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analyse

Dilemme européen: faut-il assouplir les sanctions à l'encontre de la Syrie?

La vie économique commence à retrouver du dynamisme en Syrie, mais les sanctions internationales pèsent sur les activités. ©AFP

L'Union européenne se prépare à adoucir les sanctions qui touchent la Syrie. Pourtant, le nouveau régime de Damas inquiète à plus d'un titre. Que faire?

Ce lundi, le conseil des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne (UE) réfléchit à un assouplissement des sanctions imposées à la Syrie dans le cadre de la guerre civile enclenchée en 2011. Le secteur énergétique - avec notamment un embargo sur le pétrole syrien -, la fourniture d'armes et la finance, notamment, ont été frappés par des restrictions décidées par l'UE et d'autres acteurs internationaux.

Le nouveau dirigeant syrien, Ahmad al-Chareh, et le groupe islamiste qu'il dirige, Hayat Tahrir al-Cham (HTC), réclament la fin de ces restrictions. "La levée des sanctions économiques est la clé de la stabilité en Syrie", avait insisté, jeudi dernier, le chef de la diplomatie Assaad al-Chaibani.

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Dans la foulée de la chute du régime de Bachar al-Assad, les États-Unis avaient rapidement procédé à un allègement. Mais certains États membres de l'UE restent réticents, craignant, entre autres, l'imposition de la charia par le nouveau régime sunnite, avec une régression du droit des femmes, ainsi que la répression de certaines franges de la société, comme les minorités chrétiennes et alaouites.

Les nouveaux dirigeants syriens sont issus de l'islamisme radical, du djihadisme, d'une opposition qui a subi et exercé de la violence.

Ce qui inquiète

"La situation est extrêmement floue, il y a une multitude d'éléments extrêmement inquiétants. Mais d'un point de vue scientifique, on sait qu'un tel changement de régime, dans une situation si complexe, ne peut se faire du jour au lendemain de la façon la plus vertueuse", pose Elena Aoun, professeure en relations internationales à l'UCLouvain. 

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Les nouveaux dirigeants syriens n'offrent pas un visage rassurant au regard des standards occidentaux: ils sont issus de l'islamisme radical, du djihadisme, d'une opposition qui a subi et exercé de la violence. Ils ne se sont pas structurés avec une expérience du droit international.

"Autre élément inquiétant: ils ne disposent pas d'un contrôle plein et entier de toute la galaxie d'acteurs, dont certains leur sont affiliés, d'autres pas, ou encore leur sont opposés. Les risques proviennent aussi de ce côté-là", explique la chercheuse de l'UCLouvain.

Énormément d'acteurs politiques gravitent en Syrie. La Turquie qui s'en prend aux Kurdes au nord. Israël qui étend sa zone d'occupation au sud. Il reste des reliquats de l'ancien régime, des opposants à Bachar al-Assad qui ne s'inscrivent pas dans la mouvance HT...

"L'enjeu prioritaire, c'est: comment la faction au pouvoir va-t-elle réagir face aux exactions perpétrées par des groupes qui gravitent autour d'elle ou lui sont opposés?"

Elena Aoun
Professeure en relations internationales à l'UCLouvain

Exactions réprimées ou pas?

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, une ONG basée à Londres qui informe de longue date grâce à un réseau d'informateurs sur place, des combattants affiliés au nouveau régime islamiste ont commis 35 exécutions sommaires en fin de semaine dernière. La plupart des personnes exécutées étaient d'anciens officiers du gouvernement Assad, selon cette ONG, qui rapporte encore des arrestations arbitraires, des attaques contre des symboles religieux, la mutilation de cadavres, des exécutions sommaires et brutales de civils.

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"L'enjeu prioritaire, c'est: comment la faction au pouvoir va-t-elle réagir face aux exactions perpétrées par des groupes qui gravitent autour d'elle ou lui sont opposés?", pose Elena Aoun. "Il faut attendre pour voir si elle arrive à maîtriser cette violence."

Les droits des femmes

L'avenir du droit des femmes dans un pays dirigé par un mouvement islamiste inquiète aussi en Occident. "On ne peut pas s'attendre à une version occidentale du droit des femmes du jour au lendemain en Syrie, d'autant plus que la société syrienne n'a pas la même compréhension que nous des droits humains", rappelle Elena Aoun. "Il faut attendre, voir comment la nouvelle équipe au pouvoir va gérer cette question, voir quels espaces les femmes parviennent à acquérir durant ce processus de transition."

Autre question en suspens, l'aide apportée aux Syriens qui partent à la recherche de leurs proches disparus sous le régime Assad. "C'est un dossier compliqué parce que les archives sont parfois inexistantes ou ont été détruites. Il s'agit d'un enjeu majeur pour la nouvelle équipe. Elle ne peut l'ignorer, mais aura besoin de l'aide internationale pour avancer. Elle n'est pas préparée pour endosser si vite une telle multitude de tâches...", explique la professeure de l'UCLouvain.

"On peut essayer de multiplier les garde-fous pour tenter de 'socialiser' le nouveau régime."

Elena Aoun
Professeure en relations internationales à l'UCLouvain

L'avenir des sanctions

Dans ce contexte, que faire des sanctions? "Traditionnellement, les sanctions fragilisent davantage la population que le régime", cerne Elena Aoun. "D'un point de vue d'analyste, il paraît raisonnable de lever graduellement les sanctions avec une conditionnalité politique, qui peut être négociée pour 'monitorer' la transition, l'accompagner, même si les principaux acteurs de cette transition ne sont pas ceux qu'on aurait souhaités. On peut essayer de multiplier les garde-fous pour tenter de 'socialiser' le nouveau régime, parce qu'il faut une reconstruction, une reprise de l'activité économique, la réhabilitation des infrastructures portuaires, civiles, pétrolières, hydrauliques..."

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