Parts d’une société familiale, collection d’art, de montres ou de voitures: une transmission de patrimoine ne concerne pas que des immeubles. Comment transférer au mieux les biens meubles aux générations qui vous suivent? Les réponses de Bernard Goffaux (Banque de Luxembourg Belgium).
Quelle question faut-il se poser avant toute chose lorsqu’on envisage la transmission de biens meubles?
“La première chose à souligner, c’est qu’elle ne peut être étudiée de façon isolée. Lorsqu’on envisage de céder son patrimoine, il faut toujours adopter une vision large qui inclut l’ensemble de votre patrimoine, dont les biens mobiliers ne sont qu’une composante. Il s’agit de réaliser un inventaire complet de son patrimoine, mais aussi de regarder à qui il appartient aujourd’hui. À cet égard, la protection juridique est différente selon qu’on est marié ou pas. Civilement confortables, certains régimes maritaux peuvent s’avérer fiscalement punitifs. Or, un contrat de mariage peut être adapté. Il faut donc savoir le sortir du tiroir.”
Comment expliquer le succès des donations?
“Les droits de donation des biens meubles restent nettement plus intéressants que les droits de succession. Par ailleurs, toute une génération de baby-boomers s’est constitué un vaste patrimoine et souhaite à présent donner un coup de pouce à la génération suivante, voire à celle qui suit. En Flandre, par exemple, un legs de grands-parents à petits-enfants exempté de droits de succession est possible jusqu’à 12.500 euros.”
Peut-on faire une donation tout en gardant un certain contrôle sur la destinée de son patrimoine?
“Gardons à l’esprit qu’une donation entraîne un appauvrissement irrévocable dans le chef du donateur. Ceci dit, des modalités existent. Le niveau de contrôle le plus bas consiste à céder la pleine propriété d’un bien. Vous pouvez cependant vous ménager la possibilité de récupérer le bien donné si votre donataire décède avant vous, afin d’entamer vous-même une donation à la génération suivante et d’éviter qu’il tombe sous le régime des droits de succession. On peut aussi exiger que le donataire conserve le bien donné comme un bien propre, qu’il ne pourra ni apporter à une communauté conjugale ni impliquer dans une compensation entre époux ou cohabitants. Et en cas de besoin financier inattendu, on peut encore prévoir la possibilité de percevoir une rente – 3% ou 4%, par exemple – sur le bien transmis. Enfin, on peut temporairement exiger que le bien transmis ne puisse être aliéné – mis en garantie pour un prêt, par exemple – par le donataire sans accord préalable.”
Qu’en est-il de la transmission en nue-propriété?
“Ici, le donateur se réserve l’usufruit. Dans le cas d’un portefeuille de titres, c’est lui qui continuera de toucher les revenus d’intérêts et de dividendes. On considère alors le portefeuille de titres comme une coquille dont, en tant qu’usufruitier, le donateur peut continuer à gérer les composantes individuelles. On garde ainsi la main sur la gestion financière des actifs sous-jacents, en attendant que la prochaine génération soit mûre pour prendre les rênes.”
Peut-on aller plus loin dans le contrôle par le cédant?
“Oui. Par la constitution d’une société simple, on peut mettre en place une enveloppe de contrôle dont on définit librement les ‘règles du jeu’ dans les statuts. Par cette voie, donateur et donataires font fructifier de concert l’ensemble du patrimoine, dont on maintient l’unicité. En étant gérant statutaire, le pater ou la mater familias conserve une gestion assez forte mais pas absolue. Chaque année, lors d’une assemblée générale, il ou elle motive ses décisions de gestion. En tant que banquier, nous pouvons nous impliquer dans ce dispositif, qui peut être un excellent processus d’apprentissage pour la jeune génération. Sur le papier, c’est une formule idéale, mais n’oublions pas que, comme pour toute société, elle génère des obligations légales, administratives et de publicité rigoureuses, qui peuvent paraître lourdes.”
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