Nous nous trouvons à un moment charnière dans la transition de l’investissement traditionnel vers l’investissement responsable. Jeroen Bos et Edith Siermann (NN Investment Partners) évoquent les tendances et les défis qui caractérisent un univers de la durabilité en pleine expansion : “Ce n’est plus un ‘petit extra’ mais un élément réellement incontournable.”
Quelles sont les tendances actuelles dans l’investissement responsable ?
Jeroen Bos, Head of Specialised Equity & Responsible Investing chez NN Investment Partners : “L’intégration de critères ESG devient la norme dans l’investissement responsable. Cette approche consiste à appliquer, en plus des paramètres d’investissement traditionnels, des critères environnementaux (Environmental), sociaux (Social) et de bonne gouvernance (Governance) aux décisions d’investissement. Cette approche dépasse largement l’application de simples critères d’exclusion, consistant à supprimer par exemple les investissements dans le charbon ou les armes de son portefeuille d’investissement.”
“Aujourd’hui, l’intégration de critères ESG relève davantage du ‘must’ que du ‘nice to have’. Les investisseurs l’exigent de plus en plus clairement de leur gestionnaire de fonds. Ceux qui ne suivent pas risquent d’être laissés de côté. À juste titre. Tout d’abord, l’intégration de facteurs ESG procure une compréhension plus fine et plus complète du profil de risque et de rendement d’un investissement et permet par conséquent de prendre de meilleures décisions de placement tout en produisant des résultats plus robustes et plus durables pour les clients et la société dans son ensemble. En outre, les entreprises qui s’efforcent d’améliorer leur score ESG affichent en moyenne de meilleurs rendements.”
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“Quelques exemples ? Une société qui se préoccupe du bien-être de ses collaborateurs risque moins d’être confrontée à des troubles sociaux et aux coûts liés à des interruptions de travail, tandis que des collaborateurs plus motivés sont aussi plus productifs. Une firme qui réduit ses émissions peut compter sur l’approbation du consommateur et donc vendre davantage. Et l’entreprise qui paie ses impôts dans le respect des règles risque moins d’amendes et d’opposition sociale.”
“NN Investment Partners applique déjà des critères ESG pour 66% de ses actifs sous gestion. Et ce pourcentage ne cesse de croître. Ceci dit, les facteurs ESG sont certes importants, mais ils ne suffisent pas pour évaluer les performances futures. C’est pourquoi nous ne pouvons négliger les facteurs financiers traditionnels. Si nous intégrons les données ESG dans nos analyses, nous étudions bien entendu la situation globale avant de prendre nos décisions d’investissement.”
Qu’en est-il de l’investissement d’impact ? Les investisseurs adhèrent-ils doucement aussi à cette formule d’investissement durable ?
Jeroen Bos : “L’investissement d’impact a connu une montée en puissance ces cinq dernières années. Dans cette forme d’investissement, on ne tient pas uniquement compte du rendement financier, mais aussi du bénéfice humain, social et environnemental. Avec l’investissement d’impact, il n’est plus question d’éviter un impact négatif, mais de rechercher un impact positif. On privilégiera par exemple les entreprises qui fournissent des solutions pour réduire la production de déchets ou développent des édulcorants alternatifs dans la lutte contre le surpoids. Ces entreprises s’engagent à rendre mesurables leurs objectifs sociaux et environnementaux.”
“Parallèlement à l’investissement d’impact, les investissements thématiques gagnent en popularité. Il s’agit cette fois d’investir dans un thème spécifique. La plupart de ces thèmes peuvent être rattachés aux objectifs de développement durable des Nations unies, comme la disponibilité d’eau potable, l’égalité des sexes et la transition énergétique. Un fonds thématique pourra ainsi investir spécifiquement dans des entreprises qui fournissent des solutions durables pour le changement climatique ou la qualité de l’enseignement.”
La tendance à l’investissement responsable se propage-t-elle peu à peu à d’autres catégories d’actifs ?
Edith Siermann, Head of Fixed Income chez NN Investment Partners : “L’investissement d’impact progresse également dans le domaine des obligations. Ceci est notamment illustré par la multiplication des obligations vertes. En achetant une obligation verte, on investit directement dans des projets durables tangibles. Il peut s’agir de prêts pour des immeubles économes en énergie, des investissements dans les transports publics ou l’infrastructure cyclable, l’aménagement d’un parc éolien, la gestion durable de l’eau et des déchets, etc. Ce marché est en plein essor, à la fois pour les obligations d’État et les obligations d’entreprise.”
“Si les obligations vertes placent surtout l’accent sur l’environnement et le climat, il est également possible d’avoir une approche intégrant l’ensemble des critères ESG pour les obligations. Si on peut appliquer des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance aux actions, rien n’empêche d’agir de même pour les obligations d’entreprise et les obligations d’État ! C’est ce que nous faisons déjà aujourd’hui chez NN Investment Partners, notamment à l’aide d’indicateurs de durabilité que nous avons conçus en interne.”
L’assortiment de solutions durables s’étend chaque jour.
Edith Siermann : “La gamme d’investissements durables s’est nettement enrichie ces dernières années, c’est vrai. Parallèlement, les investisseurs peinent à comprendre les nuances entre produits. Il est important dès lors que les gestionnaires d’actifs communiquent clairement au sujet de leur assortiment de produits durables. Chez NN Investment Partners, nous appliquons déjà des définitions et indicateurs stricts pour réaliser et documenter chaque analyse d’investissement. Nous avons élaboré une définition stricte de l’intégration des critères ESG, qui suppose que chaque analyse d’un investissement tienne compte des trois facteurs (E, S et G). Qui plus est, cette procédure doit être démontrable et documentée de manière cohérente.”
Comment incorporez-vous les dernières évolutions en matière de durabilité dans votre politique d’investissement ?
Edith Siermann: “Plus les entreprises et les gouvernements partagent de connaissances et d’informations, plus nous pouvons affiner nos analyses. Chez NN Investment Partners, nous faisons appel à des partenaires issus de la recherche académique et à des fournisseurs de données ESG. Ceci permet à notre processus d’analyse intégrant des critères ESG d’identifier un éventail mondial de possibilités d’investissement durable. Nous pouvons ainsi proposer à nos clients des solutions d’investissement attrayantes.”
“Nous jouons ici la carte de la gestion active. En exerçant nos droits de vote, en nouant le dialogue avec les entreprises… Nous allons très loin dans notre engagement en faveur de l’investissement responsable. En outre, nous travaillons au développement de solutions semi-passives et de fonds d’impact thématiques.”
Quelle sera, selon vous, l’évolution de l’investissement durable au cours des années à venir ?
Jeroen Bos: “L’investissement responsable n’en est qu’à ses débuts sur de nombreux marchés. Cette tendance est toutefois appelée à se confirmer. L’accent reste aujourd’hui largement placé sur le climat. Non seulement en raison de la préoccupation justifiée pour l’environnement, mais aussi parce que les résultats des efforts consentis sont plus aisés à mesurer. La consommation d’énergie et d’eau, les émissions de CO2, les quantités de déchets produits, la consommation de matières premières : tous ces éléments s’expriment aisément en mètres cubes, en kilowatts ou en tonnes. Il reste à opérer un mouvement de rattrapage en matière d’impact social et de bonne gouvernance. Mais avec l’augmentation des quantités de données et d’informations disponibles, nous nous attendons à ce que la durabilité englobe de plus en plus les aspects sociaux.”