Avec près de six millions de véhicules immatriculés et une moyenne de 1.035 kilomètres d'embouteillages par jour ouvrable, nos routes n'ont jamais été aussi encombrées que l'année dernière. Selon Dirk Lauwers, expert en mobilité, les bouchons sont officiellement plus importants qu'avant la crise sanitaire. Selon lui, la solution tient en plusieurs initiatives, car “la taxe kilométrique intelligente n'est qu'un élément de réponse parmi d’autres”.
Les embouteillages sur les routes belges – en particulier autour des grandes villes et sur les autoroutes flamandes – sont plus longs que jamais. De plus, ils durent plus longtemps. Les heures de pointe du matin et du soir se rejoignent de plus en plus sur les grands périphériques, ce qui ne laisse pratiquement plus d'heures creuses.
“Le coût social des embouteillages, dû à la perte de temps, à la consommation supplémentaire de carburant et aux émissions additionnelles, a été estimé à environ 5 milliards d'euros en Belgique en 2023”, chiffre Dirk Lauwers, expert en mobilité et professeur aux universités d'Anvers et de Gand. “Ce n'est que dans la région de Bruxelles que la pression du trafic automobile s'est légèrement atténuée ces dernières années. Dans l'ensemble, la situation n'a jamais été aussi pénible dans notre pays.”
D'un point de vue purement statistique, la plupart des embouteillages sont le fruit d'un déséquilibre entre l'offre et la demande. Il y a tout simplement trop de trafic pour ce que nos routes peuvent absorber. Ajoutez à cela l'augmentation du trafic de camions, les accidents et autres incidents routiers, et c’est la moitié du pays qui se voit engorgée.
Les voies réservées aux heures de pointe
Qu'en est-il des voies réservées aux heures de pointe que l’on retrouve dans un nombre croissant d'endroits? Ces voies s'ouvrent et se ferment à mesure que le trafic routier s'intensifie ou ralentit. “Cette mesure est seulement provisoire”, souligne Dirk Lauwers. “Les voies réservées aux heures de pointe offrent une capacité supplémentaire, mais leur effet s'estompe au bout de quelques mois ou années.”
Le coût social des embouteillages dû à la perte de temps, à la consommation supplémentaire de carburant et aux émissions additionnelles a été estimé à environ 5 milliards d'euros en Belgique l'année dernière.
L'accroissement de la capacité routière entraîne souvent une augmentation du trafic. L'ajout d'une voie supplémentaire sur une route raccourcit d'abord la durée du trajet, mais elle rend aussi le voyage en voiture moins cher, dans la mesure où il y a moins de retards. Le revers de la médaille est donc que cette même dynamique rend les trajets en voiture plus attrayants, de sorte que davantage de personnes (re)prennent la voiture.
Mesures en faveur du transfert modal
La seule véritable solution structurelle est ce que l'on appelle le transfert modal (modal shift): abandonner la voiture au profit d'autres modes de transport. Toutefois, les études internationales montrent que de nombreuses mesures sont nécessaires pour parvenir à un transfert modal qui ait réellement un impact.
Les alternatives telles que les transports publics et les infrastructures cyclables doivent être améliorées. Et il faut décourager les déplacements en voiture. “Un transport public de meilleure qualité et plus ponctuel, et une infrastructure cycliste plus étendue et plus sûre, peuvent être combinés, par exemple, avec une redevance kilométrique intelligente”, suggère Dirk Lauwers.
Une tarification routière intelligente devrait être combinée à des transports publics moins chers à certaines heures.
À ses yeux, la taxe kilométrique pour les voitures particulières est nécessaire (lire l’encadré). Mais elle est bloquée depuis trop longtemps. L'actuel gouvernement flamand était censé prendre une décision dans le cadre de l'accord de coalition 2019-2024 sur l'introduction ou non d'une redevance routière pour les véhicules légers. Cette décision a été une nouvelle fois reportée à une prochaine législature.
Le gouvernement bruxellois a déjà consacré 30 millions d'euros à SmartMove, la redevance kilométrique intelligente que la Région souhaite introduire et qui remplacerait la taxe de circulation. SmartMove n'est pas encore en place. Il n'existe pas non plus de redevance kilométrique intelligente pour les voitures particulières en Wallonie.
Surtout dans les villes
“Nous aurions pu lancer une première mondiale avec cette redevance kilométrique intelligente”, déplore Dirk Lauwers. “Aujourd'hui, d'autres grandes villes sont bien plus avancées avec leurs systèmes de péage urbain. Même New York nous a grillé la politesse. Les études de faisabilité y ont débuté à peu près en même temps que celles du péage urbain à Bruxelles, mais New York introduira un système de péage dès le mois de juin prochain.”
Quand le transfert modal sera-t-il une réalité en Belgique? “Lorsque nous pourrons réduire la congestion en ayant moins de voitures sur les routes, et doper le recours aux modes de transport alternatifs afin d'améliorer l'accessibilité de nos villes et de nos zones économiques. Non seulement ces mesures coûteront moins cher à notre économie, mais elles amélioreront la qualité de l'air dans et autour des villes, et nous aideront à atteindre nos objectifs en matière de climat.”
Dirk Lauwers estime que le transfert modal est utile principalement dans les villes et leurs alentours, mais pas dans les zones rurales, dont les habitants ont de toute façon besoin d'une voiture pour se déplacer facilement.