Le premier gratte-ciel en bois de Belgique sera construit à Anvers

L’architecte japonais Shigeru Ban a dessiné les plans d'une tour résidentielle en bois à Anvers. Un projet qui s'inscrit dans une tendance mondiale. Plus durables, les bâtiments en bois seront également bientôt moins chers que les constructions en acier et en béton. Le concept n'est toutefois pas sans risques.

Le plus haut gratte-ciel en bois du monde? Non, il ne se trouve pas à New York, Londres ou Tokyo, mais à Brumunddal, une ville norvégienne de moins de dix mille âmes, entourée de terres agricoles. C’est ici, à une centaine de kilomètres au nord d’Oslo, que la Mjøstårnet, une tour de 85,5 mètres de haut construite entièrement en bois, domine sereinement l’horizon, depuis l’an dernier.

"On veut montrer que c’est possible et, ainsi, inspirer les autres."
Øystein Elgsaas
Partenaire de Voll Arkitekter
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La Mjøstårnet compte dix-huit étages. Elle est érigée au bord du lac Mjøsa et abrite des logements privés, des espaces de bureau et un hôtel au nom très bien choisi, Wood Hotel. Grâce à elle, la petite ville de Brumunddal est inscrite sur la carte du monde, prouvant que le bois peut constituer une alternative durable à l’acier et au béton.

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“Pour attirer l’attention, il faut construire haut!”, conclut Øystein Elgsaas, un des partenaires de l’agence qui a conçu la Mjøstårnet, Voll Arkitekter. “Si vous pouvez affirmer que vous avez le plus haut bâtiment en bois du monde, tous les regards se tourneront vers vous. Vous attirerez l’attention et vous susciterez de l’intérêt pour cette technologie. C’est le principal objectif de ce projet: montrer que c’est possible et, ainsi, inspirer les autres.”

Mjøstårnet, Brumunddal, Norvège.
Mjøstårnet, Brumunddal, Norvège.

Le bois prend de la hauteur

Si pendant longtemps, les hauts bâtiments en bois n’étaient qu’un exercice pour architectes, ces dernières années, l’attitude envers la technologie et le matériau a changé. Partout, des constructions en bois fleurissent. Comme le HoHo Wien, un projet à usage mixte qui vient d’ouvrir ses portes dans la capitale autrichienne, Vienne, et affiche seulement un mètre et demi de moins que la Mjøstårnet.

Dans la ville canadienne de Vancouver, c’est une résidence estudiantine en bois qui culmine à 52 mètres de haut. Une tour résidentielle à la structure hybride -acier, béton et bois-, une création de l’architecte japonais Shigeru Ban, qui a remporté en 2014 le prix Pritzker, y sera également inaugurée prochainement.

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"Pour nous, le CLT est le matériau de construction du futur."
Roel Wouters
Directeur de projet chez Triple Living

C’est cette formule hybride qui sera utilisée à partir de 2022 par l’architecte japonais à Anvers, dans le quartier résidentiel durable Nieuw Zuid. La tour résidentielle de 80 mètres de haut, un projet du promoteur immobilier Triple Living, sera érigée en 24 mois par la société belge WoodShapers.

“C’est à qui construira la plus haute tour en bois”, déclare Roel Wouters, directeur de projet de Shigeru Ban chez Triple Living. “Nous voulons avant tout faire un statement, prouver que les tours durables sont possibles. Pour nous, le CLT est le matériau de construction du futur.

L’architecte japonais Shigeru Ban signe une tour résidentielle de 80 mètres de haut à Anvers.
L’architecte japonais Shigeru Ban signe une tour résidentielle de 80 mètres de haut à Anvers.

Plus durable

CLT est l’abréviation de "Cross Laminated Timber", ou bois lamellé-croisé. Concrètement, les couches sont croisées à nonante degrés, collées entre elles puis soumises à une pression extrêmement élevée pour former des poutres ou des panneaux géants. Les partisans de la construction de tours en bois lamellé-croisé affirment que cette technologie permet de construire plus rapidement et plus solidement.

En outre, ces dernières années, la construction en bois est peut-être aussi devenue plus prisée parce qu’elle est plus respectueuse de l’environnement. La construction traditionnelle et la maintenance de grands bâtiments et maisons génèrent 40 % de la consommation d’énergie mondiale et un tiers de tous les gaz à effet de serre.

Alors que le béton émet d’importantes quantités de CO2, les arbres l’absorbent et quand ces mêmes arbres sont transformés en bois lamellé-croisé, ils retiennent ce CO2, l’empêchant de retourner dans la nature, comme c’est le cas lorsqu’un arbre meurt. Certaines études indiquent qu’un seul mètre cube de bois peut stocker plus d’une tonne de CO2. Les promoteurs de l’immeuble résidentiel Ascent aux États-Unis affirment même qu’en termes de gains de CO2, leur projet en bois peut être comparé au retrait de 2.100 voitures de la circulation.

Ce que confirme Elgsaas de Voll Arkitekter: “Si vous abattez un arbre au bon âge, quand il a pratiquement absorbé la quantité maximale de CO2 et ne peut plus vraiment pousser, la meilleure solution consiste à l’utiliser comme matériau de construction. En l’utilisant pour ériger un bâtiment, avec des techniques lui garantissant une longue durée de vie, on garde ce CO2 hors de l’atmosphère pendant des générations.

L’immeuble HoHo Wien, qui vient d’ouvrir ses portes, culmine à 84 mètres de haut.
L’immeuble HoHo Wien, qui vient d’ouvrir ses portes, culmine à 84 mètres de haut.
©KiTO / Michael Baumgartner

Moins cher

Le bois lamellé-croisé n’est pas un nouveau matériau de construction. En Allemagne et en Autriche, il est utilisé depuis les années 1990 pour construire des maisons unifamiliales, et ses avantages écologiques sont également connus depuis un certain temps. Alors pourquoi cet intérêt soudain et grandissant pour le CLT dans la construction de tours?

Selon l’architecte canadien Michael Green, c’est lié au prix de revient. “Plus la méthode est appliquée, plus il y a d’usines qui fabriquent du CLT. L’offre étant plus importante, cela entraîne une plus grande concurrence et une meilleure connaissance de ce type de construction. Il est donc normal que le prix du lamellé-croisé baisse et qu’ainsi, son utilisation devienne plus courante.”

"Alors que jusqu’à présent, les demandes de nouvelles constructions en bois entraient au compte-gouttes, aujourd’hui elles affluent."
Ivan Van den Broeck
Gérant de CLT-S

Ivan Van den Broeck, gérant de CLT-S, une entreprise belge spécialisée dans la construction de tours en bois, est aussi de cet avis. “Pour nous, la motivation principale n’est pas l’aspect écologique”, déclare celui qui, pour l’instant, détient le record du plus haut bâtiment en bois achevé de Belgique, un centre résidentiel médicalisé de 40 mètres de haut et de 12 étages à Geel, dans la province d’Anvers.

“Le CLT permet de construire plus rapidement, car il permet de faire de la modélisation virtuelle très précise. De plus, la construction de gratte-ciels en bois nécessite moins de personnel sur le chantier, ce qui nous permet de continuer à travailler malgré les contraintes liées à cette période de confinement. Alors que jusqu’à présent, les demandes de nouvelles constructions en bois entraient au compte-gouttes, aujourd’hui elles affluent. Le bois n’est plus un produit de niche.”

Alphabet, la holding de la société Google, en a également pris conscience. Le géant de la tech a chargé l’architecte Green de concevoir une nouvelle identité à tout un quartier de Toronto, la plus grande ville du Canada, en y érigeant 12 bâtiments en bois de 10 à 35 étages.

Le cabinet d’architecte britannique PLP Architecture va construire trois tours en bois, dont une de 298 mètres, au cœur de Londres. Et, au Japon, on voit plus grand et plus haut: le promoteur immobilier Sumitomo Forestry, spécialisé dans les constructions en bois, prévoit d’investir un peu plus de 5 milliards d’euros dans une tour en bois qui devrait être achevée d’ici 2041. Le gratte-ciel culminerait à une hauteur vertigineuse de 347 mètres!

PLP Architecture a établi les plans pour trois tours en bois, dont une de 298 mètres au cœur de Londres: le Oakwood Timber Tower.
PLP Architecture a établi les plans pour trois tours en bois, dont une de 298 mètres au cœur de Londres: le Oakwood Timber Tower.
©PLP Architecture

Évaluer la sécurité

Cependant, ce concept fait aussi l’objet d’un certain scepticisme. Selon certains architectes, nous ne savons pas du tout comment les tours en bois réagiraient à long terme à des défis tels que conditions climatiques extrêmes, termites ou humidité.

Sans parler du feu: “Le bois est un matériau qui n’a pas encore fait ses preuves et qui comporte des risques d’incendie majeurs, en particulier dans les hautes tours”, déclare le lobby international du béton, dont on peut douter de l’objectivité. “Même si vous équipez une tour entière de sprinklers, ils ne suffiront pas à empêcher un incendie de se propager dans le bâtiment en bois.”

“C’est la massivité apparente d’un bâtiment qui détermine la confiance que nous plaçons en lui”, rétorque Van den Broeck. En raison de la complexité des règles, la tour de Geel ne compte finalement que 12 étages au lieu des 15 prévus. La tour résidentielle du site du Nieuw Zuid à Anvers n’a également été autorisée qu’après toute une série d’adaptations du projet original.

Alors qu’initialement, le bâtiment devait être construit entièrement en bois, un avis négatif des pompiers a imposé une solution hybride, soit l’ajout d’une structure de soutènement en béton. Wouters, directeur du projet, espère cependant que ce dernier point pourra encore être revu. “Comme nous ne commencerons la construction qu’en 2022, nous continuerons à chercher le moyen de la réaliser entièrement en bois. La technologie évolue à une vitesse fulgurante.”

L’architecte Elgsaas trouve que l’argument selon lequel le bois serait moins sûr que l’acier et le béton est absurde. “Nous savons que le bois brûle de manière très prévisible. Un sol en CLT de 20 cm d’épaisseur peut facilement résister aux flammes pendant deux heures, alors que l’acier peut s’effondrer lor d’un incendie.”

Le promoteur Sumitomo Forestry a l’ambition de bâtir, à Tokyo, un gratte-ciel en bois de 347 mètres avant 2041.
Le promoteur Sumitomo Forestry a l’ambition de bâtir, à Tokyo, un gratte-ciel en bois de 347 mètres avant 2041.
©Sumitomo Forestry

Moins de stress

"Le bois aide à créer un environnement dans lequel les gens sont moins stressés, ont meilleure santé et sont plus dynamiques."
Michael Green
Architecte canadien

“Indépendamment des aspects techniques, il est urgent de redéfinir certains concepts, comme celui de modernité par exemple”, déclare l’architecte Green. “Il y a des siècles, on construisait déjà de gigantesques bâtiments en bois, et partout dans le monde. Ce n’est que quand le béton a été inventé qu’on a arrêté de le faire et c’est dommage. "

"Nous devons réfléchir davantage à ce qui procure un sentiment de confort et, ainsi, créer des environnements dans lesquels les gens éprouvent moins de stress, restent en meilleure santé et sont plus actifs. Le bois est un matériau qui peut jouer un rôle important à cet égard.”

Cet avis est corroboré par une étude autrichienne, qui a démontré que les élèves qui étudient dans une classe en bois sont plus détendus et dorment mieux que ceux qui sont dans des bâtiments en matériaux traditionnels, brique et béton. Les futurs occupants d’un appartement dans la tour résidentielle en bois de l’architecte Shigeru Ban à Anvers seront-ils les plus relax du pays?

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