Ne serait-ce pas formidable de pouvoir simplement échanger la batterie de votre voiture électrique contre une autre, chargée, dans une station-service? Cela réduirait fortement la crainte de la “panne sèche”. Plusieurs entreprises expérimentent déjà cette méthode à l’étranger.
L’idée de retirer la batterie d’une voiture électrique et de la remplacer par une autre, chargée, n’est pas neuve. En 2007, l’entreprise israélienne Better Place a tenté de mettre ce système en place. Elle affichait de grandes ambitions internationales et s’était associée avec le constructeur automobile français Renault. Mais ce ne fut pas un grand succès. En 2013, l’entreprise a fait faillite parce qu’à l’époque, les voitures électriques n’étaient pas suffisamment nombreuses pour amortir les importants et indispensables investissements dans les stations-service.
Nouvelle tentative
Depuis lors, la transition vers la mobilité électrique a franchi une étape décisive et le concept a refait surface, plus particulièrement chez le chinois NIO. Ce constructeur de voitures 100% électriques veut devenir un acteur international; il est déjà présent dans plusieurs pays européens, dont les Pays-Bas. La marque a l’intention de s’implanter en Belgique dès cette année.
Son objectif? Construire un réseau européen baptisé NIO Power Swap Stations. D’ici à la fin de 2023, l’entreprise comptera 120 stations d’échange en Europe. On en trouve actuellement quatre aux Pays-Bas (Utrecht, Den Hoorn, Apeldoorn et Tilburg) – à court terme, l’ensemble du pays devrait être couvert.
Comment cela fonctionne-t-il?
Les voitures électriques NIO disposent sous le plancher d’une batterie de dimensions fixes, qui peut être échangée contre un exemplaire rechargé dans une NIO Power Swap Station. Cette station d’échange ressemble à un box de garage double: vous entrez et, en cinq minutes environ – soit à peine un peu plus qu’un plein de carburant fossile –, votre voiture est automatiquement équipée d’une batterie chargée.
“Il n’est pas évident de standardiser les stations et les batteries. La forme et la structure de chaque batterie varient en fonction du véhicule.”
À l’avenir, il devrait être possible d’opter pour une batterie plus puissante, par exemple lorsque vous partez en vacances et que vous voulez parcourir de plus longues distances. Un autre avantage est que vous disposez toujours d’une batterie dernier cri, quel que soit l’âge de votre voiture. Un atout de taille, au vu de l’évolution rapide de la technologie liée aux batteries.
Problèmes pratiques
En Chine, ces stations d’échange de batterie sont depuis longtemps en service, et le pays compte 1.300 de ces Power Swap Stations. “L’idée de NIO est excellente”, estime Mark Pecqueur, professeur de technologie automobile à la haute école Thomas More. “Lorsque vous devez parcourir une longue distance pour rendre visite à votre famille à l’autre bout du pays, c’est pratique de pouvoir échanger votre batterie contre, par exemple, une batterie affichant une autonomie de 700 km. Le système fonctionne très bien.”
Mark Pecqueur pointe cependant un problème pratique: “Si toutes les marques souhaitent avoir leur propre réseau de stations, il risque d’y en avoir trop.” Dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux mettre en place un seul grand réseau servant toutes les marques? Il semblerait que d’autres constructeurs (y compris des Européens) aient manifesté un intérêt pour pouvoir utiliser sous licence les stations d’échange de NIO. “Il n’est pas évident de standardiser les stations et les batteries. La forme et la structure de la batterie varient en fonction du véhicule… En outre, cette méthode représenterait un frein à l’innovation.”
Microvoitures
S’il n’est pas possible pour le moment d’acheter en Belgique une voiture classique équipée d’une batterie interchangeable, il en va tout autrement dans le segment des microvoitures (ou microcars), ces petits véhicules électriques à quatre roues dédiés aux courts trajets en ville. “Avec ces modèles, l’approche est différente”, explique Mark Pecqueur. “L’objectif est de pouvoir détacher sa batterie, notamment pour la recharger chez soi, comme avec un vélo électrique.”
La Silence S04, une petite voiture électrique conçue à Barcelone et disponible en Belgique depuis quelques mois, est à ce titre un exemple intéressant. La S04 utilise deux batteries amovibles de type chariot, qui peuvent être rapidement enlevées pour être rechargées, sans dépendre de points de recharge publics ou d’une place de parking privée équipée d’un chargeur.
Selon le fabricant, il faut compter entre sept et neuf heures pour recharger une batterie au moyen d’une prise ordinaire. Autre point pratique, la batterie peut servir de source d’énergie. Une solution innovante même si, selon Mark Pecqueur, tout n’est pas parfait: “Avec les batteries amovibles, il faut vous assurer ne pas user prématurément les points de contact.”
À grande échelle?
Il en va de même pour la XEV YOYO, présentée cette année au Salon de l’auto à Bruxelles. Cette petite voiture électrique est équipée de série d’une batterie interchangeable. Mais ce n’est pas un argument de vente, étant donné qu’il n’existe pas de stations d’échange en Belgique: ce n’est qu’en cas de panne qu’il est possible d’économiser de l’argent. En Italie, un test a été réalisé avec ENI, où des membres de la plateforme Enjoy peuvent utiliser la XEV YOYO en combinaison avec une station d’échange.
En fin de compte, selon Mark Pecqueur, les stations d’échange et les batteries interchangeables ne feront pas immédiatement leur apparition à grande échelle en Belgique, et resteront provisoirement un produit de niche. Ceci étant dit, dans la transition vers la mobilité électrique, les choses avancent vite et personne ne peut prédire quelle technologie dominera un jour le marché.