Dans le port d'Anvers, à l'emplacement de l'ancienne usine Opel, le quartier NextGen, haut lieu de l'économie circulaire, est en train de voir le jour. La start-up Triple Helix Molecules as a Service (THX MaaS) a décidé d’y installer son initiative Sure Pure, axée sur le recyclage de polyuréthane. “Nous voulons y traiter au moins 30.000 tonnes de déchets par an”, chiffre son CEO, Steven Peleman. Un investissement compris, à terme, entre 65 et 90 millions d'euros.
Sur son site de NextGen, THX MaaS souhaite recycler du polyuréthane. “Il s'agit de la mousse que l'on trouve notamment dans les matelas, les sièges de voiture et les réfrigérateurs”, précise Steven Peleman, son CEO. “Nous voulons minimiser les mouvements de transport et nos émissions, c’est pourquoi nous recyclons principalement des matériaux usagés provenant de Flandre.”
“Nous recevrons les mousses souples des sièges de voiture et des matelas sous forme de grandes balles. Les mousses dures, tirées entre autres des réfrigérateurs, nous seront livrées en poudre. Nous traiterons ce matériau, nous le laverons, nous le sécherons si nécessaire, et nous le recyclerons. Enfin, nous en tirerons des polyols et des amines que nous vendrons aux entreprises chimiques de la région. Lorsque l'usine fonctionnera à plein régime, nous devrions atteindre une production de 30.000 tonnes par an, voire 50.000.”
Collaboration
Steven Peleman est à la fois économiste et spécialiste des matériaux. “Dans mes jeunes années, j'étais un skieur de compétition, et ce n’est pas un détail. Dans les montagnes, j'ai pu constater par moi-même les conséquences du changement climatique. Face à ce phénomène, deux options sont possibles: détourner le regard ou agir. J'ai choisi la seconde en 2019, grâce à mon expérience professionnelle en matière de recherche et de développement, mais aussi de création d'entreprise. Mon objectif est de réduire les émissions et les déchets en récupérant les matériaux.”
Devant le changement climatique, on peut détourner le regard ou décider d'agir. J'ai choisi la seconde option.
“Les grandes entreprises peinent plus particulièrement à changer de cap à court terme. Ce sont des géants peu maniables, guidés par les résultats financiers immédiats. Les bureaux d'études et les instituts de recherche, quant à eux, disposent de réseaux mais n'ont pas vocation à prendre des risques. Je me suis demandé quels éléments manquaient pour créer des cycles de matériaux encore plus circulaires. C'est ainsi qu'est née l'idée des molécules en tant que service et que je me suis mis en quête des partenaires nécessaires.”
L'intention de Steven Peleman est de collaborer avec des acteurs industriels et d'apporter systématiquement de nouvelles solutions circulaires sur le marché. Et il ne se limitera pas au polyuréthane: “Nous souhaitons créer d'autres entreprises de recyclage. Notre philosophie de base est toujours la même: convertir les déchets en matières premières de valeur. De cette manière, nous évitons de gaspiller les déchets, œuvrons à un environnement en meilleure santé et contribuons à la lutte contre le changement climatique. En outre, en nous fondant sur cette philosophie, nous pouvons créer des entreprises dans plusieurs endroits. L'idée est de partager nos processus.”
Mot d'ordre
Triple Helix ne se veut donc pas un acteur solitaire. “Nous travaillons au sein d'un écosystème. Avec nos partenaires, nous voulons trouver des solutions et essaimer en créant des centres similaires ailleurs. Nous souhaitons contribuer à la transformation de clusters industriels complets. Nous ne voulons pas non plus de monopole, mais développer le savoir-faire, lui assurer une mise à l'échelle sous licence et le déployer à l'échelle mondiale. Tout le monde devrait pouvoir en bénéficier! Bien entendu, nos partenaires sont récompensés pour leur contribution.”
Trouver un financement en ces temps où la durabilité est en vogue peut sembler chose aisée. Tout le monde œuvre en effet à la durabilité. La tendance est à la résolution de ces problèmes, comme en atteste le Green Deal européen et l’Antwerp Declaration for a European Industrial Deal. “Ceci étant dit, la période n’en est pas moins défavorable”, nuance Steven Peleman. “Le climat d'investissement se détériore, en partie à cause des conditions géopolitiques. Et ne nous voilons pas la face: les investissements et les percées ne sont possibles que lorsque les rendements et limitations de risques traditionnels peuvent être démontrés. L’ambition, l’expérience mais aussi le réalisme sont cruciaux à cet égard.”
Selon Conchita Vercauteren, Relationship Manager de BNP Paribas Fortis à l'Innovation Hub dans le port d'Anvers, il est important, pour les jeunes entreprises, d'impliquer une banque dès le début de leur parcours: “Même si le financement n'est pas encore possible, vous pouvez déjà œuvrer à une relation de confiance. Commencer à construire une relation de long terme.”
Steven Peleman acquiesce: “On perçoit une grande volonté de parler de nouvelles initiatives, mais avec tous les acteurs institutionnels, le rendement économique est prioritaire, et c'est normal. Bien sûr, ils ne doivent pas courir de risques économiques non fondés. Même si, personnellement, je pense que l'on prend trop peu en compte le véritable coût économique de la pollution.”