Muriel Gregoir et Frédéric Vankeijmeulen se fient à leur instinct. Tombés sous le charme d’une maison du XVIIIe siècle en France, ils se sont lancés dans les rénovations sans la voir.
Le marché immobilier laisse peu de place au doute: quand on a un coup de cœur, il faut foncer comme l’ont fait Muriel Gregoir et Frédéric Vankeijmeulen. La maison de leurs rêves se trouvait dans le sud de la France et la distance menaçait de mettre un terme prématuré à leur histoire d’amour. "L’annonce venait d’être mise en ligne et l’agence avait déjà programmé plusieurs visites le lendemain: pour nous, c’était impossible d’y être", raconte-t-elle. Le couple a donc demandé à des amis, propriétaires du B&B Mas en Scène à quelques minutes de là, d’y passer.
"Il faisait un temps exécrable, ce qui ne risquait pas de mettre la maison en valeur. Nos amis nous ont envoyé des photos et des vidéos, mais elles ne permettaient pas de se faire une idée. Alors, portés par notre instinct et une sacrée dose d’adrénaline, nous nous sommes lancés."
Tombé sous le charme
Le storytelling fait partie de l’ADN de Gregoir et Vankeijmeulen: le tandem professionnel DuoGrevan s’est rencontré chez Donaldson, où Gregoir était en charge de la communication visuelle et Vankeijmeulen, des concepts. "C’était une époque super stimulante, avec une grande liberté de création", se souvient Vankeijmeulen. "Chaque collection s’inspirait d’une ville, de Sydney à Los Angeles. Je parcourais le monde en quête d’objets uniques pour trouver de quoi créer une maison avec l’allure de la ville choisie dans le showroom. Cela fait donc des années que je fais de l’aménagement."
Cinq bons plans
◆ Église Louise Bourgeois à Bonnieux
"Cette église est un miracle de poésie, loin de l’agitation. Un lieu où l’inconscient de l’artiste dialogue avec le sacré."
◆ Chêne Bleu à Crestet
"À elle seule, la route pour y parvenir mérite le détour. Un lieu unique qui ravira les amateurs de vin, de gastronomie, d’art, d’histoire et de nature. Le mercredi, ils proposent une formule apéritive, mais les pique-niques dans le domaine sont aussi enchanteurs. Et la vue sur les Dentelles de Montmirail est magnifique."
◆ Julie Barreau à Arles
"Cette femme créative et enthousiaste propose une belle sélection de meubles et d’œuvres d’art."
◆ Parenthèse à Venasque
"Un lieu confidentiel pour belles personnes»: c’est ainsi que la Parisienne Catherine Tisserant décrit sa boutique. Une sélection composée avec goût, mêlant confort et élégance."
◆ Les Estivales du Haut-Calavon à Viens
"Un festival d’été organisé par l’entrepreneuse belge Sophie Le Clercq, fait de rencontres littéraires, philosophiques et musicales au cœur d’un somptueux domaine viticole. L’architecte paysagiste Bas Smets y a conçu un parcours unique de plus de deux kilomètres."
Après Donaldson, le couple est resté actif dans le secteur de la mode jusqu’à la pandémie. Cette pause forcée lui a offert une bouffée d’air frais et l’occasion de laisser libre cours à leurs rêveries. Vankeijmeulen: "à l’époque, j’accompagnais souvent mon amie Bea Mombaers, styliste et designer d’intérieur, qui travaillait sur plusieurs projets en Provence et nous écumions les brocantes et les ateliers d’artisans dans les environs de L’Isle-sur-la-Sorgue. Et je suis tombé sous le charme de cette région." Ce qui lui a donné l’idée de réaliser son propre projet en Provence. Un beau jour, alors que sa moitié parcourt des sites de ventes d’immobilier, son regard tombe sur une maison de village du XVIIIe siècle au pied du mont Ventoux. La bâtisse appartenait depuis près de trente ans à un couple de Parisiens: un écrivain et une plasticienne. "Un couple très inspirant, qui en avait fait sa résidence d’été", explique Grégoir.
"D’ordinaire, je visite une maison à plusieurs reprises pour m’en imprégner, mais ici ce n’était pas nécessaire. Nous n’avons même pas eu besoin d’un moodboard."Muriel Gregoir et Frédéric Vankeijmeulen
Le coup de foudre par écran interposé s’est avéré totalement justifié: dès la première visite, la maison les a conquis. Dans le hall, un monumental escalier s’élevait avec élégance en un mouvement fluide. Les grandes fenêtres encadrées de volets faisaient entrer une belle lumière tout en offrant une vue saisissante sur une mosaïque de toits et de verdure. Le salon, avec ses hautes portes, s’ouvrait sur une charmante cour intérieure. La cuisine dégageait une atmosphère chaleureuse et conviviale tandis que les chambres, spacieuses et lumineuses, invitaient à la quiétude.
Les anciens propriétaires affectionnaient les associations de couleurs vives et certaines pièces exigeaient une remise à neuf. Vankeijmeulen: "D’ordinaire, je visite une maison à plusieurs reprises pour m’en imprégner, mais ici, ce n’était pas nécessaire." Pour lui, c’était une évidence: il fallait raconter l’histoire de la maison avec un regard contemporain. Gregoir: "Il est impossible de faire abstraction de son caractère. Son authenticité presque tricentenaire ne tolère pas les ruptures stylistiques trop brutales. Nous avons préservé autant que possible son état d’origine tout en éliminant ce qui menaçait son âme."
Meubles imparfaits
Le couple a combiné des nuances de blanc et des teintes naturelles, apportant ainsi plus de respiration à l’espace. Cette toile épurée offrait le cadre idéal à un panachage de meubles soigneusement sélectionnés dans la région: Isle-sur-la-Sorgue, Avignon et Arles regorgent d’antiquaires exceptionnels.
En parallèle, le couple a écumé encore et encore les brocantes de Carpentras et de Villeneuve-lès-Avignon, toujours en quête de pièces originales. Bea Mombaers les a mis en contact avec des artisans locaux.
Vankeijmeulen: "Tout au long de cette intense recherche, nous avons suivi notre instinct. Plutôt que des meubles signés que l’on retrouve partout, nous avons préféré des pièces uniques. Même quand le vendeur ne pouvait pas nous raconter leur histoire, il arrivait que ce soit l’objet lui-même qui nous la murmure. Cette maison appelle des meubles bruts, imparfaits, presque poétiques. Suffisamment subtils pour laisser l’espace s’exprimer, mais dotés d’une présence qu’on ne peut ignorer."
Photographies de Karel Fonteyne, sculptures de Francesca Guerrier et Frédéric Bourdiec, œuvres de Machteld Rullens, San Ming et Els Bijnens: la sélection d’art aussi est originale: "Cette verve artistique est essentielle pour nous. Ce dialogue entre contemporain et ancien crée une dynamique fascinante."
Figuiers et rosiers
À la sérénité des intérieurs répondent des jardins bucoliques et parfumés. Au pluriel, car la maison est entourée de plusieurs écrins de verdure composés de figuiers, acacias, magnolias, jasmins, plantes grimpantes et buis. Des rosiers grimpants ajoutent une touche romantique, tandis que les arbres à kiwis offrent une ombre bienvenue. À l’arrière, une piscine est nichée entre d’imposantes haies de cyprès de quatre mètres de haut. Gregoir: "Leur hauteur a été pensée pour s’accorder parfaitement avec la piscine, qui mesure 16 mètres de long sur 4 mètres de large. Les proportions sont ainsi parfaitement équilibrées. J’aime ce genre de détails."
La cour intérieure ombragée recèle également un autre élément remarquable: une source d’eau potable. Gregoir: "Cet endroit ne cesse de nous émouvoir. Dès qu’on arrive ici, le regard est happé par cette gracieuse source, la végétation paradisiaque tout autour, puis cette magnifique maison. Nous pensions qu’avec le temps, l’émotion finirait par s’atténuer, mais il n’en est rien. À chaque fois, j’en ai la chair de poule."