Édito | Compétitivité: ne pas perdre la boussole

Avec sa "boussole de compétitivité", la Commission européenne mise largement sur la simplification pour sauver l'Europe d'une "lente agonie".

Il y a 25 ans, l'Union européenne se fixait l'objectif de devenir en quelques années l'économie de la connaissance la plus compétitive de la planète. Il suffit de regarder la liste des entreprises les plus capitalisées du monde pour mesurer le ridicule de la situation: se fixer des objectifs ambitieux est important; se donner les moyens de les atteindre l’est tout autant.

Il y a cinq ans, la même Union européenne se fixait l'objectif de devenir le premier continent neutre en carbone, pour 2050. Ursula von der Leyen avait appelé ça le moment "Man to the Moon" de l’Europe (comme on dit dans la langue de Neil Armstrong: s'il y a une volonté, il y a un chemin). Il est trop tôt pour dresser un bilan de l'opération, mais il est toujours bon de le rappeler: l'objectif du Pacte vert est vital, se donner les moyens de l’atteindre l’est tout autant.

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Depuis, l'Europe a enchaîné les déconvenues. Elle espérait asseoir sa transition sur du gaz russe bon marché: elle a eu la guerre en Ukraine et l'envolée des prix de l'énergie. Elle imaginait que ses industries profiteraient de l'avantage du "first mover" climatique: elle a vu des concurrents chinois leur damer le pion. Elle se reposait sur les États-Unis pour assurer sa sécurité: elle se réveille menacée par les foudres d'un allié qui s'imagine en suzerain. Et, dans cet environnement géopolitique en pleine mutation, elle constate avec une pointe de panique qu'elle marche d'un bon pas vers le décrochage économique. Alors?

Peut-on atteindre les objectifs climatiques en cassant ces outils du pacte vert? La Commission l'affirme; on ne demande qu'à le croire.

Une synthèse audacieuse

Alors, elle se lance dans une synthèse audacieuse: remettre les bouchées doubles sur la compétitivité, mais sans lâcher les objectifs du Pacte vert. L'idée derrière le plan de travail que la Commission a présenté mercredi – sa "boussole de compétitivité" –, c'est qu'il faut doper l’économie pour avoir les moyens d’investir. Pour moderniser l'économie européenne (décarbonation et numérisation), il faudrait 800 milliards d'euros par an, évaluait Mario Draghi à l'automne. Pour y parvenir, la Commission mise sur un effort de simplification et d’harmonisation, censé drainer les capitaux privés, l’épargne des européens.

Le volet simplification, c'est piquant, passe entre autres par la suppression de devoirs de transparence en matière de performances environnementales pour les entreprises. Peut-on atteindre les objectifs climatiques en cassant ces outils du Pacte vert? La Commission l'affirme; on ne demande qu'à le croire.

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En tout état de cause, l'Europe perdrait la boussole si elle se mettait à concevoir la compétitivité comme une fin en soi. Elle est au contraire un moyen: rendez-vous dans 25 ans, pour savoir si l’Union a atteint la neutralité carbone, tout en préservant son modèle social et en musclant sa capacité à se défendre par elle-même... grâce à une compétitivité retrouvée. Se fixer des objectifs ambitieux est important. Se donner les moyens de les atteindre l'est tout autant.

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