Impôt minimum mondial: victoire ou dérive du multilatéralisme?
Revue de presse de l'hebdomadaire français L'Express.
La réforme de l'imposition mondiale des sociétés est devenue le tube de l'été économique. Tous les experts se sont laissés séduire par cette musique entraînante. Les pays du G7, puis du G20, ont ainsi décidé qu'à partir de 2023, toutes les nations devaient appliquer un taux d'imposition minimum de 15% sur les bénéfices des grandes firmes internationales.
Mais quelle est donc la finalité de cette suppression de la concurrence fiscale entre les Etats ? Pense-t-on sérieusement que l'économie mondiale repartira de l'avant grâce à cette poignée d'impôts supplémentaires (on attend un surplus total annuel de 150 milliards)?
Ne devrait-on pas plutôt se préoccuper du cumul des rigidités administratives et structurelles qui paralysent le dynamisme des créateurs de valeurs? Par ailleurs, cette moindre concurrence nuira probablement aux consommateurs car on peut s'attendre à ce que les grandes firmes répercutent les impôts supplémentaires sur leurs prix, de manière à sauvegarder leurs marges.
Si le "multilatéralisme" constitue simplement une chambre d'enregistrement des rapports de forces institutionnels et ne permet pas aux nations relativement faibles de s'en protéger, il ne fera qu'encourager de futurs Brexit.
Il semble que la seule "vertu" de la mesure soit de permettre à un cartel d'Etats déjà privilégiés de ponctionner sous forme de recettes fiscales des points de croissance dont bénéficiaient jusqu'alors de petits pays, sans grande influence institutionnelle, mais ayant tout simplement cherché à compenser leurs handicaps naturels par un esprit entrepreneurial et des politiques publiques imaginatives. On pense notamment ici à l'Irlande,
Nombre de commentateurs ont applaudi cette réforme car ils y ont vu une revanche du multilatéralisme malmené par Trump et les Brexiters. En réalité, les Etats-Unis sont à la baguette. L'administration Biden ayant décidé d'augmenter le taux d'impôt national sur les sociétés, il importait que le monde entier se mette au diapason de sa nouvelle politique pour empêcher les entreprises américaines de délocaliser leurs profits dans des pays plus accueillants.
L'enjeu n'est certainement pas non plus de faire respecter le fair-play de la compétition entre un Big Tech gorgé de liquidités et des secteurs moins enclins à pratiquer l'optimisation fiscale. De fait, Janet Yellen, secrétaire d'Etat du Trésor US, a signifié aux Européens qu'en contrepartie de sa signature, ceux-ci devaient ranger au placard leur projet de taxe sur les industries numériques…
Si le "multilatéralisme" constitue simplement une chambre d'enregistrement des rapports de forces institutionnels et ne permet pas aux nations relativement faibles de s'en protéger, il ne fera qu'encourager de futurs Brexit.
Cette tribune de Thierry Aimar (Université de Lorraine), publiée dans L'Express, a été résumée par nos soins.
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