Il ne faut pas enterrer les déchets nucléaires
On le sait, l’énergie nucléaire pose beaucoup de questions, dont les premières qui viennent à l’esprit sont le danger pour nous-mêmes et pour les générations futures et même les très lointaines, la concentration du pouvoir en des mains privées vu la concentration de la production en centrales-mammouths et la fiabilité des usines elles-mêmes, dont les nombreuses pannes témoignent. Mais il y a trois domaines trop rarement cités, nous y viendrons.
Henri Simons
Ancien député
D’abord, le danger. Depuis les accidents de Three Mile Island en 79, de Tchernobyl en 86 et de Fukushima en 2011, et les nombreux "incidents" dont on parle si peu, on constate bien que les centrales et aussi nos centrales belges sont vulnérables aux avions, au terrorisme, aux tremblements de terre, aux pannes régulières,… Ensuite, les centrales sont des machines énormes et dès lors bien difficiles à "contrôler". Les centrales belges sont d’autant plus dangereuses qu’elles sont anciennes, non gérées dans l’intérêt public mais bien dans l’intérêt de groupes privés et d’ailleurs aujourd’hui étrangers. Énormes et monopolistiques, centralisées, elles bloquent ce qui serait le plus profitable, une décentralisation de petits et légers outils de production électrique. Enfin, les nombreuses pannes et malfaçons qui bloquent régulièrement nos centrales belges montrent qu’elles ne sont plus fiables.
L’État passe à la caisse
Trois autres remarques doivent être soulignées largement: l’assurance, le coût du démantèlement et la gestion des déchets.
Le coût du démantèlement sera de loin, de très loin, supérieur à la réserve faite par les producteurs d’énergie.
En cas d’accident, les producteurs ont une assurance beaucoup plus faible que ce que représentent les coûts dus aux accidents nucléaires. L’exemple de Fukushima nous l’a montré de façon brutale et scandaleuse. Qui donc engrange les bénéfices et ne couvre pas le coût réel? Les grands producteurs! Le manque de réelle assurance qu’ils doivent avoir ne peut être impunément payé par l’État et donc par les citoyens, par ailleurs non informés. Ce risque est parfois appelé "inassurable", parce que son coût d’assurance est très élevé, et rendrait les centrales non rentables. Pourquoi le nucléaire a-t-il ainsi toujours besoin de subsides publics pour compenser ses coûts occultes, et surtout, pourquoi obtient-il toujours ces subsides, tout en gardant les bénéfices d’exploitation, très réels dès que les centrales sont amorties?
Le coût du démantèlement sera de loin, de très loin, supérieur à la réserve faite par les producteurs d’énergie. Ici encore, ce sera l’État qui devra "passer à la caisse" si cette "réserve" n’est pas très rapidement réévaluée. Même le gouvernement d’aujourd’hui en a convenu… mais ne fait rien. Il faut aussi que cette somme mise en garantie soit impérativement gérée et contrôlée par l’État, garant de l’intérêt général, et pas par les producteurs nucléaires qui peuvent même (c’est à n’y pas croire!) emprunter pour eux de cette somme réservée à l’intérêt général. Incroyable, assurément!
Les recherches futures, dans un temps à mon avis lointain, apporteront peut-être des réponses plus adéquates.
Il y a, enfin, le dossier le plus épineux: la gestion des déchets. Le physicien français Bernard Laponche l’a bien souligné dans Le Monde: "L’opinion générale sur la gestion des déchets radioactifs produits par l’industrie électronucléaire est qu’il n’existe pas de solution satisfaisante. Certains prétendent alors que le projet d’enfouissement en profondeur serait la solution la moins mauvaise. En réalité, parce qu’elle est périlleuse, définitive et irréversible, c’est la pire des solutions." Quelle option choisir alors? "Il n’existe pas à l’heure actuelle de solution satisfaisante pour la gestion des déchets. Celle qui paraît la moins mauvaise est l’entreposage à sec en subsurface, c’est-à-dire près de la surface. L’option de la subsurface permet de stocker les combustibles usés dans des galeries creusées à faible profondeur, ou à flanc de colline, afin d’assurer la protection du site par rapport aux agressions extérieures. De la sorte, on facilite la surveillance et on garantit la possibilité d’extraire ces combustibles. Cette solution pourrait s’appliquer également aux déchets de haute activité et à vie longue, après une période de refroidissement nécessaire." Les recherches futures, dans un temps à mon avis lointain, apporteront peut-être des réponses plus adéquates.
Le plus grand des dangers
L’homme a donc construit des centrales et produit des déchets qui pèseront au moins 100.000 ans, un temps au-delà de tout temps connu de l’histoire. Il s’est donc trouvé des artistes, Michael Brill et Safdar Abidi, qui ont dessiné un "champ d’épines noires et colossales" pour que l’homme se souvienne de l’endroit où serait enterré le plus grand des dangers. Réponse artistique mais aléatoire. Qui peut penser à quelque efficacité que ce soit? Qui n’imaginerait pas que, le temps passant, les hommes d’après-demain ne penseraient pas que là, sous terre, repose un trésor à découvrir. Trésor mortel légué aux enfants des enfants de la Terre.
Il faut immédiatement sortir du nucléaire, énergie dépassée, et impérativement ne pas enfouir ces déchets des plus dangereux en profondeur.
Ainsi, il faut immédiatement sortir du nucléaire, énergie dépassée, et impérativement ne pas enfouir ces déchets des plus dangereux en profondeur, mais près de la surface et mettre en place une administration capable de les gérer. Ceci est une réflexion et un appel au gouvernement fédéral.
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