Les entreprises qui opèrent la transition vers un modèle circulaire se retrouvent en concurrence avec des firmes qui tirent toujours profit du modèle linéaire. En revanche, elles bénéficient de l’intérêt croissant d’un secteur financier désireux de soutenir les activités circulaires.
Les modèles économiques durables suscitent un intérêt disproportionné par rapport à la taille réelle de l’économie circulaire, c’est évident. "Pourtant, le fait qu’il soit possible de gagner de l’argent avec un modèle circulaire innovant n’est presque plus remis en doute", assure Aglaia Fischer, Project Manager Circular Finance au sein du Sustainable Finance Lab néerlandais.
"Certes, de nombreuses questions subsistent. Nous ne savons pas suffisamment à quoi ressembleront ces nouveaux modèles économiques circulaires. Techniquement, de nombreux points doivent encore être clarifiés. Comment maintenir plus longtemps des produits en circulation? Comment récupérer les matériaux utilisés dans des produits finis? Et à quel coût? À ce jour, tous les secteurs n’ont pas répondu à ces questions. Loin de là."
Motifs d’optimisme
Aglaia Fischer entrevoit cependant des raisons d’être optimiste. "Le secteur financier commence à réaliser que les plus grandes opportunités d’investissement résident aujourd’hui dans les modèles durables et circulaires. En ce sens, le secteur n’a d’autre choix que de suivre la tendance économique globale. On le constate d’ores et déjà dans les rapports financiers des entreprises: les scores de durabilité ne cessent de gagner en importance! Concernant le financement de nouveaux modèles et entreprises circulaires, il ne faut toutefois pas tomber dans le piège qui consisterait à se tourner exclusivement vers le secteur bancaire. Traditionnellement, le starter récolte d’abord des fonds auprès de parents et d’amis, puis se tourne vers des business angels et ne s’adresse qu’ensuite aux banques. Je pense que nous devons élargir notre regard sur le financement d’entreprises réellement neuves dans l’économie circulaire, du crowdfunding aux financements totalement alternatifs."
L’écosystème financier s’élargit. Les banques en prennent conscience et sont ouvertes au développement des produits financiers qui soutiennent des modèles économiques innovants.
Selon Aglaia Fischer, cette concurrence de modèles de financement alternatifs obligera les banques à s’ouvrir davantage aux nouveaux modèles de rentabilité. "L’écosystème financier s’élargit. D’après mes sources dans le secteur bancaire, ce dernier en prend conscience et se sensibilise au développement de produits financiers qui soutiennent des modèles économiques innovants. La peur de l’inconnu constitue un frein, bien sûr, mais il ne faut pas sous-estimer l’impact de la crise financière. Les banques se montrent tout bonnement plus réticentes, plus prudentes."
Un exemple fort
Pour autant, tout ne se résume pas à une simple question de financement. L’État joue un rôle important dans la transition économique qui nous attend, affirme Aglaia Fischer. "Nous avons besoin d’un cadre réglementaire contraignant. C’est bien de consacrer une partie de l’accord de gouvernement néerlandais à l’économie circulaire, par exemple, mais c’est loin d’être suffisant. Parfois, il faut interdire l’utilisation de certains matériaux ou imposer des délais contraignants à l’industrie dès lors qu’il faut prendre certaines mesures indispensables. Simultanément, l’État pourrait soutenir financièrement la transition circulaire en tant qu’acheteur. Ce serait un exemple fort pour d’autres secteurs."
À Lot, le producteur de
matériaux de construction Derbigum recycle depuis 2008 de l’ancien roofing, des
excédents de découpe et ses propres déchets de production afin de fabriquer du
nouveau roofing. Ce matériau est découpé et fondu dans la division Recyclage. "Nous
reliquéfions le roofing et utilisons ce matériau pour produire Derbigum NT, notre
roofing à base de matières premières renouvelables", indique Koen
Sneiders, Recycling & Waste Manager.
Derbigum en fait délibérément un produit distinct. "En Belgique, les matériaux de construction recyclés éveillent une méfiance injustifiée", estime Koen Sneiders. "Notre marché est encore trop traditionnel, les couvreurs optent trop souvent pour des matériaux classiques. Pourtant, notre solution recyclée est tout aussi performante: tous nos produits subissent les mêmes contrôles qualité, tant en interne que par les organismes de normalisation! C’est une barrière purement mentale. Nous espérons que la donne va changer, car notre produit recyclé constitue une charge nettement moindre pour l’environnement et réduit l’empreinte CO2 du client."