Le golf le plus prestigieux du pays, à Knokke, se doit d'avoir la classe. Depuis près de cinq ans, l'architecte Dries Bonamie œuvre à sa rénovation. Sabato l'a rencontré.
Quoi? | Le Royal Zoute Golf Club a bénéficié d’une rénovation complète. Tant le club-house que le bar, le restaurant, la boutique, le jardin intérieur, l’accès au terrain de golf à l’arrière et le parking des caddies et des VIP ont été réaménagés dans le respect de l’architecture d’origine.
Qui? | Dries Bonamie, un architecte discret spécialisé dans les projets de restauration et de reconversion haut de gamme, ainsi que dans les nouvelles constructions résidentielles.
Inspiration? | "J’essaie d’être le plus possible à l’écoute du bâtiment."
Signe distinctif? | Les peintures d’Edgard Tytgat parfaitement restaurées et l’aménagement paysager autour du club-house.
Autres réalisations à Knokke? | Deux restaurations de fermes classées et leurs dépendances, sur la Hazengrasstraat et la Graaf Jansdijk, une nouvelle ferme à De Vrede et une rénovation dans la Kapellaan.
Lien avec Knokke | "Je ne suis pas (encore) golfeur et je n’ai pas grandi à Knokke."
Existe-t-il à Knokke un endroit plus "touchy" à rénover que le Royal Zoute Golf Club? Nous en doutons. Lorsque Dries Bonamie, architecte à Beernem, a remporté le concours pour le projet du club-house et de l’hôtel, en 2018, un travail de rénovation très délicat qui allait durer près de cinq ans l’attendait. "Le permis de bâtir a été approuvé en septembre 2019 et les travaux de gros œuvre ont commencé en février 2020. Les derniers travaux viennent d’être achevés, avec le parking des caddies et des VIP, la nouvelle roseraie dans le jardin, l’aménagement de la réception et du rond-point, explique Bonamie. Le Golf est non seulement un monument protégé, mais aussi une institution riche d’une histoire impressionnante. On ne peut pas en faire ce que l’on veut. L’atmosphère et l’authenticité du club sont uniques et demandent une approche sur mesure. Mais une mise à jour s’imposait d’urgence: au cours des 30 dernières années, presque rien n’avait été fait."
"Le Golf est non seulement un monument protégé, mais aussi une institution riche d’une histoire impressionnante."Dries Bonamie
Heureusement, Bonamie est tout sauf un iconoclaste. D’ailleurs, un tel profil n’aurait jamais gagné la confiance du propriétaire, la Compagnie Het Zoute. "J’ai restauré et rafraîchi le complexe de bâtiments existants et ajouté quelques éléments architecturaux contemporains comme la nouvelle cuisine, la réception et l’extension de la boutique. Tout le monde n’a pas été d’emblée favorable à ce projet, y compris le bourgmestre Lippens, mais, au fur et à mesure de l’évolution du bâtiment et de son environnement, il a été de plus en plus apprécié. Je suis resté humble par rapport au complexe de bâtiments existants de style régionaliste. Les ajouts minimalistes s’intègrent harmonieusement dans l’architecture d’origine. Je ne voulais pas non plus ajouter quelque chose qui serait démodé dans 15 ans: le caractère intemporel est très important dans mes projets."
Jusqu’au rond-point
Un acte audacieux: dans leur pitch pour le concours, Dries Bonamie et son équipe ont d’emblée inclus l’aménagement paysager dans leur proposition, alors que ce n’était pas l’intention, et encore moins la demande. "Mais pour moi, c’est l’un des éléments essentiels pour créer une atmosphère générale cohérente. La ligne architecturale doit être étendue de l’intérieur vers l’extérieur, explique l’architecte. Je suis autodidacte en matière d’architecture paysagère. Je n’ai pas la prétention de rivaliser avec les grands noms, mais depuis toujours, nous cherchons à concilier l’architecture et l’environnement. J’ai déjà conçu plusieurs jardins paysagers, dont actuellement un jardin-parc exceptionnel qui fait partie d’un domaine privé de 73 hectares à Wingene où nous restaurons également la conciergerie, le pavillon de chasse néogothique et la résidence."
Pour le Golf, Bonamie a également conçu des éléments paysagers. Les voies d’accès, les chemins et les terrasses ont été réaménagés. Le parking pour les caddies et les VIP a été développé et des ensembles de houx et une merveilleuse roseraie ont été plantés. "Même le rond-point au bout de la Sparrendreef s’est retrouvé sur notre table à dessin, vue comme extension de mon concept. Et la commune de Knokke a adhéré à notre idée. La réception initiale ne correspondait pas à la classe que doit avoir le club de golf le plus prestigieux du pays."
"Même le rond-point au bout de la Sparrendreef s’est retrouvé sur notre table à dessin."Dries Bonamie
Architecte discret
Dries Bonamie n’est pas un habitué de Knokke, ni un membre du Royal Zoute Golf Club. "Je ne joue même pas au golf. Heureusement, ce n’était pas une condition requise pour ce projet!, s’exclame-t-il en riant. Mais ce sport m’intrigue: il demande une finesse comparable à l’approche d’une mission architecturale."
Si le nom de Dries Bonamie ne vous dit rien, ce n’est pas étonnant: cet architecte spécialisé dans la restauration, la conservation et la construction neuve qui exerce à un niveau d’excellence depuis 24 ans préfère rester discret. Dans son créneau, le bouche-à-oreille est beaucoup plus efficace qu’une publication. Son palmarès est principalement composé de grands projets privés pour des clients qui apprécient son approche extrêmement discrète et précise. Il s’est brièvement retrouvé sous les projecteurs en 2014, quand il a transformé le Hof de Pleyne à Loppem pour en faire le restaurant étoilé Hertog Jan.
Le Royal Golf du Zoute est une de ses rares commandes publiques. "Nous avons bénéficié d’une très grande confiance de la part de la Compagnie Het Zoute, du président du Golf, Philippe Van de Vyvere, et du directeur, Jos Vankriekelsvenne. Ce sont eux qui ont joué un rôle clé dans ce dossier. Répondre à leurs attentes constituait le plus grand défi de cette mission. Leur satisfaction est gratifiante", commente-t-il. "Pendant les travaux, c’était amusant d’écouter les commentaires des golfeurs. ‘Mais c’est horrible’, ai-je entendu à plusieurs reprises lorsque je travaillais sur le nouveau bâtiment. Mais on ne juge pas une nouvelle coupe de cheveux tant que le coiffeur n’a pas terminé, n’est-ce pas? On attend qu’il ait fini pour juger du résultat."
Résidence privée
Peu de gens savent que le club-house du Royal Zoute Golf Club était à l’origine une résidence privée. La villa ‘Maeger Scorre’ a été construite en 1928 pour Frans-Jan Thys, un avocat bruxellois. Ce n’est qu’en 1946, quand elle a été vendue, qu’elle a été transformée en club-house pour les membres du nouveau golf. Le nom de l’architecte d’origine, Mario Knauer, est encore gravé dans le portail d’entrée et les peintures qu’Edgard Tytgat a réalisées pour l’intérieur de Thys en 1929-1930 sont toujours là. Elles sont aujourd’hui dans le bar et le restaurant. "Ces œuvres sont également protégées et ont été soigneusement restaurées."
L’œuvre d’art qui trône dans la cour, une impressionnante installation de Bernar Venet, n’était évidemment pas d’origine sur le site, mais elle n’a pas non plus été suggérée par Bonamie et son équipe. "Elle a été placée là en guise d’eye-catcher lors du Zoute Rally. Un emplacement temporaire, en somme, mais j’espère qu’elle y restera. Elle donne très bien à cet endroit."
Une capsule temporelle
De nombreuses interventions de Dries Bonamie jouent à cache-cache avec l’histoire, au point qu’on ne les remarque pas. Pour lui, c’est un compliment. Tous les pavés de la cour ont été repositionnés suivant le motif d’origine. La roseraie, avec ses variétés de roses françaises et anglaises, entièrement neuve, semble avoir toujours été là.
Lorsqu’on entre dans le club-house par le jardin intérieur, on a l’impression de pénétrer dans une capsule temporelle. Si l’on n’y prête pas attention, on ne remarque même pas que le bar a été rénové. "Nous voulions le laisser dans son jus. Cependant, l’ancienne moquette verte a été remplacée, à l’identique. Des plafonds acoustiques ont été installés, et passent inaperçus. Dans le restaurant adjacent, nous avons travaillé avec des teintes intemporelles, qui ne détournent pas l’attention de l’attraction, soit le terrain de golf proprement dit", détaille Bonamie.
Style classique
"Mon intention n’était pas de concevoir un intérieur excentrique avec des couleurs ou des imprimés loufoques. Dans un bâtiment comme celui du Royal Zoute Golf Club, je ne pense pas que cela soit approprié. Pour moi, tout est question de dosage et de respect, pas de choc."
Quand on monte les escaliers pour aller vers les 10 chambres d’hôtel, l’intervention de Bonamie est beaucoup plus perceptible. Le style reste classique et anglais, mais, à l’exception de l’escalier, tout est neuf. "L’étage supérieur a été entièrement transformé pour rénover complètement la partie hôtel, explique-t-il. Sur le plan technique et de la sécurité incendie, plus rien n’était conforme. Et les chambres sont devenues plus luxueuses."
Le coût total de la rénovation et de la restauration? Bonamie préfère également rester discret à ce sujet, tout comme il l’est concernant ses clients. "Ce genre de projet est une création qui demande un enthousiasme particulier. On s’y consacre du matin au soir."