Le renforcement des réglementations et la hausse vertigineuse des prix des certificats d’émission de CO₂ ont un effet majeur sur les producteurs et distributeurs d’énergie.
“La raréfaction et la hausse du prix des certificats d’émission influencent notre production énergétique.”
Dans le cadre du Protocole de Kyoto, l’Europe a décidé que les entreprises devaient présenter un certificat par tonne de CO₂ émise chaque année. Ceux qui émettent davantage de CO₂ que leur quota doivent acheter des droits d’émission auprès des entreprises qui disposent de certificats excédentaires. Ceci étant dit, le volume total d’émissions autorisé en Europe et le nombre de certificats disponibles diminuent chaque année. Les pouvoirs publics espèrent ainsi pousser les entreprises à réduire leurs émissions de CO₂ afin d’atteindre les objectifs climatiques.
Plus rares et plus chers
“La raréfaction et la hausse du prix des certificats d’émission influencent notre production énergétique”, explique Jürgen Sanders, spécialiste des émissions et Sales Trader chez ENGIE. “Dans notre pays, c’est surtout un défi pour les centrales au gaz, qui viennent compléter la production d’énergie nucléaire, éolienne et hydraulique, car elles doivent ajouter au prix d’achat du gaz naturel le coût – en hausse – des certificats de CO₂.”
Le prix des certificats d’émission de CO₂ a été multiplié par quatre en un an à peine. "Alors qu’il se montait l’an dernier à environ 5 euros la tonne, il est aujourd’hui passé à 20 euros. Les centrales au gaz doivent subitement faire face à un coût supplémentaire", analyse Jürgen Sanders. “Ces frais ont un effet direct sur le prix de l’électricité. En Belgique, toute augmentation de 1 euro du prix d’émission d’une tonne de CO₂ a un impact immédiat de 0,40 à 0,50 euro par mégawattheure sur le tarif de l’électricité. Les pays voisins qui font un usage intensif des centrales au charbon (émettrices massives de CO₂), l’Allemagne par exemple, ressentiront encore davantage ces augmentations.”
Réforme du marché européen des droits d’émission
Et le bout du tunnel ne semble pas encore en vue. En mars dernier, l’Europe a approuvé une nouvelle réforme sur le marché européen des émissions (EU ETS). "Le prix de l’émission d’une tonne de CO₂ continuera d’augmenter, ce qui réduira d’autant le nombre de certificats disponibles. Cette forme d’impôt affecte notre industrie et notre économie", prévient Jürgen Sanders. “Certaines entreprises grandes utilisatrices d’énergie – comme la pétrochimie et les producteurs de matières plastiques – ne sont pas en mesure de restreindre drastiquement leur consommation énergétique et leurs émissions de CO₂ sans mettre leur production en péril. Ces entreprises perdent aussi en compétitivité face à leurs concurrentes situées en dehors de l’Europe, qui ne fonctionnent pas sur la base de certificats d’émission.”
Réactions et solutions
À la suite de la hausse du prix des certificats d’émission de CO₂, les entreprises font tout pour réduire au maximum l’impact de cette taxe et cherchent des solutions pour limiter leurs émissions. “C’est un fait que nous avons besoin de règles environnementales pour diminuer la pollution, mais les autorités doivent aussi garantir un certain équilibre économique afin d’éviter que les entreprises ne délocalisent leurs activités en dehors de l’Union européenne”, juge Jürgen Sanders.
Le prix de l’électricité continue de fluctuer en fonction de l’offre et de la demande. "L’augmentation des prix liée à la hausse du coût des certificats d’émissions n’est pas définitive", conclut le spécialiste. “Le marché des droits d’émission fonctionne avec un cours spot (prix immédiat au comptant). Il est difficile de dire combien de temps durera cette tendance haussière. En outre, les producteurs d’électricité sont aussi à la recherche de nouveaux procédés pour produire de l’énergie avec un minimum d’émissions de CO₂.”