Les obligations vertes ont les faveurs des investisseurs. Ce n’est guère étonnant, puisque ces green bonds permettent d’obtenir à la fois un rendement et un impact positif. Cependant, toutes les promesses ne sont pas tenues. C’est pourquoi il est important d’oser regarder au-delà des labels à la mode.
Les obligations vertes sont populaires auprès des investisseurs qui souhaitent investir de manière responsable comme de ceux qui recherchent une bonne diversification. Certains fonds d’investissement permettent d’investir en une fois dans des dizaines d’obligations vertes. Les gestionnaires passent le marché au crible à la recherche d’opportunités et ne prennent en portefeuille que les obligations affichant un label “vert” ou cataloguées comme telles par leur émetteur. L’avantage? Ce sont des produits faciles à comprendre. Leur approche est sans nuance: soit il s’agit d’une obligation verte qui s’inscrit donc dans votre univers d’investissement, soit il ne s’agit pas d’une obligation verte et vous passez votre chemin. À moins que…
Au-delà des labels
Vous ne ferez pas dire à Lewis Aubrey-Johnson, expert en investissement chez Invesco, que le paysage des green bonds est un nouveau Far West. Il conseille néanmoins aux investisseurs de prendre le temps de “regarder sous le capot” avant d’acheter une obligation verte. “Une part importante des obligations vertes sont émises par des entreprises pour lesquelles il est aisé d’établir un lien avec la transition écologique. C’est le cas des sociétés énergétiques et des constructeurs automobiles, notamment. Vous supposez sans doute que les capitaux seront investis dans des parcs éoliens ou le développement de voitures électriques. Mais vous devez aussi savoir que la qualification de leurs obligations comme produits ‘verts’ est souvent décrétée par les entreprises elles-mêmes! Et que cette labellisation ne suit pas le même processus rigoureux que celui, par exemple, des agences de notation qui attribuent un rating aux entreprises.”
Le vert peut être noir
“Voici quelque temps, une société pétrolière a lancé une obligation labellisée ‘verte’”, illustre l’expert. “L’objectif de cette émission était de lever des fonds pour investir dans des équipements destinés à rendre plus efficaces l’extraction et le traitement du pétrole. Pour l’entreprise pétrolière, il peut s’agir d’un pas en avant vers le ‘verdissement’ de ses activités, mais pour un investisseur plus critique, il est difficile de considérer l’extraction de pétrole comme une activité ‘verte’. Ce que je veux dire, c’est qu’il ne faut pas se laisser aveugler par des tierces parties et par les mots élogieux avec lesquels les entreprises présentent leurs émissions obligataires.”
Cela vaut la peine de regarder du côté des obligations qui ne sont pas labellisées ‘vertes’
Pas de label, pas de problème?
Lewis Aubrey-Johnson conseille non seulement de se montrer critique, mais aussi d’élargir son champ de vision: “Si vous n’investissez que dans des obligations vertes, cela signifie que vous n’investissez peut-être pas dans des entreprises polluantes, c’est vrai, mais dans le même temps, vous excluez les entreprises qui n’ont pas encore atteint leur but mais qui travaillent d’arrache-pied à leur transition vers une économie décarbonée. Pour cette raison, il peut être intéressant d’envisager également les obligations qui ne sont pas labellisées ‘vertes’. Certaines entreprises n’ont ni le temps ni les moyens de faire labelliser leurs obligations comme ‘vertes’; cela ne signifie pas nécessairement que celles-ci soient moins ‘vertes’ que les autres. On trouve par exemple des entreprises actives dans les énergies renouvelables qui émettent des obligations ordinaires simplement parce qu’elles souhaitent éviter les nombreuses démarches administratives et les frais liés à une labellisation.”
Entreprises en transition
Invesco a appliqué cette philosophie au développement d’un fonds qui investit aussi bien dans des actions que dans des obligations. Les gestionnaires ne se contentent pas d’évaluer les obligations vertes avec un œil critique: ils cherchent des opportunités parmi les obligations ordinaires. “Certaines entreprises émettent à la fois des obligations vertes et ordinaires. Or, il arrive que les caractéristiques de leurs obligations vertes ne soient pas intéressantes: échéance trop courte, émission dans des devises étrangères, etc.”, prévient Lewis Aubrey-Johnson. “Qu’est-ce qui vous empêche d’investir dans des obligations ordinaires qui affichent de meilleures caractéristiques, s’il s’agit d’une société de qualité qui travaille dur à sa transition vers une économie sobre en carbone?”
Ne rejetez pas les secteurs “difficiles”
Dans la droite ligne de ses convictions, Invesco ose investir dans des secteurs jugés “plus difficiles” mais jouant un rôle de pionnier. “Il ne faut pas s’étonner que le secteur énergétique soit surreprésenté dans le segment obligataire de nombreux fonds durables”, conclut Lewis Aubrey-Johnson. “Nous tentons toutefois de regarder plus loin, par exemple en investissant dans le secteur financier. Son rôle dans la problématique climatique est très complexe mais intéressant. D’un côté, le secteur émet très peu de gaz à effet de serre; de l’autre, il peut avoir un impact majeur sur les émissions de CO2 via le financement des projets de ses clients.”