Il y a vingt-cinq ans, Michael De Feo se mettait à graffer des marguerites sur les murs de New York. Aujourd'hui, le street artist est le chouchou des labels de luxe.
Micheal De Feo est 'The Flower Guy'. Un beau jour des années 90, avant une séance de peinture, l'étudiant en art gribouille une série de fleurs dans sa cave. Parmi elles surgit une simple marguerite, comme dessinée par un enfant. Avant l'aube, armé de colle à papier peint et d'une pile de sérigraphies de cette marguerite, il sillonne Lower Manhattan pour égayer la jungle urbaine. Une action qui fait tache parmi les graffitis.
"C'était la première fois que je ressentais aussi clairement un objectif à effet immédiat", explique le New-Yorkais en évoquant ses débuts. Ses dessins fleurissent dans les ruelles et sur les lampadaires, dans toute la ville de New York, rendant son travail progressivement reconnaissable -"Ah, c'est vous, ces fleurs!" Le voilà devenu 'The Flower Guy'. D'abord dans sa ville natale, puis dans le monde entier: le street artist voyage, à Londres, Panama City et Amsterdam, jusqu'au désert de Palm Springs.
Cependant, il ne sortira de l'anonymat qu'en 2015, quand il reçoit la clé qui lui permet d'accéder aux affiches publicitaires des abribus. L'artiste new-yorkais fait ce qu'aurait fait n'importe quel street artist: il les ouvre, retire l'affiche de pub qu'il remplace par une de ses oeuvres. Jusqu'à ce qu'il se rende compte que les affiches qu'il élimine sont une toile de fond intéressante. "Il s'est avéré que les pubs que j'avais emportées étaient pour des marques de mode comme Chanel, J. Crew et Louis Vuitton. Et j'ai ressenti l'envie d'entrer en interaction avec elles", explique l'artiste.
C'est ainsi que Natalie Portman pour Dior devient Natalie Portman pour De Feo, comme Gisele Bündchen sur la publicité d'un parfum Chanel, Justin Bieber en sous-vêtements Calvin Klein ou Alicia Vikander avec un sac Louis Vuitton: tous sont relookés par Michael De Feo en 2015 et en 2016.
"Je trouvais cela intéressant, tant visuellement que conceptuellement. La palette de mes fleurs était inspirée par les couleurs sur les affiches, comme les yeux ou la bouche du modèle, un sac à main ou un vêtement. Une fois que je les replaçais dans les abribus, elles semblaient avoir toujours été comme ça. L'oeuvre se fondait dans son environnement."
La marque de mode américaine J. Crew est même tellement satisfaite de sa publicité "vandalisée" qu'elle le contacte directement en vue d'une collaboration. Suivront alors des collabs avec Neiman Marcus et Christian Louboutin ainsi que des expos.
Après avoir débuté par utiliser la ville comme une toile blanche, De Feo est aujourd'hui représenté par la Danziger Gallery à New York. Et depuis que les publicités papier ont fait place à des affiches numériques, il peint principalement sur des pages de magazines déchirées et des peintures victoriennes. Ce qui peut sembler très éloigné, jusqu'à ce qu'on feuillette son tout premier ouvrage, 'Flowers': pour un vrai 'Flower Guy', le flower power revêt toutes les apparences.
'Michael De Feo: Flowers' aux éditions Abrams Books, 25,97 euros. Il sera possible de rencontrer l'artiste le 6 juin à Paris au Grand Jeu, centre d'art Fluctuart, port du Gros Caillou 2 à 75007 Paris et le 8 juin à Amsterdam à The Garage, Brouwersgracht 75, Amsterdam.