Aurore Morisse ('Affaire conclue') donne ses adresses préférées à Liège

Sa sensibilité est décapante. Tout, dans son travail et sa vie, s'articule autour des cinq sens. À tel point qu'elle ne peut pas se contenter de toujours porter le même parfum: elle possède une cinquantaine de flacons, soigneusement rangés dans une boîte, qu'elle sélectionne chaque jour selon son humeur et la météo.

"Quand je dois restaurer un meuble, on me dit de mettre des gants, mais je refuse pour pouvoir le toucher. Mon métier est lié au fait de sentir les choses, je ne peux pas mettre un sens de côté. Je dois aussi écouter les gens, pour pouvoir transmettre l'histoire de leurs objets."

"Quand je vais au restaurant Baci, j'adore sentir la rampe d'escalier en chêne patiné sous mes doigts. Et lorsque je m'assois à ma table, je touche la nappe en tissu, les assiettes en céramique, les couverts... Tous ces objets ont été réfléchis, ça peut passer inaperçu et pourtant rien n'est laissé au hasard. Dans les restaurants, je retourne tout. Des gens ont déjà dû me voir retourner une chaise ou un fauteuil."

"Chez Chamick, en périphérie de Liège, je peux passer des heures à passer mes mains dans leurs stocks de tissus. J'en achète pour décorer mes vitrines."

"Demande à aller dans les back stocks avec Michel, le gérant. Il va t'amener dans un entrepôt immense contenant des millions de mètres de tissu. Il a des marques comme Armani, Dolce & Gabbana, qu'il rachète en gros. Tu peux acheter du tissu Dolce & Gabbana et demander à ta couturière de te faire un pantalon avec."

"Si je devais faire un deuxième métier, je serais nez."

"Le passage Lemonnier, où se trouve mon magasin, sent l'odeur de térébenthine. Souvent, mes clients me disent que ça leur fait penser à leur grand-mère, c'est une madeleine de Proust, une odeur très réconfortante. Le lieu chargé d'âme et d'histoires."

"Je suis une grande amatrice de chocolat. Dès que je voyage, je cherche le meilleur chocolatier. Chez Franz, on retrouve des saveurs qui me font voyager parmi les grands crus des fèves de chocolat, Équateur, Kenya, Indonésie… des pays que j'ai visités. La femme qui tient le lieu a repris le métier de ses parents et fait ses propres chocolats."

"La praline, on appelle ça 'un palais'. Quand tu vas chez un chocolatier, tu peux dire: 'je voudrais quelques palais', et il va être impressionné que tu connaisses l'expression."

"'Allant droit allant verre' est tenu par Sophie, une femme solaire et passionnée qui s'est reconvertie à 50 ans dans ce métier très masculinisé. Elle nous fait des dégustations à l'aveugle et nous donne envie de boire toutes les bouteilles."

"Elle connaît personnellement les viticulteurs et nous explique comment ils travaillent. Elle nous fait même des facetime avec eux pour qu'ils présentent le vin en direct. Impossible de faire un service plus personnalisé que ça."

"Le premier kot dans lequel j'ai habité se trouve dans la rue de ce bar, au-dessus de la maison des notaires. C'est donc, pour moi, une rue sentimentale et pleine d'histoires."

"Toutes ces plantes et livres bien rangés, c'est agréable à regarder. J'aime bien y aller juste pour me balader à l'intérieur. Tout est d'occasion et les vendeurs sont incollables, j'ai l'impression qu'ils ont lu tous les livres du magasin."

"Un jour, je leur ai demandé: 'je cherche un livre qui n'est pas féministe, mais parle de femmes, avec une histoire de déguisement et de renversement de pouvoir'. Et ils ont trouvé direct: le roman graphique 'Peau d'homme' de Hubert et Zanzim."

"Quand j'ai besoin d'un livre que je ne trouve pas d'occasion, je vais là-bas et c'est rare que je reparte avec juste un seul bouquin. La dernière fois, ils m'ont conseillé 'Je suis Pilgrim' de Terry Hayes. Maintenant, je n'arrive plus à le lâcher. Je ne me réjouis que d'une chose, c'est d'être ce soir pour bouquiner. Il fait plus de 800 pages!"

"Le propriétaire de cette petite boutique qui fait le coin de la rue Hors-Château est hyper connaisseur. C'est un fanatique de musiques en tout genre. Il est incollable. Lui aussi est un gars en reconversion qui a voulu faire un boulot qui lui plaît et ça se sent. Venir écouter des vinyles permet de s'échapper hors du temps."