chronique

Statut des enseignants, logement social à vie...: le deux poids, deux mesures des nouvelles majorités

Économiste

Conserver le système des nominations actuel pour certains, les policiers, par exemple, et pas pour d'autres, les enseignants, par exemple, serait inéquitable.

 Manifestement, les nouvelles majorités entendent secouer le cocotier. Deux mesures sont exemplatives de cette volonté:

  • La fin des nominations dans l'enseignement: la déclaration de politique communautaire (DPC) stipule à ce sujet que "l’engagement des nouveaux enseignants (se fera) sous la forme d’un contrat à durée indéterminée avec une augmentation de l’ordre de deux heures hebdomadaires (avec assouplissement possible en début et en fin de carrière), et ce, afin de mettre fin progressivement au régime statutaire".
  • La fin du logement social à vie: la même DPC signale, en effet, que "le gouvernement veut rompre avec la politique actuelle du 'logement social à vie'".
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Rappelons d'abord que le statut revêt trois grandes dimensions qui sont actuellement liées, mais qui pourraient très bien, demain, être dissociées. Tout d'abord, une supposée plus grande stabilité de l'emploi (encore que des modifications visant à l'éroder quelque peu ont été prises ces dernières années); ensuite une meilleure pension (pour faire simple, un taux de remplacement de 75%, avec péréquation, plutôt que de 60%) et une indemnisation à 100% des périodes de maladie, en tout cas pour un temps.

Une plus grande équité en matière de pension

Certains y ajoutent une dimension symbolique à la nomination, à savoir la reconnaissance professionnelle; mais celle-ci s'explique d'abord parce qu'il y a des statutaires et des non-statutaires (la nomination est donc un atout positionnel) plus que pour des raisons intrinsèques (il y a d'autres moyens pour remercier/valoriser un travailleur).

Sont concernés de nombreux métiers. C'est le cas des enseignants, y compris ceux de l'enseignement supérieur (dont ne parle pas la DPC), des policiers (statutarisés après un an) et magistrats, du personnel des administrations publiques à tous les niveaux, y compris les fonctions dirigeantes (exemple: un directeur général de CPAS).

Veiller à une plus grande équité en matière de pension conduit à proposer d'harmoniser les systèmes de pensions suivant une règle claire: à chaque euro de cotisation correspondrait le même droit.

La volonté du MR et des Engagés de mettre fin aux nominations ne viserait pas les fonctions dites d'autorité. Comme elles sont surtout localisées dans les compétences fédérales, on verra ce qu'il en sera une fois les accords conclus à ce niveau.

Veiller à une plus grande équité en matière de pension et tenir compte des carrières dans lesquelles on cumule au moins deux statuts, simultanément ou dans la durée, conduisent, me semble-t-il, à proposer d'harmoniser les systèmes de pensions suivant une règle claire: à chaque euro de cotisation correspondrait le même droit.

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Si on en accepte le coût, on peut harmoniser vers le haut; si pas, avec les mêmes montants budgétaires, on pourrait proposer à tous un taux de remplacement de 65% environ. Une telle harmonisation rendrait les carrières plus fluides (aucun changement de droits quel que soit le choix professionnel). 

Le souci d'équité vaut aussi pour l'indemnisation des périodes de maladie.

Faut-il protéger de manière spécifique certains fonctionnaires pour les aider à résister à de possibles pressions politiques ou autres, qui peuvent exister... Ne soyons pas naïfs, oui, certainement, mais rien n'oblige de coupler cette protection au niveau de la pension ni de protéger tout le monde de la même manière.

Conserver le statut actuel – dans ces trois dimensions – pour certains (exemple: les policiers) et pas pour d'autres (exemple: les enseignants) serait vraiment une politique de deux poids, deux mesures. Peut-on à la fois affirmer que l'enseignement est la mère de toutes les batailles et demain accorder aux enseignants des pensions plus faibles, à revenu égal, que celles des policiers?

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Forme de rationnement

Un dernier argument: si on nomme, au sens classique du terme, il n'y a aucune raison, à situation semblable, d'en nommer certains et pas d'autres, ce qui est le cas aujourd'hui.

Cette forme de rationnement existe dans d'autres domaines. Illustration "parfaite": il n'y a pas assez de logements sociaux pour ceux qui y ont droit.

Pourquoi organiser une rotation dans le logement social et pas, par exemple, dans diverses structures d'accueil où il manque des "places" ou dans les écoles secondaires quand la demande est supérieure à la capacité d'accueil.

On peut certes, comme l'envisage le nouveau gouvernement wallon, organiser une sorte de rotation, autrement dit les ménages dans les conditions y resteraient peu longtemps pour faire de la place à d'autres. Mais cette nouvelle règle ne supprimerait pas le problème de fond: deux ménages dans les mêmes conditions auront un niveau de vie fort différent suivant l'accès ou pas à un logement social.

Certes, il existe aujourd'hui en Wallonie une allocation dite d'attente qui est versée à certains ménages sur la liste d'attente, mais elle est loin de compenser la différence de niveau de vie.

Ici aussi, il pourrait y avoir une autre forme de deux poids, deux mesures. Pourquoi organiser une rotation dans le logement social et pas, par exemple, dans diverses structures d'accueil où il manque des "places" ou dans les écoles secondaires quand la demande est supérieure à la capacité d'accueil.

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Quand on manque de moyens ou quand les obstacles socio-politiques sont importants, il est difficile d'être totalement équitable. Mais des réponses sont possibles – on l'a montré ci-dessus en matière de pensions – et une réponse imparfaite (allocations d'attente) est mieux que pas de réponse du tout. Rien de pire, en effet, que de ne pas discuter, en toute transparence, des situations dans lesquelles il y a objectivement deux poids, deux mesures.  

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