Informaticiens, le ministre des Finances vous enfume à propos de vos droits d'auteur
Adieu la taxation avantageuse des droits d’auteur payés aux informaticiens pour pouvoir exploiter leurs programmes d’ordinateur. Tout le monde sera perdant avec le nouveau projet de loi-programme.
Le 18 novembre 2022, le Conseil des ministres a approuvé, en seconde lecture, un avant-projet de loi réformant le régime fiscal des droits d’auteur. Le ministre des Finances revient au texte initial (du 28 octobre) qui avait fait polémique. Les informaticiens étaient montés au créneau pour dénoncer leur exclusion éventuelle du système, pétition et interviews de CEO d’entreprises IT à l’appui. Après diverses interventions et déclarations politiques, aucune profession ne serait exclue. Ah bon?
Il semble pourtant que le nouveau projet change un élément fondamental du futur nouvel article 17, §1er, 5° du Code des impôts sur les revenus (ci-après CIR 92): son champ d’application. Et dans un sens qui exclut les droits d’auteur sur les programmes informatiques. Ah oui... on n’exclut personne «selon la profession exercée», donc pas nommément les informaticiens dans le nouveau projet de loi. Donc, on n’exclurait pas cette profession? De qui se moque-t-on?
L’applicabilité de ce régime fiscal favorable aux informaticiens a fait polémique dès le début, mais plus discrètement. Le législateur de 2008 avait instauré une nouvelle catégorie de revenus mobiliers, au taux fixe de 15%, à savoir ceux qui «résultent de la cession ou de la concession de droits d’auteur et de droits voisins, ainsi que des licences légales et obligatoires, visées par la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins (LDA) ou par des dispositions analogues de droit étranger».
Ce texte visait tous les droits d’auteur et les droits voisins, mais les droits d’auteur sur les programmes d’ordinateur n’étaient pas concernés, puisqu’ils étaient réglementés par une autre loi, votée le même 30 juin 1994, à savoir la loi «transposant en droit belge la Directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur».
À l’heure actuelle, la loi fiscale vise de manière certaine les revenus provenant d’une cession de droits d’auteur portant sur des programmes d’ordinateur.
Cette distinction paraît résulter d’un oubli du législateur de 2008 (les travaux préparatoires sont muets à ce sujet).
Lorsque la LDA a été intégrée dans le Code de Droit Économique (CDE), le 1er janvier 2015, cet oubli a été réparé dans un sens inclusif. Le CIR 92 a été modifié pour viser les revenus qui résultent de la cession ou de la concession de droits d'auteur et de droits voisins, ainsi que des licences légales et obligatoires, visés au livre XI du Code de droit économique ou par des dispositions analogues de droit étranger.
Cette référence à l’ensemble du livre XI du CDE inclut donc tous les droits intellectuels: titre 1: brevets, titre 5: droit d’auteur et droits voisins, titre 6: programmes d’ordinateur, titre 7: bases de données, etc.
Donc à l’heure actuelle, la loi fiscale vise de manière certaine les revenus provenant d’une cession de droits d’auteur portant sur des programmes d’ordinateur.
Exclure les informaticiens de ce régime ne va pas améliorer les finances de l’État.
Le projet de loi approuvé le 18 novembre dernier limite, lui, expressément, ce régime aux revenus qui résultent de la cession ou de la concession de droits d'auteur (…) visés au titre 5 du livre XI du CDE, c’est-à-dire uniquement aux créations protégées par le droit d’auteur ou les droits voisins, mais en excluant explicitement les programmes d’ordinateur. Ceux-ci ne sont pas visés par ledit titre 5, mais par le titre 6! Adieu la taxation avantageuse des droits d’auteur payés aux informaticiens pour pouvoir exploiter leurs programmes d’ordinateur.
Ajoutons une réflexion économique à cette démonstration juridique. Exclure les informaticiens de ce régime ne va pas améliorer les finances de l’État. Les informaticiens indépendants, sans même évoquer leur nomadisme, travaillent souvent au sein d’une société. Celle-ci leur paie d’habitude une rémunération d’administrateur de 45.000 €/an. Les droits d’auteur s’ajoutent à cette rémunération.
Si l’on supprime la possibilité de se payer ces droits d’auteur taxés forfaitairement, ils ne vont pas les remplacer en augmentant leur rémunération d’administrateur. Elle serait, en effet, taxée à 50 % plus les cotisations sociales. Ils renonceraient donc à ce complément de revenu. Et l’État perdrait le bénéfice des précomptes mobiliers payés à ce titre. Tout le monde serait donc perdant dans ce nouveau projet de loi-programme.
Claude Katz
Avocat, spécialiste en droit d’auteur
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