Le guidon de l'Union

Merkel et Macron se sont entendus pour renforcer la zone euro. Mais cette avancée apparaît anecdotique à côté des déchirements de l'Europe sur la question migratoire, sur laquelle ils restent inaudibles.

L’Europe, c’est comme une bicyclette, disait Jacques Delors: si elle n’avance pas, elle tombe. On ajoute que le résultat est le même si elle fonce sur un arbre. Et pour l’éviter, on ne peut que s’en remettre au guidon, dont la France et l’Allemagne tiennent chacune une poignée.

Pour essentiel qu’il soit, cet accord apparaîtrait presque anecdotique dans le contexte actuel.

Mardi, après une trop longue gestation, Angela Merkel et Emmanuel Macron se sont mis d’accord pour stabiliser l’axe de direction. La zone euro, conviennent-ils, doit avoir un budget et les instruments anti-crise doivent être renforcés. En affirmant un cap clair, les deux poids lourds de l’Union réduisent le risque d’envoyer le vélo sur le bas-côté – même s’il faut encore que derrière, les autres États membres pédalent.

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Pour essentiel qu’il soit, cet accord apparaîtrait presque anecdotique dans le contexte actuel. Car l’Union ne se résume pas à la monnaie unique et, n’en déplaise à Merkel et Macron: pendant qu’on parle, des mains hargneuses tentent d’agripper le guidon, de le secouer, au risque de précipiter une collision frontale sur l’obstacle de la question migratoire. L’Union rame comme jamais pour définir une politique commune "efficace" en matière d’accueil (politique dont l’efficacité dépend de la bonne volonté de ses États membres).

Sur ce sujet central – existentiel, en ce qu’il touche aux valeurs mêmes de l’Union –, Angela Merkel est isolée dans son propre camp, contaminé par les idées de l’extrême droite. Un président obscurantiste américain charge sa barque à coups de contre-vérités. D’autres États de l’Union continuent de refuser d’accueillir des réfugiés s’ils n’ont pas la bonne religion. Un ministre italien fascisant annonce vouloir expulser une communauté de son pays sur la base de son appartenance ethnique. Et l’on propose à présent de créer des "plateformes de débarquement" hors de l’Union où repousser les personnes sauvées en mer – alors que le nombre d’arrivées est en baisse constante.

Sur ce sujet, Merkel et Macron n’ont pas encore montré qu’ils sont capables de stabiliser le guidon. Et empêcher l’Europe de s’écraser – ou de perdre son âme, ce qui revient au même – sur le principal sujet de discorde de l’Union.

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