Tuer une funeste idée
La Commission européenne progresse avec une isochrone majesté, comme un lourd pendule dont rien ne semble devoir entraver les lentes oscillations. Dix ans après le déclenchement de la crise, alors que l’éclaircie économique se confirme, elle veut réformer la zone euro. Elle abat donc ses cartes avec méthode: un document de réflexions en mai, un discours urbi et orbi en septembre, une feuille de route à présent. Le projet semble se sculpter sous nos yeux. Avec cette idée en proue: pour tuer les futures crises dans l’œuf, on créerait un nouveau fonds sapeur-pompier. Il soutiendrait le(s) pay(s) en proie aux flammes d’un "choc asymétrique" en assurant la continuité des investissements publics. Quelle taille le feu devra-t-il avoir pour justifier l’envoi du pompier? Ce dernier pilotera-t-il un camion ou un Canadair? Dans quel bassin l’eau sera-t-elle puisée?
La Commission s’est montrée prudente, mais sa cause n’est pas acquise à tous les États membres.
Il faudra laisser le lourd pendule de la Commission faire quelques tours encore pour le savoir. Il faudra surtout que les États membres n’en interrompent pas la course. Car si l’exécutif européen s’est montré prudent en enterrant des idées plus audacieuses, comme un mécanisme automatique commun d’intervention sur l’assurance chômage, sa cause n’est pas acquise à tous les États membres.
Même chose pour l’autre proposition phare de la Commission: créer un poste de "ministre" européen de l’Économie et des Finances. Un chef d’orchestre de la zone euro qui serait enfin pleinement responsable devant le Parlement européen, tenu de défendre l’intérêt général de l’Union (et non la somme des intérêts particuliers des membres de l’euro). Ici encore, les équipes de Jean-Claude Juncker se sont montrées prudentes, en n’embrayant pas sur l’idée macronienne d’un ministre sans guillemets, doté d’un budget de la zone euro.
Tout le monde s’accorde sur l’impérieuse nécessité de consolider la zone euro. La Commission avance des idées pour qu’elle soit plus démocratique et un peu plus solidaire. Aux États membres de lui emboîter le pas pour tuer une fois pour toutes l’idée qu’elle puisse, au gré d’une crise, voler en éclats.
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