"Zara a été le premier à m’envoyer des captures d’écran de mon compte Instagram. Ils voulaient utiliser mes dessins pour leur collection mode", se souvient l'artiste israélienne Koketit, alias Shira Barzilay.
"Zara a été le premier à m’envoyer des captures d’écran de mon compte Instagram. Ils voulaient utiliser mes dessins pour leur collection mode", se souvient l'artiste israélienne Koketit, alias Shira Barzilay.
© Courtesy of Koketit

Koketit et ses dessins font sensation sur Instagram

L’artiste israélienne Koketit dessine à la manière de Picasso et de Cocteau. Ses dessins ont séduit des marques comme Chanel, Zara et Eleven Six.

"Où puis-je acheter cette chemise avec votre dessin? Où se trouve ce mur avec cette silhouette noire dessinée?" Il ne se passe pas un jour sans que Koketit ne reçoive ce genre de demande sur Instagram. La réponse est presque toujours la même: nulle part. Koketit, alias Shira Barzilay (39 ans), est une artiste numérique. Sur son iPad, elle dessine de gracieuses silhouettes sur des photos numériques, qu’elle prend elle-même ou qu’elle reçoit d’autres photographes.

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"Mon art consiste à flirter avec les idées. Il s’agit de laisser libre cours à mon imagination de manière à ce qu’elle devienne réalité."
Koketit
Artiste israélienne

"Je choisis des images de paysages, de tenues, d’intérieurs; peu importe, du moment qu’elles me stimulent visuellement. Le monde est ma toile", déclare-t-elle. "Sélectionner la bonne photo, c’est comme chercher son papier à dessin préféré dans le magasin de matériel artistique: c’est l’étape cruciale de mon processus. Le reste vient naturellement."

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C'est sur Instagram que Koketit montre son travail.
C'est sur Instagram que Koketit montre son travail.

Le succès aussi. Sa boutique en ligne, qui propose des impressions et des œuvres originales, connaît un boom incroyable. Et ses 450.000 abonnés sur Instagram partagent ses images avec un enthousiasme tel que son travail est visible aussi hors ligne: des magazines publient ses images sensuelles et des marques de mode et de décoration lui demandent des collabs. Ces deux dernières années, l’improbable pour une artiste numérique s’est produit: les images sorties tout droit de son imagination ont pris vie. "Zara a été le premier à m’envoyer des captures d’écran de mon compte Instagram. Ils voulaient utiliser mes dessins pour leur collection mode", explique-t-elle.

Récemment, ses dessins aux lignes gracieuses se sont retrouvés sur la collection maille de la marque new-yorkaise Eleven Six, ainsi que sur des sandales de Freedom Moses. "À la fin de l’année dernière, j’ai réalisé une fresque dans le bar à cocktails de l’hôtel The Seville, à New York, directement inspirée d’un dessin numérique qu’ils avaient choisi. Flirter avec des idées, laisser libre cours à mon imagination pour qu’elle devienne réalité, tel est l’objet de mon art."

La pandémie comme catalyseur

Ironie du sort, Shira Barzilay a étudié à l’académie de la mode de Tel-Aviv. Mais, pendant sa formation, elle sentait déjà que le côté pratique ne la passionnait pas vraiment. "La confection ne me plaisait absolument pas. Je n’avais pas du tout envie de faire des vêtements. Mais comme j’aimais dessiner, j’ai gravi les échelons en tant qu’illustratrice de mode pour des magazines et des marques, dont Chanel, H&M et Roberto Cavalli. J’ai aussi fait des séances d’illustration lors d’événements, j’ai réalisé des projets de dessin avec Amazon et Facebook et j’ai été graphiste. J’ai porté plein de casquettes différentes jusqu’à la pandémie."

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"Avant, je ne croyais pas suffisamment en moi: je n’avais jamais pensé que je pourrais vivre de mon art."

"Le travail pour les magazines s’est arrêté et de nombreux événements ont été annulés. J’ai donc eu l’occasion de me lancer à corps perdu dans mon art. En fait, la pandémie a été le catalyseur idéal pour ma carrière: je pouvais enfin devenir l’artiste qui m’avait toujours habitée, mais qui ne s’était jamais pleinement exprimée à cause du doute ou de la peur. Avant, je ne croyais pas suffisamment en moi: je n’avais jamais pensé que je pourrais vivre de mon art. Le fait que j’y sois parvenue m’a apporté un réel bénéfice, tant sur le plan financier qu’émotionnel. Ça m’a rapproché de la personne que je veux vraiment être."

Koketit dessine des silhouettes sur des photographies numériques avec son iPad. "Sélectionner la bonne photo, c’est comme chercher le bon papier à dessin: c’est une étape cruciale du processus", explique-t-elle.
Koketit dessine des silhouettes sur des photographies numériques avec son iPad. "Sélectionner la bonne photo, c’est comme chercher le bon papier à dessin: c’est une étape cruciale du processus", explique-t-elle.

De David Hockney à Alexander Calder

Dans son studio, Koketit réalise ses dessins avec des traits en noir et blanc sur son iPad Pro. Exactement comme le fait actuellement l’artiste britannique David Hockney. Cependant, le travail de Koketit rappelle davantage Jean Cocteau, le peintre et cinéaste français qui tatouait ses contours spontanés sur les murs des villas ou des églises. Devrions-nous plutôt l’appeler la "Keith Haring numérique", étant donné que l'Américain dessinait pratiquement sur tous les supports, des murs aux jeans, en passant par les rames de métro?

"Je n’aime pas vraiment le street art", admet-elle. "Je préfère les sculptures d’Alexander Calder. Elles sont très ludiques et se composent de quelques lignes seulement. Mais c’est Pablo Picasso que j’admire le plus. Il était tellement libre qu’il pouvait exercer son art n’importe où. Il réalisait des peintures, des sculptures ou des collages avec la même spontanéité enfantine. Connaissez-vous la célèbre vidéo sur laquelle on le voit peindre sur une feuille de verre? C’est une performance avant la lettre. Si Picasso vivait aujourd’hui, il ferait des NFT (les Non Fungible Tokens, ou jetons non fongibles, sont des certificats de propriété numériques uniques liés à une image, un film ou un morceau de musique numériques, NDLR)."

Hasard du calendrier: les héritiers de Picasso viennent de faire savoir qu’ils mettraient sur le marché de l’art des NFT de Picasso. "Pour moi, c’est l’essence même du métier d’artiste: rester une sorte de Peter Pan en gardant son imagination d’enfant, indépendamment des compétences techniques ou des craintes. C’est pourquoi je dessine numériquement: je n’ai pas peur de gâcher mon beau papier à dessin. Et si ça ne va pas, il suffit de cliquer sur annuler."

Un NFT en avril

Même si elle déclare se sentir proche de Picasso, Koketit est une artiste numérique typique de son temps. Instagram est la plateforme sur laquelle elle présente ses dernières réalisations. Et bien qu’elle ait déjà reçu de belles offres, elle trouve les expositions traditionnelles dans les galeries trop conventionnelles. Les collaborations avec des marques ne sont pas non plus une priorité absolue. "Bien sûr, c’est flatteur quand on vous appelle, mais je veux rester une artiste numérique avant tout", affirme-t-elle.

"Mon plus grand projet pour cette année sera un NFT que je lancerai en avril. Cinq mille personnes pourront posséder un morceau de moi. C’est excitant. Dans le monde de l’art, les NFT n’en sont encore qu’à leurs balbutiements. De nombreux artistes pensent que les œuvres NFT ne sont que des ‘memes’ de grenouilles pixellisés, mais il y a énormément de choses qui se passent. Je vois ça comme l’apprentissage d’une nouvelle langue afin de pouvoir plonger dans un monde nouveau. Je suis certaine que la technologie des NFT va radicalement changer le monde de l’art et de la société."

www.koketit.com, @koketit

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