Édito | L'Europe doit vaincre l'obscurantisme climatique américain
Après les coups de boutoir de la crise sanitaire, l'assaut de Donald Trump sur la science a écrasé le curseur, en particulier sur le changement climatique. Également en retrait sur ces questions, l'Europe tient, désormais seule, la lanterne du climat.
Totalitariste? Obscurantiste? Propagandiste? Les adjectifs se bousculent devant la brutalité avec laquelle l'administration Trump attaque la science "déviante", et coupe à la hache tout ce qui sort de son agenda idéologique. Sacrée à l'ère des Lumières, l'institution est aujourd'hui sacrifiée. Une dérive orwellienne qui fragilise le monde, durablement, en particulier en ce qui concerne la connaissance climatique.
Réduction massive de budgets, résiliation de dizaines de milliers d'emplois, fermetures de programmes fédéraux, suppression de pans entiers de textes scientifiques, la connaissance climatique américaine, qui fournit à elle seule près d'un quart des publications mondiales sur le sujet, est en passe d'être anéantie, voire carrément effacée, comme si la préoccupation n'avait même jamais existé.
Or l'urgence est toujours là. Elle se crie tous les jours, sur nos thermomètres, sur nos glaciers faméliques et nos banquises fondantes, sur nos rivières en crue et nos terres asséchées.
Mais si, après leur retrait de l'Accord de Paris, les États-Unis nous heurtent aujourd'hui par leur déni, l'Europe a, elle aussi, reculé sur ces questions.
Comme, récemment, en France, où le monde politique, sentant le souffle de l'extrême droite, n'a pas hésité à remettre en cause la mission de certaines de ses propres institutions environnementales lors des manifestations d'agriculteurs. Ou comme chez nous, où le gouvernement De Wever entend passer une râpe à fromage de plusieurs centaines de millions d'euros sur la politique scientifique, notamment celle de l'Institut royal météorologique (IRM) déjà à l'os.
Planète sous étuve
Une aberration climatique évidente, qui se couple à une absurdité économique.
Le retrait brutal des États-Unis de la communauté scientifique mondiale sur le climat doit s'entendre comme un cri d'alarme que les quelques mains tendues aux chercheurs américains exilés ne parviendront pas à taire.
Pour nos entreprises, d'abord. Car la lutte contre le changement climatique offre également des 𝐨𝐩𝐩𝐨𝐫𝐭𝐮𝐧𝐢𝐭𝐞́𝐬 𝐛𝐮𝐬𝐢𝐧𝐞𝐬𝐬. Or l'Arizona voudrait réduire sa contribution au budget de l'Agence spatiale européenne, une contribution grâce à laquelle la Belgique a pu bénéficier de retombées, notamment sur le programme Copernicus d'observation de la Terre où des acteurs belges de gros calibre comme Amos, Thales Alenia Space ou le centre spatial de Liège ont pu démontrer toute leur expertise.
Plus globalement, comment, sans ces précieux savoir-faire, le monde scientifique pourrait-il nous préparer à une planète sous étuve? À ce monde à +4°C, scénario pour lequel la France, décidément bien schizophrène sur le sujet, vient de présenter un plan d'adaptation à ses citoyens? Comment parler d'ailleurs d'adaptation, ou même de vie, avec de tels écarts de températures? Et à quel prix!
Le retrait brutal des États-Unis de la communauté scientifique mondiale sur le climat doit s'entendre comme un cri d'alarme que les quelques mains tendues aux chercheurs américains exilés ne parviendront pas à taire. Scientia vincere tenebras, dit le blason de l'Université libre de Bruxelles. Une sentence que l'Europe et notre Premier ministre devraient comprendre.
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