L’amitié entre l’artiste Kasper Bosmans et le CEO amateur d’art Tanguy Van Quickenborne, semble désormais être gravée dans le marbre.
L’amitié entre l’artiste Kasper Bosmans et le CEO amateur d’art Tanguy Van Quickenborne, semble désormais être gravée dans le marbre.
© Alexander D'Hiet

Kasper Bosmans transforme la pierre naturelle à la Fondation CAB

L’année s’annonce riche pour Kasper Bosmans, qui est sur la shortlist du pavillon belge à la Biennale de Venise. La Fondation CAB, à Bruxelles, présente le fruit de sa résidence chez Van Den Weghe.

Chez Van Den Weghe, les artisans ont déjà donné vie aux idées les plus audacieuses en pierre naturelle, mais des arcs-en-ciel, des donuts, des chauves-souris, des cachalots ou des tortues en marbre, jamais. "Kasper Bosmans a même voulu intégrer un petit bassin rempli de sirop de menthe séché dans une de ses œuvres", se souvient Frederik Deprez, responsable de production. "Il a repoussé les limites techniques de notre atelier comme jamais auparavant."

Le résultat? Douze œuvres que l’on peut admirer lors de l’exposition solo qui lui est consacrée à la Fondation CAB à Bruxelles. Une coïncidence heureuse: il y a deux semaines, on apprenait qu’il faisait partie de la shortlist pour représenter la Belgique à la prochaine Biennale de Venise. "Ce n’est pas cette annonce qui a motivé notre collaboration avec Kasper. Nous apprécions son travail et c’est pour cela que nous avons décidé de faire de lui notre premier artiste en résidence", précise Tanguy Van Quickenborne, CEO de Van Den Weghe et collectionneur d’art passionné. "Pendant un an, nous lui avons ouvert les portes de notre atelier et mis à disposition nos équipes, nos pierres naturelles et notre savoir-faire. L’exposition à la Fondation CAB est l’aboutissement de ce projet."

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 L’artiste belge Kasper bosmans est fasciné par le cachalot, un cétacé unique en son genre.
L’artiste belge Kasper bosmans est fasciné par le cachalot, un cétacé unique en son genre.
© Alexander D'Hiet

Mécénat contemporain

Quand Kasper Bosmans (34 ans) entre dans l’atelier, on sent immédiatement l’amitié qui le lie à Tanguy Van Quickenborne. Ils vont même jusqu’à se vanner sur leur petite taille. "Il y a quinze ans, j’ai acheté ma première œuvre de Kasper, alors qu’il venait à peine de terminer ses études", se souvient Van Quickenborne. "En 2015, nous avons commencé à produire ses œuvres en marbre." Bosmans ajoute: "À l’époque, j’étais un jeune artiste sans le sou. Tanguy a été le premier à me dire ‘Viens, je vais te soutenir pour que tu puisses survivre et créer de nouvelles œuvres’. Le soutien est essentiel pour un artiste en début de carrière. Je lui en suis profondément reconnaissant."

Kasper Bosmans est officiellement le premier "artiste en résidence" chez Van Den Weghe; Paloma Bosquê sera la prochaine. Pourtant, cela fait des années que l’entreprise collabore de manière informelle avec des artistes souhaitant intégrer la pierre naturelle dans leurs créations - Pieter Vermeersch, Hannes Van Severen, Fien Muller, Otobong Nkanga, Kris Martin, Renato Nicolodi, Joris Van de Moortel, pour n’en citer que quelques-uns, tous ont bénéficié de ce soutien.

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"Nous aimons aider les artistes. Oui, c’est une forme de mécénat, car nous n’en tirons aucun profit financier. Nos employés ne sont pas en reste: ils sont ravis de pouvoir travailler sur un autre projet qu’un plan de travail de cuisine. Ce style de collaborations leur permettent de penser différemment, de sortir des sentiers battus. Pour des artistes comme Kasper, ils sont prêts à rendre possible l’impossible."

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L’amitié entre l’artiste Kasper Bosmans et le CEO amateur d’art Tanguy Van Quickenborne, semble désormais être gravée dans le marbre.
L’amitié entre l’artiste Kasper Bosmans et le CEO amateur d’art Tanguy Van Quickenborne, semble désormais être gravée dans le marbre.
© Alexander D'Hiet

Azul bahia

Rendre possible l’impossible c’est, par exemple, créer un patchwork complexe de douze types de marbre pour réaliser les arcs-en-ciel géants imaginés de Bosmans. Ce symbole LGBT par excellence évoque également les mandorles médiévales, ces auréoles en forme d’amande entourant le Christ ou la Vierge Marie. "Kasper commence par définir les formes qu’il souhaite et nous cherchons ensuite comment les découper. Nous lui proposons aussi les pierres naturelles qui correspondent le mieux à ses couleurs", explique Fredric Despiere, chargé de réaliser les idées de l’artiste. "Je sais qu’il aime particulièrement travailler avec un granit bleu rare du Brésil, l’azul bahia. Si nous en trouvons un morceau, nous le lui réservons. Et s’il a besoin d’une grande plaque, nous en découpons une spécialement pour lui."

"Si ma nièce de sept ans trouve que c’est beau, je suis heureux."
Kasper Bosmans

"Ici, je suis traité comme un roi", confie l’artiste. "Tanguy et Fredric sont mon premier public. Ils me donnent leur feed-back dès les premières étapes. Nous échangeons au sujet des œuvres en cours. Tous les deux ont une grande sensibilité artistique, mais aussi un œil pour le détail. L’entreprise Van Den Weghe est à la pointe de la technologie, autrement dit, tout doit être parfait. Moi, de mon côté, je peux imaginer en toute liberté. Cette combinaison de réalisme et d’idéalisme fonctionne à merveille. Ensemble, nous créons quelque chose de plus grand que la somme de nos talents."

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"Nous ne donnons qu’un conseil à Kasper: ‘Pense librement, ne te soucie pas des contraintes techniques, nous trouverons la solution’, poursuit Van Quickenborne. Bien sûr, d’autres entreprises pourraient produire ses œuvres, peut-être même à moindre coût, mais ont-elles la même compréhension de son récit, de sa philosophie, de son esthétique et de l’histoire de l’art en général? C’est là que nous faisons la différence: les artistes sentent que nous les comprenons. C’est pourquoi nous aimons tant ces projets artistiques parallèles."

Bosmans conclut: "Mes premières œuvres en marbre, en bronze ou en textile sont toutes le fruit du soutien d’entrepreneurs belges. C’est cela que je célèbre dans mon exposition à la Fondation CAB. La pierre naturelle est souvent perçue comme imposante, lourde et sérieuse, mais moi, je voulais la rendre légère. C’est pourquoi nous avons choisi des marbres qui semblent doux, translucides. Cela doit être une fête joyeuse, comme un arc-en-ciel recouvert d’une fine couche de sucre."

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Arcs-en-ciel, chauves-souris et cachalots: Kasper Bosmans rend la pierre naturelle ludique.
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© Alexander D'Hiet

Mille et une histoires

Kasper Bosmans est avant tout un conteur. Ses œuvres regorgent d’anecdotes folkloriques, de faits historiques, de légendes et de mythes issus de la nature et de la culture. Prenons l’exemple des cachalots, "sperm whales" en anglais. "Ce sont des animaux fascinants", explique-t-il. "Leur crâne contient du spermaceti, une substance cireuse que les fabricants de bougies utilisaient autrefois pour la qualité de sa luminosité. Leur crâne est conçu pour nager dans les profondeurs grâce à leur système de localisation par écho. Pour moi, cette transmission supersonique est de la pure poésie. Transformer cet animal magique en marbre suscite évidemment des discussions avec les artisans. Après une journée de travail, ils rentrent chez eux avec une histoire à raconter."

"Je collectionne les histoires, car elles cachent des traumatismes, de la douleur ou de l’amour. Mon imagination est comme une immense bibliothèque d’histoires sans queue ni tête. Dans ce chaos, chercher un sens ou une signification est vain. Aujourd’hui, nous sommes tous submergés par les récits, au point qu’on s’y perd, moi comme les autres. Pendant longtemps, j’ai cherché des réponses à mes interrogations sans jamais les trouver."

La pierre matrice

Que raconte la pierre naturelle dans l’œuvre de Bosmans? La choisit-il pour ses connotations historiques, pour son impact écologique ou pour son association au pouvoir et au prestige? "Honnêtement, mes choix ne sont pas toujours conceptuels. J’aime la breccia, cette roche où une ‘matrice’ cimentaire maintient des fragments irréguliers ensemble – matrice me fait penser à maternité. Bien sûr, je sais que le granit bleu est une fierté nationale du Brésil et qu’il consomme énormément d’énergie pour être extrait, transporté et transformé et mon exposition à la Fondation CAB aborde aussi ces questions de logistique et de transport. Un arc-en-ciel composé de pierres naturelles norvégiennes, brésiliennes, grecques et italiennes a la même magie que les églises médiévales en pierre volcanique importée de la région de l’Eifel. Tout cela est présent dans mon travail, mais de manière subtile. On commence par en profiter visuellement avant de l’analyser. L’art se doit d’être généreux et ouvert. Si ma nièce de sept ans trouve que c’est beau, je suis heureux."

Kasper Bosmans

Jusqu’au 15 mars à la Fondation CAB à Bruxelles
www.fondationcab.com
www.vandenweghe.be

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