La ruine contemporaine à Ibiza signée Axel Vervoordt

L’entrepreneur immobilier Johan Vandendriessche a un faible pour les monuments historiques. À Ibiza, il a fait ériger une maison style ruine contemporaine, un projet qui figure dans ‘Portraits d’intérieur’, le nouvel ouvrage d’Axel Vervoordt. "On dirait que cette maison a toujours été là."

Il fait un rapide calcul: cette maison à Ibiza est le sixième projet commun de Johan Vandendriessche (72 ans) et de l’architecte d’intérieur Axel Vervoordt. "Une fois de plus, Axel m’a surpris par la façon dont il a interprété l’âme de l’île et du lieu", déclare l’entrepreneur. Son nouveau projet à Ibiza fait penser à une ruine de forteresse restaurée.

En incorporant des parties de colonnes anciennes, des grandes pierres sur les sols et une pièce d’eau, l’Anversois a choisi d’évoquer l’atmosphère des sites archéologiques du temps des Phéniciens, un peuple venu du Levant qui s’installa à Ibiza vers 650 avant J.-C.

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©Laziz Hamani

"On dirait que la maison a toujours été là", déclare le maître d’ouvrage. "Elle fait corps avec l’endroit. Avec l’architecte japonais Tatsuro Miki et d’architectes locaux, Axel a conçu une maison où l’on ne sait jamais vraiment si on se trouve à l’intérieur ou à l’extérieur. On dirait presque une grotte habitable, creusée dans la roche. Le paysage est d’une telle beauté que l’architecture se doit d’être humble. C’est la maison qui se plie à la nature, et non l’inverse."

Roches et terres locales

L’entrepreneur belge n’aurait jamais imaginé qu’un jour, il se retrouverait à Ibiza. "Sur cette île, on retrouve l’ambiance de Knokke, d’Ostende, de Blankenberge et de Marbella. On le constate d’ailleurs à la diversité de ceux qui montent dans l’avion. Mais, en ce qui me concerne, toutes ces fêtes ne me disent rien", sourit l’homme qui, avec VDD Project Development, a investi, au cours de ces quatre dernières années, 300 millions de dollars dans la reconversion de bâtiments historiques en immobilier à usage mixte.

En incorporant d’anciennes colonnes et dalles de pierre, Axel Vervoordt a créé une ambiance style “site archéologique du temps des Phéniciens” alors que la maison est neuve.
En incorporant d’anciennes colonnes et dalles de pierre, Axel Vervoordt a créé une ambiance style “site archéologique du temps des Phéniciens” alors que la maison est neuve.
©Laziz Hamani

"Je voulais juste un endroit relax pour me ressourcer, avec du soleil toute l’année. Même en hiver, nous pouvons déjeuner dehors: on ne peut pas rêver mieux! Notre choix devait répondre aux conditions suivantes: pas plus de deux heures de vol et à un quart d’heure de route de l’aéroport. Je dois dire qu’il a fallu s’habituer à prendre ses repas les pieds dans le sable! Maintenant, c’est fait: j’apprécie cette atmosphère détendue. Ici, la vie est simple. J’essaie de venir un week-end par mois, mais avec les nouveaux projets immobiliers qui se pointent, ce n’est pas évident."

Nature et découvertes

Ce sont les propriétaires d’Inditex, l’entreprise textile espagnole où sont logées les marques Zara, Massimo Dutti et Uterquë, avec lesquelles Vandendriessche a travaillé pendant de nombreuses années, qui l’ont convaincu d’aller voir l’île espagnole. À Es Cubells, le Knokke-le-Zoute d’Ibiza, il est tombé sur un terrain rocheux de 12 hectares avec vue sur mer, en pleine nature.

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©Laziz Hamani

"La maison a été construite en pierres taillées dans la roche. Nous avons volontairement creusé une ouverture dans le mur du jardin afin d’encadrer ces rochers, comme une peinture. Nous avons aussi beaucoup travaillé avec des terres locales: à l’intérieur, ces teintes ocre, chaudes et naturelles, sont reprises sur les murs et les coussins.

Les sols en dalles rugueuses ont été un élément clé du projet: elles ont été importées d’Italie et placées de sorte qu’on a l’impression qu’elles sont là depuis toujours." Le jardin a été aménagé par Peter Wirtz, dans la même philosophie de restauration: il n’a pas planté d’exubérantes plates-bandes, mais des pins indigènes adultes qui se fondent dans le paysage.

©Laziz Hamani

Connaissant Vervoordt et Vandendriessche, il y a, bien sûr, aussi de la place pour de l’art, mais sans transformer la demeure en galerie d’art. "Les œuvres ont été intégrées avec parcimonie. Et si elles détournaient trop l’attention de la vue, tant pis: nous les avons retirées. On ne peut pas rivaliser avec la nature", déclare le Belge.

Nous découvrons des œuvres de Bosco Sodi, Ryuji Tanaka, Masatoshi Masanobu, Raku, Imaï et Dominique Stroobant, mais aussi des objets archéologiques venus de Grèce, d’Israël, d’Égypte et d’Italie. Dans le cloître, qui fait référence à l’architecture de la maison historique que Vandendriessche possède à Bellem, en Flandre orientale, sont exposés les papiers de Sadaharu Horio, qui dissimulent des espaces de rangement.

©Laziz Hamani

D’Unesco à casco

Le promoteur immobilier Johan Vandendriessche et Axel Vervoordt sont des amis de longue date, et leurs entreprises aussi entretiennent des liens, professionnels cette fois. En 2008, Vandendriessche a participé financièrement au projet immobilier de Vervoordt à Wijnegem, Kanaal, et, à son tour, ce dernier a soutenu le projet The Dome, un bâtiment historique (l’ancien immeuble Actiris) de la place de la Bourse à Bruxelles que l’entrepreneur ambitionne de reconvertir en bâtiment à usage mixte: un Eataly, un Delhaize, un espace de coworking Fosbury & Sons et 60 appartements de coliving.

"Nous avons opté pour le bureau d’architectes gantois Coussée & Goris, qui a aussi rénové une partie de Kanaal", explique-t-il. "Nous avons remporté le concours contre les 16 plus grands noms du développement immobilier alors que nous sommes un nouvel acteur. Avec un projet de voitures électriques partagées, 200 vélos partagés, un jardin sur le toit et un potager", précise-t-il. "La demande de permis de bâtir a été déposée."

©Laziz Hamani

Dans une vie antérieure, il s’est consacré à l’immobilier retail et commercial dans des emplacements de premier plan (où il a également installé des magasins du groupe Inditex). VDD Project Development s’intéresse exclusivement aux biens immobiliers urbains monumentaux et historiques, dans le but de leur apporter une nouvelle dynamique.

"Il n’y a plus de religieuses dans les couvents et plus aucun soldat ne vivra dans une caserne. Il est donc justifié de réaffecter ces lieux. Seulement, la plupart des promoteurs n’y ont pas accès, parce que les permis et les procédures patrimoniales prennent énormément de temps", explique-t-il.

©Laziz Hamani

"Dès nos deux premiers projets à Bruges, Hof de Gros et KBC Bruges, nous avons constaté qu’il y avait une forte demande d’habitations de qualité dans un monument urbain. Nous travaillons actuellement sur les projets ‘Weylerkazerne’ et ‘Huis van Hamme’ à Bruges, ‘Mérode’ au parc Tenbosch à Ixelles, le site ‘Gesù’ au Botanique à Bruxelles, ainsi qu’à un bâtiment Belle Époque à Nieuport-Bains, en collaboration avec l’architecte britannique David Chipperfield."

Pourquoi une telle effervescence? N’aurait-il pas tout simplement pu profiter de sa splendide maison d’Ibiza? "Oui, je pourrais arrêter d’entreprendre, mais c’est plus fort que moi!" 

Axel Vervoordt, ‘Portraits d’intérieur’, 320 pages, 65 euros, aux éditions Flammarion.

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