Le système Poutine décrypté
Au terme d’un scrutin contestable et contesté, Vladimir Poutine est reparti pour 6 ans à la tête du Kremlin. Pourquoi est-il si populaire dans son pays et quel est son projet pour la Russie?
C’est à ces questions et à bien d’autres que répond Tatiana Kastouéva-Jean, qui dirige le département russe de l’Institut français des relations internationales (IFRI), dans un ouvrage paru chez Tallandier.
Sur le plan intérieur, le système Poutine, c’est d’abord le retour à la stabilité politique et sociale par comparaison au "chaos des années 1990". Côté politique étrangère, la confrontation avec l’Occident est redevenue à la mode au Kremlin. La nouvelle posture internationale de la Russie est vue comme une revanche pour les "humiliations" des années 1990, liées à la disparition de l’URSS, la perte de territoires, l’élargissement de l’Otan, etc. "Même les leaders de l’opposition libérale, comme Alexeï Navalny, ne plaident pas pour la restitution de la Crimée à l’Ukraine", constate l’experte de l’IFRI.
Les Russes restent les premiers demandeurs de visas Schengen, ils sont des acheteurs actifs de l’immobilier en Occident et consomment une large gamme de produits et de services occidentaux.
Pourtant, il serait excessif, selon elle, de parler de retour à la guerre froide. Les Russes restent les premiers demandeurs de visas Schengen, ils sont des acheteurs actifs de l’immobilier en Occident et consomment une large gamme de produits et de services occidentaux. "La Russie est loin de chercher à rompre les liens avec l’Europe et les Etats-Unis: elle mise plutôt sur l’affaiblissement du lien transatlantique, les dissensions entre les pays européens ou des forces politiques ‘compréhensives’ en leur sein, pour infléchir les politiques et assouplir ou lever les sanctions." À ce titre, la guerre de l’information menée par la Russie contre l’Occident à grands renforts de fake news, est la partie la plus visible de cette stratégie.
Reste à voir ce que réserve l’avenir. D’après Tatiana Kastouéva-Jean, "Poutine IV" se retrouvera inévitablement devant un dilemme: faire perdurer à tout prix le système politique et économique tel qu’il s’est formé depuis 18 ans ou tenter de le réformer, car les problèmes se sont accumulés. "Les carences industrielles, le manque d’infrastructures, un faible investissement dans la recherche et le développement, la stagnation des dépenses pour la santé publique et l’éducation sur fond de problèmes démographiques ne sont pas de bon augure."
La nouvelle posture internationale de la Russie est vue comme une revanche pour les "humiliations" des années 1990.
Mais la pression pour le changement reste faible. "L’époque soviétique a laissé aux Russes une peur viscérale de la machine répressive de l’État, leur apprenant le conformisme et le repli sur leur vie personnelle et familiale." Sauf pour ceux qui jugent l’air irrespirable. Tatiana Kastouéva-Jean observe à cet égard "des vagues d’émigration importantes qui emportent loin de la Russie de nombreux intellectuels et entrepreneurs".
J.-P.B.
"La Russie de Poutine en 100 questions" - Tatiana Kastouéva-Jean, éditions Tallandier, 348 p., 15,90 euros.
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