La société hennuyère est un modèle de circularité by design. Fondée voici près de 15 ans à proximité du site Bridgestone, elle a développé une technologie innovante pour le recyclage du caoutchouc.
Lorsqu’il fonde RubberGreen en 2009, Olivier Prud’homme a déjà la durabilité chevillée au corps. Son but: promouvoir des applications à haute valeur ajoutée à partir de caoutchouc recyclé, et ainsi “prouver qu’on peut produire du recyclé sans aucunement compromettre la qualité”. Opportunément, il installe sa société à deux pas du site Bridgestone de Frameries, auprès duquel il récupère ses premiers pneus d’avion en fin de vie.
Les pneumatiques sont à l’origine de 70% des déchets caoutchouteux dans le monde. Les manufacturiers fournissent à RubberGreen sa matière première, sous forme de déchets de production ou de pneus usagés, broyés pour en faire des granulés. La société hennuyère transforme ces derniers en tapis d’isolation vibratoires et acoustiques, qu’on trouve notamment sous les panneaux voltaïques installés sur des toits plats, des dalles de fondations en béton et des traverses de chemins de fer.
Upcycling
Même s’il s’agit là de produits à haute valeur ajoutée, les trop pauvres qualités de souplesse et de résistance à la traction du matériau limitent ses débouchés. Voici quatre ans, la firme entreprend donc de développer un nouveau procédé afin que le caoutchouc recyclé puisse retrouver une très grande partie de ses propriétés originelles.
Même aujourd’hui, il faut parfois se battre contre le préjugé selon lequel ce qui est recyclé est de moins bonne qualité.
Concrètement, RubberGreen cisaille, par un procédé thermomécanique et sans additifs chimiques, les liaisons soufre injecté dans le caoutchouc lorsqu’il a été produit. “Nous avons breveté ce process de dévulcanisationet développons à présent un pilote industriel”, souligne Olivier Prud’homme. De fait, sa technologie permet de restituer un tel niveau de qualité au caoutchouc que celui-ci peut être réutilisé par les fabricants de caoutchouc eux-mêmes.
“De quoi ouvrir des perspectives circulaires à très grande échelle”, s’enthousiasme le CEO. Grâce à son procédé, il est aussi possible de diminuer drastiquement l’énergie nécessaire à la production du matériau.
Pionniers
Pragmatique, Olivier Prud’homme ne s’attend pas pour autant à voir les manufacturiers se ruer pour racheter sa technologie. “L’écoconception va à contre-courant des pratiques du secteur. Ce qu’on a réalisé était jugé impossible il y a quelques années, et nous faisons toujours figure de pionniers.”
L’occasion de rappeler qu’être circulaire, c’est aussi booster l’esprit d’innovation qui anime vos ingénieurs. “Nous pouvons être le chaînon manquant de la durabilité du caoutchouc. À nous maintenant d’évangéliser l’écosystème pour qu’il adapte les recettes de fabrication des caoutchoucs que nous revaloriserons encore mieux.”
Préjugés
De même, le CEO note que, si la philosophie de la circularité gagne peu à peu les esprits, le bénéfice écologique demeure sous-pondéré dans les cahiers des charges pour solutions d’isolation. Il se réjouit de voir les appels d’offres exiger davantage de transparence en matière d’impact CO2, mais estime qu’on n’en est qu’au début du chemin.
“Nos processus sont plus efficients qu’avec des matériaux vierges, et nos prix tout à fait compétitifs. Or, même aujourd’hui, il faut parfois se battre contre le préjugé selon lequel ce qui est recyclé est de moins bonne qualité.” Et de dénoncer un double discours chez certains, entre grandes annonces durables et pratiques d’achat très conservatrices…
Inclusivité
RubberGreen applique sa philosophie durable à son propre fonctionnement. Un tiers de son énergie est produite par des panneaux photovoltaïques. Tous ses déchets de production sont recyclés en interne. Elle travaille avec des ateliers protégés, et parmi ses employés, un grand nombre sont issus de l’immigration ou en situation de handicap.
Grâce au récent bilan carbone de la société, son dirigeant dispose d’un plan d’action pour les années à venir. Il inclut des modes de transport plus sobres, des liants agrosourcés dans ses recettes de fabrication, et de l’électricité encore plus verte. “Je veux atteindre le ‘net zéro’ par optimisation, pas par compensation – question de cohérence!”, conclut Olivier Prud’homme.