Kort

Ces derniers temps, on n’entendait plus parler du Grand. À juste titre, l’hôtel le plus prestigieux d’Amsterdam était en train de subir un lifting total. Le résultat est un succès, comme en témoigne une avalanche de prix : l’hôtel a été élu Netherlands Leading Hotel 2010. Encore plus convoité : le prix du Best Interior Design, attribué par des journalistes et des directeurs d’hôtel. Le Grand a notamment battu Le Meurice à Paris, le Monte Carlo Beach à Monaco et le Principe di Savoia à Milan. Bref, pas vraiment des petites pointures. Mais c’est justement pour cela qu’il s’appelle The Grand.

Effectivement, l’hôtel n’a pas volé son nom. Il a beau être constitué de tout un bloc au cœur des canaux amstellodamois, on passe toujours devant la porte d’entrée située Oudezijds Voorburgwal sans la voir, tant elle est bien cachée. Noblesse oblige. Dès qu’on l’a passée, on remarque l’entrée dans le jardin aux lignes sobres. Celle-ci possède une façade dans le plus pur style classique hollandais du milieu du 17ème siècle. Le bâtiment dit de l’Amirauté était le siège de la célèbre Compagnie des Indes Orientales des Provinces Unies, et fut même un palais royal pendant un certain temps. Pourtant, ce bâtiment ne constitue qu’une partie du Grand. Il y a encore le Prinsenhof, un bâtiment encore plus historique, s’il en est.

Le Prinsenhof, qui date de 1578, était conçu comme un logis pour les Princes et les Grands. Une affectation qu’il a gardée aujourd’hui, si ce n’est qu’il n’est plus nécessaire de porter un titre pour y accéder. Un portefeuille bien garni est par contre utile. Dans le vaste lobby, on peut admirer une voûte historique ornée de design moderne. Deux lustres majestueux, faits de papillons lumineux, dominent la scène. Sur le côté, une bibliothèque nous fait de l’œil autour d’un feu ouvert, l’esprit moderne balayant tout caractère désuet.

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Le prix de design n’est pas tombé du ciel. Depuis quelques années, l’hôtel appartient au groupe européen Sofitel, qui l’a propulsé deuxième Sofitel Legend du monde, après le Metropole à Hanoi. Pourtant, Sofitel se montre très parcimonieux dans l’attribution de son label Legend, un club très fermé d’établissements séculaires. Les bâtiments qui figurent sur la liste sont souvent dans des endroits de légende. Sont encore candidats au titre de Legend : l’Old Cataract à Assouan, le Winter Palace à Louxor et le Cecil à Alexandrie, tous trois en Egypte, ainsi que le Fèz Palais Jamaï, au Maroc, et le Santa Clara à Carthagène, en Colombie.

Les Pays-Bas avant tout

Dans le lobby nous attend le general manager Robert-Jan Woltering, un homme énergique qui a la stature pour travailler au port d’Amsterdam. En tant qu’Amstellodamois pur sang, il partage à la perfection son enthousiasme entre sa ville natale et son hôtel. Il avait précédemment travaillé à Paris, à Milan, à Prague et en Egypte. Mais le Grand et Amsterdam, c’est une autre paire de manches ! " D’un point de vue historique, il s’agit du plus beau joyau d’Europe, un véritable voyage dans le temps. Du 16ème siècle aux années d’avant-guerre, en passant par la grande époque de la Compagnie des Indes Orientales jusqu’à nos jours. "

En effet, la restauration a entièrement misé sur un mix de riche héritage historique, d’élégance française et de modernisme. En mêlant bâtiments séculaires et design contemporain haut de gamme, le Grand a pris des risques.

Une idée de l’architecte française Sybille de Margerie, qui s’est notamment chargée de l’Hôtel de Crillon à Paris et de l’hôtel Cheval Blanc à Courchevel. Son inspiration a permis au Grand de décrocher le très convoité Best Interior Design award, décerné à l’hôtel possédant le plus bel intérieur d’Europe. Woltering attire l’attention sur le caractère européen du groupe Sofitel, depuis quelques années propriétaire et responsable du renouveau complet de l’hôtel.

" Contrairement aux américains, nous n’aspirons pas à des hôtels standard, au contraire. Bien qu’il s’agisse d’une chaîne française et d’une architecte française, je suis fier que l’esprit d’Amsterdam et des Pays-Bas ait été conservé. " Des mots qui ont du sens. Dans l’immense hôtel, qui ne compte cependant que 177 chambres et suites, on en retrouve toute une série d’exemples. En de nombreux endroits, l’hôtel évoque la célèbre école d’Amsterdam, variante spéciale et très symétrique de l’Art Déco. De magnifiques vitraux ornent les cages d’escalier en marbre.

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Même pour la nouvelle approche, l’apport néerlandais contemporain n’a pas été oublié. Dans la Bibliothèque, l’architecte s’est inspiré d’éléments typiquement hollandais, comme les pavés gris foncé, les klinkers et les couleurs du marché aux fleurs d’Amsterdam. Dans le restaurant, c’est le peintre néerlandais Karel Appel qui est à l’honneur. Et pour l’aménagement des chambres, l’hôtel a fait appel à neuf étudiants de la prestigieuse Design Academy d’Eindhoven. On peut également admirer des œuvres du collectif néerlandais Droog Design.

MJ hot chocolate

Le manager Robert-Jan Woltering aurait facilement pu devenir guide touristique d’Amsterdam : l’histoire, l’âge d’or de la ville et l’historique du Grand n’ont aucun secret pour lui. Il nous emmène d’abord dans la Salle du Conseil, aujourd’hui l’une des dix-sept salles de réunion et des cinq salles classées monument historique.

Egalement un magnifique exemple de cette Ecole d’Amsterdam, auquel plusieurs artistes ont travaillé pour former un tout. Dans la salle trônent toujours les imposants sièges en bois massif du bourgmestre et des échevins. L’événement le plus mémorable ayant eu lieu dans cette salle fut le consentement civil échangé en 1966 par l’actuelle reine Beatrix et Claus von Amsberg. Dans l’hôtel, tout est mis en œuvre pour ne pas effacer l’impressionnant passé.

Robert-Jan Woltering nous conduit à une petite salle aussi remarquable qu’impressionnante, la Salle des Mariages première classe. Unique. Toute la pièce, plafond compris, ressemble à une fresque symbolique pleine de mystère et d’ésotérisme, baignée dans une lumière olive, turquoise et indigo. Un ensemble d’inspiration égyptienne, qui raconte le cycle de l’amour, de la vie et de la mort. Une pièce qui ne laisse personne indifférent, surtout quand on en connaît l’histoire.

" Tout ceci était l’œuvre de Chris Lebau, un artiste juif, anarchiste, végétarien et abstinent, décédé à Dachau en 1945. Lorsque les Allemands occupèrent l’hôtel, ils trouvèrent qu’il s’agissait d’entartere Kunst, d’art dégénéré. Heureusement, ils ne détruisirent pas les fresques, mais les recouvrirent de papier peint. La salle des mariages, aujourd’hui entièrement restaurée, est l’un des endroits les plus convoités des Pays-Bas pour se marier. En effet, il est encore possible d’y célébrer des mariages civils. Vous pouvez d’ailleurs faire le trajet de chez le notaire jusqu’ici en bateau. "

Le fait que les mariages y soient encore nombreux est également lié à l’histoire du bâtiment. Pendant 180 ans, le Prinsenhof a servi d’hôtel de ville, une affectation que l’on n’efface pas comme ça à Amsterdam. Mais il faut aussi mentionner une autre histoire, plus récente cette fois. Comme la suite dans laquelle Michael Jackson a séjourné, en 1996. D’ailleurs, le MJ Hot Chocolate figure à nouveau sur la carte. Un hommage à la pop star qui avait commandé au room service du chocolat chaud pour tous ses fans qui attendaient dehors dans le froid. Comme il se doit, The Grand avait accédé à ses désirs.

Le restaurant Bridges du Grand possède une entrée séparée. Il y a de bonnes raisons à cela. Le restaurant entend se faire sa propre réputation, indépendamment de l’hôtel. Mais l’entrée est aussi un hommage à l’artiste cobra Karel Appel : on longe une immense œuvre peinte de sa main sur le mur.

Un Appel au restaurant

Une peinture pas vraiment évidente pour un restaurant, car Vragende Kinderen représente des enfants mourant de faim. En 1949, la commune avait demandé à Karel Appel de réaliser une peinture destinée à ce qui était alors la cantine de l’hôtel de ville. Le résultat fut une composition de grandes surfaces de couleur dans lesquelles de vigoureuses lignes noires représentent les silhouettes d’enfants mourant de faim.

Cette composition est le fruit du vécu : lors d’un voyage en train à destination de Copenhague, Appel avait vu dans les gares des enfants allemands qui mendiaient de la nourriture. Il avait reçu 500 florins pour son œuvre, mais aujourd’hui, sa valeur est estimée entre 1,5 et 2 millions d’euros. A l’époque, les fonctionnaires de l’hôtel de ville la voyaient autrement : ils s’indignèrent et qualifièrent l’œuvre de laide, ridicule et tourmentée. Pas vraiment l’idéal au lunch.

Quelques mois après avoir été achevée, l’œuvre fut donc cachée derrière une cloison. Ce n’est qu’en 1959 qu’elle put revoir la lumière du jour. Elle a servi d’inspiration pour le nouveau décor du restaurant : pour les couleurs et les formes, Sybille de Margerie s’est entièrement inspirée de la peinture. En un an, sous la direction du chef français Aurélien Poirot, le Bridges est devenu le restaurant de poisson le plus couru d’Amsterdam. Même le très respecté chroniqueur gastronomique Johannes van Dam lui a octroyé un dix. Pas bon marché, mais le bar en croûte de sel est fantastique. A conseiller sans modération et sans ironie aux adultes affamés.

Hotel Sofitel Legend The Grand Amsterdam : Oudezijds Voorburgwal 197, 1012 EX Amsterdam, Pays-Bas, +31/20.55.53.111,

www.sofitel.com/gb/hotel-2783-sofitel-legend-the-grand-amsterdam/index.shtml

Á partir de 350 euros la chambre double

sans petit déjeuner.

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