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La taxe Caïman bientôt de retour à l'avant-scène?

Les observations du rapport de la Cour des comptes à propos des lacunes du régime de la taxe Caïman risquent d'entrainer un renforcement du champ d'application de la taxe.

Olivier Hermand.
Olivier Hermand. ©Rayan

Nous profitons des vacances parlementaires pour revenir sur le rapport de la Cour des comptes qui avait pour objectif de mettre en évidence les lacunes du régime de la taxe Caïman, tout en proposant des solutions potentielles au ministre des Finances. Les retombées pratiques de ce rapport ne sont pas encore connues, mais il est fort à craindre qu’il déclenche prochainement des modifications au régime de la taxe Caïman. Nous développons ici certains des points soulevés dans ce rapport.

La Cour des comptes soulève la nécessité de clarifier l'exception dite de substance qui permet d'échapper à la taxe Caïman en cas d’exercice par la construction juridique d’une activité économique réelle. En effet, cette "exception de substance" ne s’applique pas à des activités qui ont pour but la gestion du patrimoine privé du fondateur de la construction juridique.

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Selon la Cour, l’interprétation de cette notion d’activité économique réelle est une question de fait difficile à cerner. La Cour se pose par ailleurs à juste titre la question de la compatibilité avec le droit européen de la limitation de cette exception en ce qui concerne les sociétés "patrimoniales".

Le régime belge revient à appliquer une présomption générale de fraude, qui est prohibée par la jurisprudence européenne.

À cet égard, nous sommes personnellement convaincus qu’il y a bien un problème de compatibilité avec le droit européen lorsqu’une société européenne normalement soumise à l’impôt dans son pays de résidence est qualifiée de construction juridique uniquement parce qu’en l'absence d'harmonisation de l'impôt des sociétés au sein de l’Union européenne, il y a des divergences entre les régimes fiscaux des différents États membres.

Patrice Delacroix.
Patrice Delacroix. ©Rayan

Conclure autrement reviendrait à nier de manière fondamentale la libre circulation des capitaux et la liberté d’établissement. Le régime belge, basé sur un complexe (re)calcul à la belge (cf. ci-dessous), revient, en effet, à appliquer une présomption générale de fraude, qui est prohibée par la jurisprudence européenne. 

L’administration fiscale explique que cette question devra être tranchée par les tribunaux. Il faudra donc encore faire preuve de patience à ce propos. Toujours est-il que le ministre des Finances aurait déjà mandaté son administration pour élaborer une circulaire à ce sujet. Nous sommes curieux de lire ce que dira cette circulaire…

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Compatibilité avec les CPDI?

La Cour des comptes a mis le doigt sur un autre problème existentiel lié à la taxe Caïman dans des situations conventionnelles. En effet, un conflit peut survenir si, en vertu d’une convention préventive de la double imposition (CPDI) conclue avec un pays, la construction juridique est imposée dans son État de résidence, alors que le fondateur est également imposé en Belgique sur les mêmes revenus via la taxe Caïman. L’administration fiscale est d'avis qu'il n'existe pas de conflit entre la CPDI et la taxe Caïman, arguant que les CPDI ne visent pas à éviter la double imposition économique, mais uniquement la double imposition juridique.

La doctrine et la jurisprudence adoptent généralement à cet égard un point de vue opposé, à savoir que la taxe Caïman entre bien en conflit avec la CPDI et que cette dernière devrait primer en tant que norme de droit international. Le jugement du tribunal de première instance de Bruxelles du 11 mars 2020 constitue un exemple à cet égard.

Tout laisse présager un renforcement du champ d'application de la taxe Caïman, ainsi qu'une intensification des contrôles et des moyens mis à disposition de l'administration fiscale.

Il serait dès lors opportun, selon la Cour, que le SPF Finances adopte un point de vue uniforme sur cette problématique et le diffuse publiquement, ce à quoi s’est engagé le ministre des Finances.

La complexité du calcul des seuils

Le calcul des taux effectifs d’impôt de 1% et 15% sous lesquels les entités étrangères entrent dans le champ d'application de la taxe Caïman a été reconnu par la Cour comme étant particulièrement complexe. Il suppose, en effet, le calcul d'une base imposable virtuelle selon les règles de l'impôt des sociétés belge, incluant toutes les spécificités de la fiscalité belge. Face à cette complexité, l'administration fiscale suggère de fonctionner avec une charge de la preuve renversée basée sur une présomption… ce qui renforcerait, selon nous, la complexité du régime et dès lors le caractère incompatible de celui-ci avec le droit européen…

Au vu de ces éléments, il sera crucial de suivre les développements après l'été. Ceux-ci laissent, en effet, présager un renforcement du champ d'application de la taxe Caïman, ainsi qu'une intensification des contrôles et des moyens mis à disposition de l'administration fiscale.

Patrice Delacroix et Olivier Hermand
Partners PwC

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