire du Shah, qui menait grand train, bien que le pays fût en pleine croissance économique.

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Le Shah d'Iran
Le Shah d'Iran ©AFP

En effet, le shah avait pour objectif de faire de l’Iran un pays moderne à l’occidentale mais aussi une grande puissance arbitre dans la guerre froide. Khomeiny installe une théocratie chiite qu’il allait diriger jusqu’à sa mort, en 1989. Le Guide de la révolution est, de fait, le chef spirituel suprême et s’en est immédiatement pris à Israël et aux Etats-Unis.

D’un choc pétrolier à l’autre

En raison de ces bouleversements politiques, une seconde crise pétrolière se déclenche, après celle de 1973 qui, à l’instigation du Colonel libyen Kadhafi, avait vu le prix du baril passer de 2,5 à environ 15 USD. Cette fois, c’est l’Iran qui est à la base de la nouvelle flambée des prix du pétrole, qui atteint 38 USD le baril.

Le deuxième choc pétrolier déclenche une crise dont on est seulement sorti en 2014, tant le traumatisme a été puissant.

Ce deuxième choc pétrolier déclenche une crise dont on est seulement sorti en 2014, tant le traumatisme a été puissant. Il est vrai que le Club de Rome avait donné aux pays arabo-musulmans une arme puissante en faisant croire à tout le monde, sur base de modélisations qui se sont révélées erronées, que la fin du pétrole était proche.

C’était une occasion rêvée pour les pays de l’OPEP d’utiliser leurs réserves pour infléchir la politique occidentale envers Israël. Le pays des Mollahs – qui ne pouvaient supporter que des "infidèles" détiennent des biens dans un pays "saint" – chassa dès lors les compagnies pétrolières et introduisit un type de contrat pétrolier unique au monde, appelé "buy-back" qui n’a pas été en mesure d’attirer les entreprises internationales.

Mais le boomerang pétrolier est finalement revenu vers ceux qui l’avaient lancé. En effet, le résultat de cette révolution a été catastrophique. Les entreprises internationales, chassées d’Iran, ont développé de nouvelles technologies de prospection et production pétrolières grâce notamment à un programme de démonstration appelé "Oil and gas" de la Commission européenne. On a aussi découvert de nouveaux bassins d’hydrocarbures à travers le monde comme ceux de la mer du Nord.

©Photo News

Ce fut le contre-choc pétrolier, qui vit le prix du brut tomber à 14 USD/baril en 1986. La consommation mondiale de pétrole passa de 47,9 millions de barils par jour (Mb/j) en 1971 à 63,9 en 1979 et ensuite 59,4 en 1985. Il convient de souligner en passant, vu l’idéologie anti-nucléaire actuelle, qu’une des raisons de cette chute du prix a été l’arrivée des centrales nucléaires, qui ont pu fort opportunément remplacer celles au fuel, qui étaient encore courantes à l’époque.

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Avant la révolution islamique de 1979, l’Iran du Shah produisait 5,3 Mb/j et en exportait 4,7. Aujourd’hui, 40 ans plus tard, elle n’en produit toujours que 5,0 Mb/j, après avoir passé par un creux autour de 2,5 — 3,5 Mb/j, creux qui a duré des années. Mais comme sa consommation interne croît, ses exportations ne sont aujourd’hui que de 3,2 Mb/j. C’est surprenant pour un pays qui possède 10% des réserves mondiales de brut, qui plus est très facile à extraire.

Une vulnérabilité exploitée

©Photo News

L’Iran possède aussi les premières réserves de gaz naturel – 34 000 milliards de m³ – soit 18,2% des réserves mondiales, devant la Russie (17,4%). Notamment, il partage avec le Qatar le champ gazier supergéant de Pars, dans le Golfe Persique. La Belgique est alimentée par ce gaz qatari mais l’Iran ne peut en produire actuellement car il n’en maîtrise pas la technologie. On imagine le potentiel d’exportation de gaz si le pays pouvait en produire.

C’est cette vulnérabilité qui a conduit le Président Obama et l’Union européenne à proposer un embargo pétrolier afin de contraindre la république islamique à mettre fin à l’enrichissement d’uranium, d’autant plus que des mollahs ne cachent pas leur détermination à effacer Israël de la carte du Moyen-Orient.

Les sanctions internationales de 2011 ont fait chuter les exportations de brut iranien de 2,5 Mb/j à 1,6 Mb/j. Cela a fait très mal à l’économie, car le manque à gagner était de l’ordre de 35 milliards de USD par an. Le pays était asphyxié. L’Iran a dû alors se résoudre à admettre que l’époque de l’arme pétrolière était révolue et qu’il devait accepter "l’accord nucléaire" du 14 juillet 2015.

Si celui-ci prévoit bien des dispositions sur la non-prolifération nucléaire, c’est surtout dans le domaine du pétrole et du gaz que cet accord est important du point de vue géopolitique. Le mot pétrole y apparait 65 fois et, l’expression "pétrole, gaz et pétrochimie" 11 fois. Le type de contrat "buy-back" est, lui, abandonné. Les hydrocarbures constituent donc bel et bien une partie très importante de ce compromis.

©AFP

Certes, la lutte pour l’hégémonie entre Sunnites et Shiites, et notamment la volonté du président Obama de rééquilibrer la position des Etats-Unis entre ces deux groupes, a également contribué à conclure cette négociation. Bien qu’elle déplaisait à son allié Saoudien, les Etats-Unis l’ont poursuivie parce que le pétrole de schiste américain permettait de mécontenter son allié pétrolier depuis 1945.

Abondance d’hydrocarbures

C’est cette abondance en hydrocarbures au niveau mondial qui permet à l’Administration Trump de vouloir reprendre les sanctions envers l’Iran. En effet, entre-temps, les Etats-Unis sont devenus les premiers producteurs de pétrole au monde avec 12 Mb/j, devenus aussi exportateurs de gaz naturel et ont désormais en main les cartes que le Moyen-Orient avait dans les années 1970.

Le président Maduro.
Le président Maduro. ©REUTERS

L’arme géopolitique du pétrole moyen-oriental a donc fait long feu. La stratégie des anciens présidents iranien et vénézuélien – Ahmadinejad et Chavez comme Maduro à sa suite – qui rêvaient de mettre à genoux les États-Unis grâce à leurs réserves de pétrole, a lamentablement échoué. Qui plus est, l’Iran et le Venezuela ne sont pas des pays où il fait bon vivre.

Quelles leçons de cette longue période pétrolière devons-nous tirer?

Il n’y a aucune raison de désespérer de la capacité des ingénieurs à trouver des solutions aux problèmes qui se présenteront constamment à nous.

Premièrement, ne pas croire les modélisations: puisqu’un ordinateur ne peut prévoir l’avenir pourquoi définir des politiques sur base de ces projections même si des scientifiques veulent vous le faire croire ? Deuxièmement, poursuivre la recherche technologique y compris dans le domaine des hydrocarbures qui resteront incontournables. Ce sont les nouvelles technologies qui ont permis de museler la géopolitique et la peur. Il n’y a aucune raison de désespérer de la capacité des ingénieurs à trouver des solutions aux problèmes qui se présenteront constamment à nous.

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