Édito | Y a-t-il un adulte dans la pièce?

Rédacteur en chef adjoint

Croire que Donald Trump nous a laissé trois mois de pause dans la guerre commerciale qu’il mène contre le monde entier serait bien naïf. L’Europe peut, et doit tirer son épingle du jeu.

Ouuuuuf. C’était une clameur. Aussi bruyante sur les marchés financiers que le freinage d’une vieille locomotive. Donald Trump mettait en pause ses tarifs douaniers "réciproques" sur tout produit entrant sur le territoire américain. Trois mois de répit pour le moteur économique mondial. Pour l’Europe aussi, se disait-on: trois mois de pause auxquels la Commission a répondu de même, soulagée, pourtant (enfin) prête avec ses mesures de rétorsions prises in tempore non suspecto.

Alors, on baisse les armes, on enterre la hache de guerre, on fume le calumet de la paix? Loin de là.

Publicité

Ce sont là trois mois de pause, oui, mais trois mois où Donald Trump a discrètement laissé 10% de tarifs douaniers sur le ring de boxe. Sans compter les récentes taxes de 25% sur l’acier et l’aluminium. Sans compter celle, équivalente, sur l’automobile. Soit les tarifs douaniers américains les plus élevés depuis 1903. En tout, l’Europe se verra prélever 45 milliards d’euros de taxes supplémentaires par an, contre 7 milliards avant l’arrivée de Trump. Un seuil que Washington voudra certainement considérer comme acquis dans d’hypothétiques futures négociations: n’est-ce pas là "the art of the deal"?

Trois mois de pause, mais où le combat de coqs avec la Chine – de facto un blocus réciproque – va pilonner les chaînes d’approvisionnement. Où l’"usine du monde", face à un quasi-embargo des États-Unis, risque de déverser ses produits à prix cassés sur le marché européen. Selon la présidente de la Commission, interrogée vendredi par le Financial Times, la Chine a promis de stimuler sa demande intérieure pour prévenir tout débordement. Ce qu’elle dit depuis des années, sans résultats probants.

Éléphant américain

Face à Trump, face à son obscur plan, commercial, monétaire, mais à l’évidence destructeur, ce sera l’occasion pour l’Europe de remettre l’église au milieu de ce monde-village qu’est le commerce.

Trois mois d’incertitude, où Trump-la-girouette peut faire ses pirouettes. À tout moment. Où nos entreprises, nos industriels préfèrent reporter leurs investissements, et les consommateurs leurs grosses dépenses par crainte de temps difficiles, voire d’une récession. Tous les ingrédients d’une prophétie autoréalisatrice que les marchés ont pleinement intégrée dans leurs pronostics. Et qui laisse déjà des dégâts dans son sillage, au sommet desquels une méfiance absolue envers les États-Unis et leur roi dollar.

L’Europe a donc trois mois de cette histoire contée par un Donald Trump, pleine de bruit de fureur. Trois mois pour faire entendre une paix durable – si cette notion a sa place dans l’agenda du président américain. Trois mois, aussi, pour remettre notre maison en ordre, une maison déjà ravagée par les précédentes tempêtes, et aujourd’hui sonnée par cette inutile sauvagerie économique.

Publicité

Face à Trump, face à son obscur plan, commercial, monétaire, mais à l’évidence destructeur, ce sera l’occasion pour l’Europe de remettre l’église au milieu de ce monde-village qu’est le commerce. Et montrer à ses partenaires que face à l’éléphant américain, il y a bien un adulte dans le magasin de porcelaine.

Publicité
Le pape François a changé le visage de la papauté moderne plus que n'importe lequel de ses prédécesseurs.
Le pape François est décédé
Le pape François, populaire chez les fidèles, mais confronté à une farouche opposition au sein même de l'Église catholique, est décédé ce lundi matin au Vatican. Il avait 88 ans.
Messages sponsorisés