Nos entreprises chercheront-elles à préserver jusqu’au moindre centime ou préféreront-elles éviter tout conflit avec le fisc? “Une plus grande confiance profiterait à toutes les parties.”
“Un certain nombre de pratiques autorisées sont très complexes et difficiles à contrôler par les autorités fiscales”, note d’emblée Alexis de Biolley, responsable des affaires publiques au sein de l'Institute for Tax Advisors and Accountants (ITAA). “C'est pourquoi, aux yeux des profanes, elles semblent relever d'une zone grise. Mais la frontière est sans ambigüité: la voie légale vers la situation la moins taxée est autorisée, la mise en place délibérée de constructions illégales ne l'est évidemment pas.”
Tout ce qui est légal est-il forcément éthique? “La différence est politique et varie dans le temps et l'espace”, répond Alexis de Biolley. “Ce qui, hier, était considéré comme contraire à l'éthique aux États-Unis peut sembler tout à fait acceptable aujourd'hui en Belgique. L'expert-comptable/conseiller fiscal a une seule boussole et c'est la loi. Or, la loi a généralement un certain retard sur ce que l'esprit du temps considère comme éthique. Mais nous ne pouvons agir qu’en fonction du droit, au risque d'ouvrir la porte à l'arbitraire.”
Intégrité
Les membres de l'ITAA doivent respecter une déontologie stricte en tant que professionnels reconnus. “L'intégrité est une condition sine qua non en ce qui nous concerne”, déclare Alexis de Biolley.
Les experts-comptables, les conseillers fiscaux et les banques sont tenus de signaler les cas de fraude fiscale grave. Toutefois, la législation dans ce domaine est complexe et les critères d'évaluation ne sont pas clairs. Ce qui peut conduire à des contradictions. “Pour éviter de tels scénarios, nous plaidons en faveur d'une législation reposant sur des critères clairs”, ajoute Alexis de Biolley.
Ce qui, hier, était considéré comme contraire à l'éthique aux États-Unis peut sembler tout à fait acceptable aujourd'hui en Belgique.
Confiance
La confiance entre l'entreprise, les autorités fiscales et le conseiller fiscal est essentielle. Des études démontrent que la robustesse de ce lien de confiance est un bon indicateur des performances à long terme d'une entreprise.
“Nous souhaitons davantage de coopération et de transparence, ainsi qu’une relation de confiance solide”, résume Alexis de Biolley. “Dans certains domaines, cela existe déjà. Pensez au service du ruling: le caractère légal d'un montage fiscal peut être validé à l'avance. Nous encourageons cette pratique.”
Contrôle horizontal
Un projet-pilote de contrôle horizontal est actuellement en place au sein du fisc, centré sur la confiance dans la coopération entre les trois opérateurs fisc/expert-comptable/entreprise. Il s'agit d'un nouveau modèle de coopération prônant la proactivité et non plus la réactivité. Cette méthode de travail fonctionne depuis longtemps, et avec succès, aux Pays-Bas.
“Avec le contrôle horizontal, la coopération remplace le contrôle d'en haut”, précise Alexis de Biolley. “Pour son adoption sur le terrain, les autorités publiques envisagent plusieurs pistes. Nous sommes favorables à la certification, par un expert-comptable reconnu, de l'exactitude et de la transparence d'une déclaration. Si les autorités fiscales valident cette certification, les contrôles détaillés devront être moins nombreux. Plusieurs associations de PME penchent elles aussi pour cette formule. Pour autant, nous sommes ouverts à la concertation pour trouver d'autres pistes.”
Stress fiscal
Pour la plupart des PME et entreprises, en effet, les obligations fiscales sont souvent lourdes, difficiles à comprendre et source de stress. “La demande de davantage de clarté est plus forte que la volonté d’exploiter pleinement la zone grise fiscale”, observe Alexis de Biolley. “La majorité des PME désirent avant tout se conformer au règlement de la TVA et être en règle pour ce qui touche à l’impôt sur les sociétés, afin d'éviter les amendes imprévues. La PME moyenne ne dispose pas d'un budget mensuel de plusieurs milliers d'euros à consacrer à la recherche d'échappatoires fiscales ou à la mise en place de montages illégaux complexes. Une plus grande confiance profiterait à toutes les parties.”