Pierre Yovanovitch métamorphose un hôtel de maître à Bruxelles

La première vente aux enchères à Bruxelles de la maison française Piasa aura lieu le 26 juin à La Patinoire Royale, dont le bâtiment comme la scénographie sont signés Pierre Yovanovitch. La dernière oeuvre d'art totale dans la capitale de l'architecte d'intérieur parisien est un hôtel de maître qui mêle l'art à la couleur avec un savoir-faire sophistiqué.

Pierre Yovanovitch n'est plus inconnu à Bruxelles. En 2015, l'architecte d'intérieur français avait fait de La Patinoire Royale la plus grande galerie d'art du pays. Depuis, l'ancienne patinoire pour patins à roulettes construite en 1877, propriété de Valérie Bach et de son époux, Philippe Austruy, propose un ambitieux programme d'expositions-vente, souvent de niveau muséal. L'espace se prête également à des expositions ou événements de tiers. La maison de ventes aux enchères parisienne Piasa a, elle aussi, trouvé le chemin de Bruxelles et compte désormais organiser trois fois par an une vente aux enchères à La Patinoire Royale. La première est placée sous le signe du design scandinave, brésilien et américain et du verre vénitien.

La première vente aux enchères de design, qui aura lieu le 26 juin, sera aussi un retour aux sources pour Yovanovitch et son équipe de 30 personnes: en effet, ce sont eux qui ont conçu la scénographie des journées d'exposition. "C'est une architecture temporaire qui doit créer de l'impact", précise l'architecte d'intérieur parisien. "Nous avons procédé de manière un peu plus théâtrale, ludique et audacieuse que pour une habitation privée."

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La cage d'escalier

Pourtant, la maison privée bruxelloise que le Parisien a récemment signée est bel et bien complexe et théâtrale. En dehors de la façade classée, il n'a rien gardé de l'architecture de la fin du XIXème siècle. "Nous n'avons même pas gardé la façade arrière. La maison comportait très peu d'éléments architecturaux authentiques particuliers, car elle avait été transformée à plusieurs reprises au fil des ans et, la dernière fois, en bureaux."

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La cage d'escalier monumentale est impressionnante, au point que le propriétaire y a placé un mobile de Alexander Calder.
La cage d'escalier monumentale est impressionnante, au point que le propriétaire y a placé un mobile de Alexander Calder.
©José Alorda

La cage d'escalier est la plus grande transformation et aussi la plus expressive. Il a dessiné une monumentale cage d'escalier drapant les étages à la manière d'une robe haute couture fluide. Le lien avec le Musée Guggenheim de New York est évident. "Pour moi, la cage d'escalier est un volume théâtralisé. La sculpture d'Alexander Calder qui y est exposée a été achetée spécialement pour elle par le propriétaire. C'est l'architecture qui lui a inspiré ce mobile ludique qui évolue dans le vide."

©José Alorda

L'espace est couronné par un vitrail graphique qui projette des taches de couleur dans la maison. "L'ancien escalier ne menait pas à l'étage supérieur! Maintenant, la cage d'escalier constitue la colonne vertébrale de la maison", détaille l'architecte. "Elle diffuse la lumière zénithale à tous les niveaux."

Typiquement bruxellois

Jamais l'hôtel de maître n'avait été aussi éclairé. Et jamais l'intérieur n'avait été aussi luxueux. "Même les poignées de porte ont été conçues sur mesure", explique Yovanovitch. "Tout a été élaboré dans les moindres détails. Le résultat tend vers l'oeuvre d'art totale, à la manière d'Adolf Loos et des Wiener Werkstätte. Même si, bien entendu, je n'ai pas fait les éléments intérieurs vintage."

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La suspension est une pièce magnifique, signée Jeff Zimmermann.
La suspension est une pièce magnifique, signée Jeff Zimmermann.
©José Alorda

C'est aussi lui qui a sélectionné des pièces de design XXème moins évidentes - Axel Einar Hjorth, Paavo Tynell, Viggo Boesen et Svend Aage Holm Sørensen, qu'il a combinées avec du mobilier conçu par ses soins et des pièces uniques réalisées à la main de Paola Napoleone et Jeff Zimmermann, qui a créé le lustre suspendu au-dessus de la table.

L'écriture sophistiquée du Parisien est reconnaissable, même si, pour lui, cette réalisation n'est pas très "parisienne" ni très "Hamptons". "Ce projet est très bruxellois, comme le hall d'entrée avec cet ancien sol en terrazzo et mosaïque. Les volumes sont également caractéristiques de Bruxelles. Pour un Parisien, ces grandes maisons sont inhabituelles. Comme l'espace y est rare et donc, cher, ce type de maison est généralement divisé en appartements."

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La nuit en rose

Même en dehors de son exceptionnel escalier sculptural, ce projet est une réalisation importante pour Yovanovitch. Les propriétaires, un homme d'affaires belge et un mécène actif en Asie du Sud-Est, l'ont poussé à l'extrême, tant en termes de niveau de détails que de choix de matériaux et d'utilisation de la couleur.

©José Alorda

En effet, la couleur est étonnamment présente pour un projet signé Yovanovitch. Cage d'escalier blanc cassé, salon bleu roi, cuisine rouge corail, salle à manger rouille, la chambre à coucher, rose: ce n'est absolument pas ce à quoi son célèbre minimalisme nous a habitués. "Je dois continuer à me remettre en question et, surtout, éviter la répétition", explique-t-il. "La couleur prend de l'importance dans mon travail, je m'amuse énormément."

Les couleurs trahissent peut-être aussi le fait que Yovanovitch ne voulait pas envisager cette maison comme une toile blanche pour l'impressionnante collection d'art des propriétaires. Frida Kahlo, Stephan Balkenhol, Alberto Giacometti, Philippe Hiquily, David Altmejd, Henry Moore, Jonathan Horowitz: ces oeuvres fortes apparaissent presque par hasard. Elles se fondent dans l'architecture et les couleurs de l'intérieur, et n'absorbent pas toute l'attention.

"Nous avons d'abord conçu l'architecture, puis les oeuvres d'art y ont trouvé naturellement leur place. L'objectif n'était pas de faire de cette maison un musée. La richesse de ce projet est précisément l'intégration des collections: mobilier, sculpture et art." Le Parisien poursuit: "Les niches, les cheminées et les arcs que nous avons prévus sont accueillants pour l'art, tout comme la maison l'est pour les invités. Cette convivialité à tous les niveaux est essentielle. C'est d'ailleurs aussi typiquement belge; à Paris, cet esprit nous manque."

Meilleurs artisans

Ce qui, par contre, est typiquement français, c'est le niveau inégalé du savoir-faire. "Faire exécuter les détails de l'intérieur par les meilleurs artisans fait partie de notre histoire culturelle. Nous avons encore ce savoir-faire en main. Allez donc trouver de bons artisans aux États-Unis! Avec leur savoir-faire traditionnel dans le travail du bois, de la pierre naturelle ou du métal, les ateliers français savent transformer un intérieur en pièce unique", déclare Yovanovitch.

De nombreux éléments ont été spécialement conçus et fabriqués à la main, comme le banc plié en bois massif du menuisier Pierre Eloi Bris.
De nombreux éléments ont été spécialement conçus et fabriqués à la main, comme le banc plié en bois massif du menuisier Pierre Eloi Bris.
©José Alorda

"Pour cette maison, de nombreux éléments ont été spécialement conçus et fabriqués à la main, comme les cheminées courbes ou le banc plié en bois massif du menuisier Pierre Eloi Bris. Je suis heureux de pouvoir mettre de tels artisans au travail. Grâce à nos missions, leur exceptionnel métier n'est pas perdu. Je ne suis pas opposé à la production industrielle ni aux "machines à habiter", mais un savoir-faire manuel de cette qualité confère à un intérieur un raffinement impossible à égaler mécaniquement. On sent la main de l'homme. Et celui-ci reste le protagoniste dans la maison, quelle que soit la quantité d'art exposée."

Vente aux enchères de Piasa à Bruxelles

Les trois pièces préférées de Pierre Yovanovitch, choisies dans le catalogue de la première vente aux enchères de Piasa à Bruxelles.

Vente aux enchères de design Piasa: le 26 juin à La Patinoire Royale, Bruxelles. Les journées d'exposition, dans une scénographie de Pierre Yovanovitch, du 22 au 26 juin. www.piasa.fr

Banc en bois sculptural (2014) du jeune designer brésilien Zanini de Zanine (1978). Estimation: 10.000 à 15.000 euros.
Banc en bois sculptural (2014) du jeune designer brésilien Zanini de Zanine (1978). Estimation: 10.000 à 15.000 euros.
©rv
Paire de petits fauteuils (1938), Viggo Boesen (1907-1985). Estimation: 40.000 à 60.000 euros.
Paire de petits fauteuils (1938), Viggo Boesen (1907-1985). Estimation: 40.000 à 60.000 euros.
©rv
Chaise Holscher (1952) en métal et corde, Poul Kjaerholm (1929-1980). Estimation: 40.000 à 60.000 euros.
Chaise Holscher (1952) en métal et corde, Poul Kjaerholm (1929-1980). Estimation: 40.000 à 60.000 euros.
©rv

 

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