Matthijs Van Mierlo, le "digital creative" derrière les chaînes de médias sociaux de The Gaze.
Matthijs Van Mierlo, le "digital creative" derrière les chaînes de médias sociaux de The Gaze.
© Siska Vandecasteele

Le Belge derrière 'The Gaze' atteint des millions de personnes avec des vidéos d'art

Matthijs Van Mierlo est le Belge qui se cache derrière les chaînes de médias sociaux de The Gaze. Dans ses vidéos sur TikTok, Instagram et YouTube, il partage sa passion pour l'art avec enthousiasme.

Matthijs Van Mierlo (40 ans)

  • Le "digital creative" derrière les chaînes de médias sociaux de The Gaze.
  • 452 000 followers sur Instagram (@thegaze_art), 368 800 followers sur TikTok (@thegaze_) et 27 300 abonnés sur YouTube (The Gaze).
  • Lauréat du Jamie Award en février 2023, décerné par un jury d'experts, pour les meilleures compétences vidéo de l'année 2023.
  • Travaille sur son premier livre, qui sera publié début 2025.

"Par hasard, j'ai découvert un créneau inexploité." Ce créneau, Matthijs Van Mierlo (40 ans) l'a nommé The Gaze. C'est sous ce nom que ce Campinois désormais installé à Anvers publie des vidéos explicatives sur l'art, à mi-chemin entre éducation et divertissement.

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Jusqu'aux Philippines, il touche ainsi un large public d'amateurs d'art. En Belgique, des professeurs d'esthétique agrémentent leurs cours avec ses vidéos. En parcourant ses DM, on tombe rapidement sur des dizaines de petits et grands musées belges et internationaux intéressés par une collaboration avec lui. Et ce, alors que Van Mierlo a quitté la VRT il y a seulement un peu plus d'un an pour devenir créateur de contenu indépendant à plein temps.

Nous sommes chez lui, à Borgerhout. Il nous offre une chaise dans sa cuisine, où le livre "Rinus Van de Velde" repose sur une étagère en bois contre le mur. À côté, une photo de son fils, qui porte le même prénom que l'artiste. Van Mierlo: "J'ai souvent croisé Van de Velde ici, mais je n'ai jamais osé lui adresser la parole. Je ne saurais pas de quoi lui parler." Une déclaration surprenante de la part de quelqu'un dont la maison regorge de livres d'art et qui réunit des centaines de milliers d'amateurs d'art sur ses réseaux sociaux.

C'est sous le nom The Gaze que Matthijs Van Mierlo publie des vidéos explicatives sur l'art, à mi-chemin entre éducation et divertissement.
C'est sous le nom The Gaze que Matthijs Van Mierlo publie des vidéos explicatives sur l'art, à mi-chemin entre éducation et divertissement.
© Siska Vandecasteele

Explosion sur TikTok

Avec nous, il revient sur son parcours. "Bien qu'aujourd'hui The Gaze soit surtout actif sur Instagram et TikTok, les fondations ont été posées il y a un peu moins de cinq ans sur YouTube. Il s'agissait d'un essai vidéo de près de dix minutes consacré à la cinématographie de "First Man" (un film américain basé sur la vie de l'astronaute Neil Armstrong, N.D.L.R.). Cette vidéo récolté peu de vues, mais cela ne m'a pas dérangé." À l'époque, il s'agissait seulement d'un projet de passion auquel Van Mierlo s'adonnait en dehors de son travail de créatif numérique à la chaîne publique.

Pendant la pandémie de COVID-19, il publie sur TikTok une courte vidéo humoristique sur "L'Agneau mystique" et The Gaze prend rapidement de l'ampleur. Van Mierlo raconte: "24 heures plus tard, la vidéo avait déjà été vue 100 000 fois et 10 000 personnes avaient commencé à suivre mon compte. Et tout cela, avec une seule vidéo sur ma chaîne!"

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Cela l'a incité à se concentrer sur ces formats courts, ce qui a permis à sa chaîne TikTok de se développer considérablement. "Comme les musées voulaient eux aussi atteindre mes abonnés, je recevais de plus en plus de demandes pour réaliser des vidéos pour eux." Avec prudence, il a commencé à caresser l'idée de pouvoir vivre de ses vidéos s'il s'y consacrait entièrement.

La maison de Matthijs Van Mierlo regorge de livres d'art.
La maison de Matthijs Van Mierlo regorge de livres d'art.
© Siska Vandecasteele

Collaborations dans le domaine de l'art

Les premiers à le contacter pour une collaboration rémunérée ont été l'équipe des réseaux sociaux de Flemish Masters, une section du gouvernement flamand chargée de promouvoir l'art flamand. "À ce moment-là, je comptais environ 160 000 followers sur TikTok et seulement 5 à 10 000 sur Instagram, mais The Gaze a alors commencé à exploser sur Instagram également. L'arrivée des Reels Instagram et leur mise en avant par l'algorithme ont également aidé. Depuis lors, mes principaux canaux sont Instagram et TikTok."

Par la suite, des institutions comme le MoMu et le KMSKA l'ont également contacté. Dans le sillage de nombreuses institutions belges, The Gaze a également commencé à attirer l'attention de musées internationaux tels que la Legion of Honor du Musée des Beaux-Arts de San Francisco. La National Gallery de Londres est actuellement le plus grand musée avec lequel il a collaboré. "Je trouve ça formidable de pouvoir aujourd'hui promouvoir l'art et les musées anversois et belges auprès d'un public international grâce à The Gaze", déclare Van Mierlo.

Mais comment s'y prend-il? À Bruxelles, Bozar lui a par exemple commandé une vidéo sur le surréalisme en Belgique. "Lorsque je suis entré dans cette exposition, je n'avais aucune idée du type de vidéo que j'allais réaliser, mais j'ai très vite su qu'il s'agirait d'une série de photos de tableaux ressemblant à des peintures de Magritte. Ces photos me permettent d'expliquer ce qu'est essentiellement le surréalisme, à savoir des situations qui nous semblent étranges. "Show and tell". Je commence la vidéo en piquant la curiosité du spectateur: sur l'une des photos, Magritte apparaît en tant que figurant, et je dis: "Repérez l'artiste célèbre sur ces photos". De cette façon, j'espère captiver le spectateur et maintenir son attention, puis j'élargis l'histoire en espérant qu'il regardera la vidéo jusqu'à la fin. Ce n'est qu'une technique que j'ai apprise au fil des ans."

Ce qui est important pour lui, c'est que tous ses contenus apprennent quelque chose aux gens, les inspirent ou les fassent rire, qu'ils soient sponsorisés ou non. "Dans les vidéos sponsorisées, il n'y a pas d'appel à l'action, il suffit de mentionner qu'il s'agit d'une collaboration."

Lauréat du Jamie Award en février 2023, décerné par un jury d'experts, pour les meilleures compétences vidéo de l'année 2023.
Lauréat du Jamie Award en février 2023, décerné par un jury d'experts, pour les meilleures compétences vidéo de l'année 2023.
© Siska Vandecasteele

Vivre de ses vidéos

Après toutes ces années, Van Mierlo peut maintenant vivre de son contenu sur les réseaux sociaux, et ce en tant que seul "influenceur artistique" majeur de Belgique. Son style narratif accessible le distingue de tous les contenus sur l'art déjà connus. "Je suis moi-même un grand fan des documentaires classiques dans lesquels alternent une voix off sérieuse et des professeurs d'art. Tout le monde n'a pas le temps ou l'envie de les regarder, mais le succès de The Gaze prouve que chacun peut aimer l'art." Cependant, son style n'empêche pas les connaisseurs de le suivre, ainsi qu'en témoigne un DM du célèbre écrivain et vlogger américain John Green, dans lequel celui-ci explique qu'il regarde toutes les vidéos de Van Mierlo avec sa femme, historienne de l'art.

Si des personnes comme elle apprécient également le contenu de Van Mierlo, d'où tire-t-il son inspiration? "Je trouve de l'inspiration en ligne, sur les nombreux comptes que je suis dans le domaine de l'art. Je lis aussi beaucoup de livres, je visite de nombreuses expositions et je regarde beaucoup de vidéos et de documentaires. Le soir, une fois les enfants couchés, je regarde une autre série avec ma femme, puis quand elle va dormir, je passe encore une heure à regarder des vidéos YouTube à la télévision. En réalité, je ne décroche jamais vraiment."

Combien les musées le paient-ils pour une telle vidéo? "J'ai un tarif journalier pour la production, multiplié par le nombre de jours de travail. Mais il m'est difficile de savoir combien je peux facturer pour mon audience. En ligne, je surveille par exemple le CPM moyen (Cost Per Mille, ou prix pour mille nombre de vues, N.D.L.R.), mais cela varie d'un genre à l'autre. Et on ne connaît pas à l'avance le budget d'un musée. Cela me ferait de la peine de trouver une histoire intéressante à raconter pour un petit musée avec un budget limité et de ne pas le faire simplement parce que je dois en vivre."

Autre point important: il perçoit des revenus publicitaires sur les vidéos YouTube les plus regardées, mais ne gagne rien avec ses autres vidéos. "C'est pourquoi j'essaie toujours de publier un post sponsorisé après deux vidéos personnelles. Cela représente un post par semaine, que je réalise généralement à la minute, sauf pour les collaborations." Même dans ses contenus personnels et non sponsorisés, il veille à maintenir un équilibre qu'il juge important. Van Mierlo explique: "Même si je suis maintenant à même de bien évaluer ce qui fonctionne ou non, je ne base pas mes choix uniquement sur le nombre de personnes que je pense atteindre. Ce nombre est important, car je dois pouvoir en vivre, mais ce qui l'est encore plus, c'est de savoir dans quelle mesure mon contenu inspire ces personnes. Autrement dit, si je fais une vidéo qui touche beaucoup moins de monde, ce n'est pas grave, car c'est cette histoire que je voulais raconter. Je veillerai simplement à ce que la prochaine soit plus populaire."

"Si une vidéo ne compte 'que' 40 000 vues, il y a tout de même 40 000 personnes qui l'ont regardée", ajoute-t-il. "Il serait absurde de penser que ce chiffre est faible. Bien sûr, il faut tenir compte du fait que tout le monde ne regarde pas la vidéo jusqu'à la fin. Pour cela, les likes constituent un meilleur indicateur. Les graphiques me montrent que la vidéo sur 'La balançoire' (un tableau de Jean-Honoré Fragonard, N.D.L.R.), par exemple, a été vue cinq millions de fois et que 20% des téléspectateurs l'ont regardée jusqu'au bout. Cela signifie qu'un million de personnes ont visionné la vidéo en entier. C'est un chiffre exceptionnel, et même incroyable."

@thegaze_ ☔️🕺🏻 Don’t know about you, but rain in art makes me happy. #singingintherain #arthistory #vangogh #hiroshige #asmr #arttok ♬ original sound - The Gaze

Algorithmes tout-puissants

Van Mierlo évalue souvent bien les centres d'intérêt de sa communauté, mais il lui arrive encore d'être surpris. "Par exemple, j'ai récemment publié une longue vidéo sérieuse sur la pluie dans l'art, qui a réalisé 900 000 vues sur TikTok. Lorsqu'une vidéo sur TikTok dépasse un certain nombre de vues, l'algorithme se met à la pousser de manière agressive. Si elle ne franchit pas ce seuil, l'algorithme la relègue impitoyablement dans l'oubli. Cela explique pourquoi une vidéo peut atteindre 900 000 vues et une autre seulement 30 000, par exemple. L'algorithme d'Instagram est plus stable."

Mais ses vidéos les plus regardées font encore mieux. Ce sont les bonnes histoires qui ont le plus de succès, explique-t-il. Dans ses vidéos les plus réussies, on trouve aussi de l'humour, des surprises et une musique appropriée. Le nombre de followers et la durée de visionnage des x premiers spectateurs jouent également un rôle, car une fois un certain seuil atteint, la vidéo est poussée vers un plus large public. "Sur TikTok, la vidéo sur 'La balançoire' a été vue cinq millions de fois. En comparaison, elle compte près d'un million de vues sur Instagram. Là, c'est celle sur la sculpture en marbre 'Moïse' de Michel-Ange qui obtient le meilleur score, avec 5,5 millions de vues. Et sur YouTube, c'est ma deuxième vidéo, sur 'The Far Side' (une série de dessins animés américains, N.D.L.R.), qui est la plus regardée, avec 1,4 million de vues. Incompréhensible et même incroyable! Mais ce sont des exceptions, bien sûr."

"Même sur YouTube, je mets tout en œuvre pour rendre mes histoires captivantes, car la plateforme distribue le contenu en fonction de sa rétention. De plus, l'algorithme de YouTube continue de chercher un public. Par exemple, mes vidéos YouTube qui ont aujourd'hui dépassé le million de vues n'ont explosé que respectivement six mois et un an après leur publication, lorsque YouTube a soudain trouvé le bon public. Sur YouTube, il faut publier et attendre. Et faire un peu de promo sur d'autres plateformes, bien sûr."

Revenus diversifiés

Van Mierlo est conscient de sa très forte dépendance aux plateformes sur lesquelles il publie son travail. "Si TikTok était un jour interdit aux États-Unis, je perdrais un quart de ma communauté. Et Instagram pourrait soudain devenir un 'Myspace'." C'est pourquoi il juge important d'avoir des sources de revenus diversifiées, comme son livre "Stupid Faces in Stunning Paintings", sur lequel il travaille actuellement. "Si tout se passe bien, il sortira début 2025. Ce sera un livre rempli d'images d'œuvres dans lesquelles on trouve un visage amusant. Comme je le fais dans mes vidéos, je ferai également des zooms avant et arrière dans le livre, pour montrer d'abord les détails avant de révéler l'œuvre dans son ensemble."

À quoi s'attendre prochainement sur les chaînes de réseaux sociaux de The Gaze? "Depuis que The Gaze a explosé grâce à une courte vidéo sur l'art, j'ai continué dans cette voie. Maintenant, je crée du contenu un peu plus diversifié. Sur la photographie, notamment, qui constitue à mes yeux un excellent médium à commenter. Et j'essaie de rétablir l'équilibre entre TikTok et YouTube, car j'apprécie les deux formats. En tant que média, YouTube est génial: il offre davantage de temps et d'espace pour raconter une histoire, pour expérimenter et donc, pour apprendre et évoluer. Par exemple, j'ai récemment réalisé une vidéo sur Vincent van Gogh, dont je suis un grand fan." Et si une vidéo sur Rinus Van de Velde devait suivre prochainement, Van Mierlo aura déjà une phrase d'accroche.

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