Lorsqu'on évoque la production renouvelable d’électricité et son développement en Belgique, le potentiel offshore est généralement mis en avant. On peut le comprendre au vu du nombre de projets en discussion. Mais qu’en est-il du potentiel onshore? Et comment l'intégrer dans un réseau existant? La Boucle de l'Est, gérée par Elia et dont la deuxième phase est en cours, en est un parfait exemple. À terme, elle alimentera 100.000 ménages de la Province de Liège.
La production issue du renouvelable va accélérer
La Belgique s'est engagée, via le plan national Énergie-Climat, à atteindre 17,53% d'énergie renouvelable d'ici à 2030. "La Belgique produit actuellement moins de 10% d'énergie renouvelable", selon Fawaz Al Bitar, directeur général d'EDORA, la fédération des énergies renouvelables. "Il faut pouvoir accélérer la transition, l'objectif fixé par le plan Énergie-Climat n'est cependant pas suffisant et devrait se situer autour de 25%.
"Si on se focalise sur le secteur de la production d’électricité, en fonction des potentialités du pays, la part de renouvelable dans ce secteur est plus importante encore. En tenant compte des engagements politiques des différents gouvernements belges, 40% de notre électricité sera issue du renouvelable en 2030. Nous estimons même, au niveau de la fédération, que la dynamique de ce secteur permettrait d’atteindre 50% d'électricité d’origine renouvelable dans les dix années à venir. Ce potentiel de croissance important proviendra essentiellement de l’éolien (tant onshore qu’offshore) et du photovoltaïque."
Profiter de la meilleure technologie disponible
Un scénario envisageable à condition de lever certains obstacles. “La première contrainte est la sécurité juridique”, avance Fawaz Al Bitar. “Les permis éoliens octroyés sont systématiquement attaqués au Conseil d'État. Comme d’autres acteurs économiques, nous demandons d’instaurer un délai de rigueur pour le traitement des recours en annulation, afin que ces projets d'intérêt public n’y soient plus bloqués pendant des années.”
L'autre enjeu est l’adoption d'une technologie de pointe tant pour l'éolien que pour le photovoltaïque. “Dans sa déclaration politique régionale, le gouvernement wallon s'est engagé à installer les meilleures technologies disponibles. Nous souhaitons qu'il puisse adapter les critères d'installation, notamment les distances vis-à-vis des zones d'habitat, afin de permettre l’installation d’éoliennes de plus grandes tailles plus performantes. Quant au photovoltaïque de grande puissance, il faut développer un cadre de référence basé sur une cartographie des terrains propices à ce développement. Ces terrains existent et des synergies peuvent naître avec d'autres activités comme dans le cas de l'agrivoltaïsme, qui démontre qu'agriculture et photovoltaïque sont tout à fait compatibles.”
Meilleur élève en la matière, la Wallonie veut passer de 13% d'énergie renouvelable produite sur son territoire à 23,5% d'ici à 2030. Et, par la même occasion, diminuer de moitié sa production de gaz à effet de serre. En ce qui concerne l’accélération de la production d’électricité renouvelable, la Wallonie misera essentiellement sur l’éolien et le photovoltaïque. Mais comment intégrer ce potentiel renouvelable dans le réseau existant?
"Nous estimons que la dynamique de ce secteur permettrait d’atteindre 50% d'électricité d’origine renouvelable dans les dix années à venir."
Rapprocher la consommation de la production
L’est de la Province de Liège est une zone propice à la production d’électricité renouvelable. Le remplacement d'une partie de l'infrastructure de la Boucle de l'Est (construite en partie en 1930 et en 1967) devenait nécessaire pour garantir la fiabilité des infrastructures et du réseau. Un projet d'envergure en plusieurs phases, dont la première, qui relie les communes de Waimes, Butgenbach, Amblève et Malmedy (21 km au total), a été mise en service en décembre 2016. La deuxième étape est en cours et reliera à terme les communes de Malmedy, Spa, Stoumont, Stavelot et Trois-Ponts (25km).
“Après analyse des besoins du marché en termes de prélèvement, de raccordement et d'injection, l’ensemble de la liaison existante d'une fois 70 kV sera remplacée par une infrastructure nouvelle génération de deux fois 110 kV”, indique Ilse Tant, Chief Community Relations Officer chez Elia. “C'est la meilleure solution pour inclure les besoins en énergie renouvelable actuels mais aussi pour anticiper les besoins futurs. Il y a dans cette région un potentiel important et la production actuellement raccordée va pouvoir être doublée lorsque le projet sera finalisé.
Pour préserver l'équilibre du réseau, il faut tenir compte des sources variables (solaire, éolien). C’est pourquoi Elia a mis en place un écosystème avec les gestionnaires du réseau de distribution pour permettre aux consommateurs de participer activement au système électrique avec des moyens flexibles comme les pompes à chaleur, les voitures électriques, les chaudières, etc. "Le projet est encore en phase de test, mais sur le long terme le consommateur pourra adapter sa consommation aux besoins du réseau électrique moyennant un avantage financier. De cette façon, il obtient le meilleur prix et le système électrique reste en équilibre. Et si à l’avenir, l'énergie peut être consommée au moment où elle est la plus abondante, le pourcentage d'énergie renouvelable intégré dans le réseau sera plus élevé”, avance Ilse Tant.
La biodiversité, partie intégrante du projet
La Boucle de l'Est se situe dans une région riche du point de vue de la biodiversité. Une partie du projet se trouve d'ailleurs en zone Natura 2000. “Dans le cadre du projet, nous avons renforcé une liaison aérienne existante”, pointe Ilse Tant. “Nous avons utilisé des techniques comme l'installation de coussins de pierre pour que les engins puissent circuler tout en limitant la pression exercée sur la faune et en évitant les excavations dans certaines zones marécageuses bien spécifique. On travaille en dehors des périodes de nidification comme indiqué dans la notice d’évaluations des incidences sur l’environnement. Nous avons installé un balisage avifaune sur un tronçon de 11km de lignes sensibles. Prendre en compte l'impact environnemental est essentiel.”
"Il y a dans cette région un potentiel important et la production actuellement raccordée va pouvoir être doublée lorsque le projet sera finalisé."
Consciente de son rôle et des incidences que ces travaux ont sur l’environnement et le cadre de vie des habitants, Elia a également mis en place un projet qui favorise la biodiversité sous les liaisons aériennes grâce à l'installation de lisières, landes, tourbières et autres mares. Depuis 2017, l’entreprise collabore avec la fondation Be Planet (lire l’encadré) pour développer et soutenir des initiatives citoyennes de transition écologique. Dans le cadre de la seconde phase de la Boucle de l'Est, un budget de 158.000 euros a été distribué à 13 projets soutenant la transition écologique et le développement durable.
Magasin de produits locaux, initiative de toilettes sèches, potagers communautaires, cantine durable mobile, gestion de parcs naturels... Les porteurs d'initiative sont encouragés à mettre leurs idées ensemble. Laurence de Callatay, Partner manager chez Be Planet : "Cela demande de la concertation mais nous avons remarqué dans cette collaboration avec Elia que les projets ont plus d'impact, sont plus solides et plus riches quand ils s’inscrivent sur la durée. On ne cherche pas que des projets neufs. C'est aussi l'occasion de renforcer des projets existants et leur donner un impact plus important."