Après plus d’un siècle à fabriquer du sucre, l’entreprise hennuyère Cosucra a réorienté ses activités vers des productions meilleures pour la santé, issues de la chicorée et du pois. Elle investit aujourd’hui dans la décarbonation de ses processus de production. Et fait valoir le rôle capital des protéines végétales qu’elle conçoit dans la transition vers une alimentation plus saine et moins polluante.
Le nom de Cosucra est indissociable de la commune de Warcoing, où l’entreprise a vu le jour en 1852. Le siège n’a pas bougé, la société est restée à taille humaine (365 employés), mais l’activité a changé au fil du temps. À partir des années 1980-1990, la betterave sucrière a cédé la place à la chicorée (racine dont la feuille peut devenir le chicon) et au pois jaune, tandis que le sucre était remplacé par l’inuline et la protéine de pois.
“Alors que la plupart des foyers n’ont pas le temps de cuisiner des repas chaque jour, nos produits permettent à l’industrie de proposer des aliments faciles et rapides à préparer, tout en améliorant leur teneur en nutriments de qualité”, se félicite Éric Bosly, CEO de Cosucra.
“Plus de fibres et plus de protéines végétales, cela suit les recommandations des nutritionnistes tout en limitant l’impact carbone de notre alimentation.”
Trois nouveaux investisseurs au capital
Pour aller plus loin dans la décarbonation, l’entrepreneur a lancé en 2023 un plan d’investissement de sept ans, d’un montant de 150 millions d’euros. “Nous sommes très conscients de la crise climatique, donc nous souhaitions mener cette transition rapidement”, confie Éric Bosly.
Nos produits permettent à l’industrie de proposer des aliments faciles et rapides à préparer, tout en améliorant leur teneur en nutriments de qualité.
“Pour cela, nous avons fait entrer trois investisseurs dans notre capital, en signant un pacte d’actionnaires qui court sur les sept années de travaux. Nous nous réjouissons d’avoir trouvé des partenaires partageant nos valeurs et prêts à s’engager sur du long terme.”
Cosucra entretient également une relation de long terme avec sa banque, BNP Paribas Fortis: “Ils ont soutenu notre développement au Danemark et aux États-Unis. Garder le même interlocuteur pour mettre en place la structure financière des filiales, ouvrir des comptes à l’étranger, etc., c’est très précieux. Tout comme les réunions régulières, grâce auxquelles nous pouvons échanger avec les équipes spécialisées dans le secteur agroalimentaire. Leur vision ‘macro’ complète la connaissance pointue que les chargés d’affaires locaux ont de notre activité.”
Changer les mentalités
Ces investissements entraîneront une baisse de 55% des émissions de CO2 d’ici à trois ans. La décarbonation ne constitue toutefois que l’un des chevaux de bataille d’Éric Bosly: “Nous plaidons pour bénéficier des mêmes conditions de marché pour les protéines végétales que les protéines animales. Par exemple, pourquoi le lait de pois est-il assujetti à une TVA de 20% alors que le lait de vache est à 6%? Les produits végétaux sont aussi plus chers parce que les quantités ne permettent pas aux fabricants de réaliser des économies d’échelle. Quand on tient compte de l’ensemble des ‘externalités négatives’ des produits animaux, en termes de santé comme d’environnement, il me semble que cela pourrait justifier un soutien temporaire à nos filières. Juste le temps qu’elles atteignent une taille critique.”
L’entrepreneur déplore par ailleurs la façon dont les détaillants utilisent préférentiellement la viande comme produit d’appel, en acceptant de réduire leurs marges pour proposer un prix attrayant au consommateur.
“Dans un contexte d’inflation, ce décalage des prix nous est d’autant plus préjudiciable. Plus largement, une prise de conscience est nécessaire, il faut changer les mentalités. Les médecins spécialisés en nutrition nous assurent qu’avec une portion hebdomadaire de 200 à 250 g, on bénéficie des avantages de la viande sans ses effets négatifs. Or, actuellement, pour la moyenne des Belges, on se situe plutôt à 200 g par jour…”
Parmi les autres obstacles à sa croissance, le patron hennuyer cite la concurrence des produits importés dans l’UE: “Le Green Deal européen vise à une réduction de moitié des intrants, ce qui aboutit notamment à l’interdiction de nombreux herbicides. En amont, il faudrait accompagner les agriculteurs dans ces transitions. Et en aval, actuellement, Cosucra, qui achète de la chicorée et des pois dans un rayon de 200 kilomètres, ne se trouve pas sur un pied d’égalité face à la forte concurrence chinoise.”