Johan Creten | "Les gens préfèrent fixer un écran plutôt qu’interagir face à face"

Si vous suivez mon compte Instagram, vous connaissez la réponse: je suis toujours en mouvement, au point que l’on me surnomme parfois "The Clay Gipsy". Même quand je me plonge dans un livre, à la maison, j’ai l’impression de voyager. Lorsque je dois me rendre quelque part, je prends souvent le premier train du matin afin de ne pas perdre ma journée. Partir si tôt me transporte dans une réalité différente de celle de mon cocon artistique parisien.

La transformation fulgurante, inattendue et profonde du monde. Je pense à l’intelligence artificielle, mais aussi aux tendances politiques de plus en plus extrêmes, à la manipulation et à l’endoctrinement par Big Brother, ainsi qu’aux énormes changements sociologiques: de nos jours, les gens préfèrent fixer un écran plutôt qu’interagir face à face. Pour moi, cette transformation n’a pas que des aspects négatifs. Qu’allons-nous encore inventer dans un avenir proche grâce à l’intelligence artificielle? Cette technologie a un impact encore plus significatif que l’avènement de l’internet: c’est une nouvelle révolution industrielle qui va radicalement transformer le monde et notre société. Les possibilités sont infinies, ce qui la rend à la fois excitante et terrifiante. Je vois surtout son côté positif, mais je crains aussi que la technologie ne mène à notre autodestruction. Nous alimentons en informations une machine capable de nous broyer.

Le pouvoir addictif d’Instagram, avec son immense puissance aspirante et dévorante. Cette application nous scotche à l’écran d’une manière extrêmement intelligente: nous sommes aspirés par une machine. Cependant, j’utilise l’application tous les jours en tant qu’outil de communication.

À la place de qui j’aimerais me trouver? J’ai déjà du mal à être à la mienne! Je n’ai pas de réponse immédiate à cette question.

Pour moi, ce n’est pas une personne, mais plutôt "la profondeur d’une bibliothèque". J’étais récemment à Miami, où il n’y a presque plus de librairies et où les bibliothèques ferment. C’est dommageable, car le savoir est essentiel.

Pour mon exposition "How to explain the sculptures to an influencer?", je viens de réaliser un podcast sur Joseph Beuys (1921-1986). Le titre fait référence à la célèbre performance de Beuys "How to explain pictures to a dead hare?": cet artiste conceptuel allemand serait aujourd’hui un invité passionnant. Ses idées sur la sculpture sociale, l’engagement sociétal et l’écologie susciteraient un débat animé. Surtout si j’invitais quelques influenceurs, ainsi que l’artiste français Pierre Huyghe, un homme tourné vers l’avenir. L’un des thèmes que je souhaiterais aborder serait le suivant: comment pouvons-nous, en tant qu’artistes, survivre ou fonctionner dans un monde où les gens ont désormais une capacité d’attention maximale de 10 secondes?