Le bujo, la tendance 'mindfulness' de la rentrée

La liste des courses sur un post-it. Un numéro de téléphone sur une vieille enveloppe. Une to-do list sur son smartphone. Le chaos du planning n'est pas une légende urbaine. Alors, on profite de la rentrée pour changer tout ça grâce au 'bullet journal'. Un système de planification qui apaise l'esprit.

Si vous parvenez à lire cet article dans son entièreté, c'est grâce au 'bullet journal'. En effet, c'est cet outil qui m'a permis de contacter les bonnes personnes au bon moment, m'a permis de ne pas perdre mes notes d'interviews et de respecter le deadline. Oui, le principe du 'bullet journal', ou 'bujo' pour les initiés, c'est exactement ça: il est à la fois agenda, to-do list, carnet de notes et pages à gribouiller -à vous de voir ce que vous ferez du vôtre. Grâce à lui, vous ne vous demanderez plus jamais "mais où donc ai-je pu noter ça?" Et vous ne serez plus jamais assailli par l'impression oppressante d'avoir oublié quelque chose d'important, ce qui est très mauvais pour le sommeil.

Pourtant, un 'bullet journal' n'est pas un simple carnet de listes: c'est un système. Et ce système a été imaginé il y a quatre ans par le designer américain Ryder Carroll, qui, à l'époque, travaillait en tant que directeur artistique pour le grand magasin de luxe Macy's à New York. Il a passé pas moins de vingt ans à chercher un concept analogique permettant d'organiser toutes ses pensées et ses multiples projets. Une fois trouvé, il a posté une vidéo sur internet, vidéo qui est devenue virale, faisant du 'bullet journal' une véritable hype.

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Goutte, coeur, cercle

Aujourd'hui, si vous cherchez sur Google, vous serez inondé de photos de 'bullet journals'. Pratiquement chaque pays (dont la Belgique) a sa page Facebook pour 'bullet journalers'. Sur Instagram, un million de messages ont déjà été partagés sous le hashtag #bulletjournal. Comble d'ironie, le 'bullet journal', un objet hors ligne, doit son succès à sa présence en ligne.

Alors, pourquoi 'bullet'? Parce qu'on utilise des puces (soit des bullets) pour identifier la nature de la note -une tâche, un événement, etc. Dans ce journal, il y a aussi des 'future logs', des pages d'agenda sur lesquelles on regroupe les événements et rendez-vous les plus importants pour les semaines et mois à venir. Et des 'trackers', des pages qui permettent de suivre ses performances sportives, par exemple, ou de veiller à boire suffisamment d'eau, ou de vérifier ses dépenses -toujours trop élevées! Chacun en fait ce qu'il veut, bien évidemment. En ce qui me concerne, je mets chaque jour trois petits signes sur ma to-do list: une goutte, un coeur et un cercle. Je colorie la goutte quand j'ai bu suffisamment d'eau, le coeur devient rouge quand j'ai fait du sport ce jour-là et je ne colorie le cercle que si j'ai fait au moins une demi-heure de ménage (l'activité que j'aime le moins, d'où le tracker). C'est vrai, la simplicité du système de suivi peut me donner envie de tricher, mais comme mon 'bujo' est personnel, le dindon de la farce, ce sera moi.

©Bullet Journal

Expressions enfantines

Logs, trackers, bullets: à première vue, cela peut sembler compliqué, mais une fois qu'on maîtrise les bases, c'est la logique même. "Je m'y suis mise par jeu", commente une adepte du système Kelly Deriemaeker. Elle aussi avait été interpellée par la vidéo du directeur artistique de Macy's. "Je suis fan de tout ce qui permet d'organiser et de faciliter la vie, ce qu'on appelle des 'life hacks'. C'est ainsi que je suis tombée sur la vidéo Ryder Caroll. L'erreur que j'ai commise, c'est de commencer trop vite sans y comprendre grand-chose: j'ai juste fait deux to-do lists et, évidemment, ça n'a rien donné: j'ai arrêté au bout d'une semaine." Ce n'est que plus tard, quand elle retrouve cette vidéo sur des sites aussi réputés que ceux du Guardian et du New York Times, qu'elle décide de lui donner une deuxième chance. "Et c'était la bonne! Depuis, j'ai déjà écrit un livre à ce sujet (en néerlandais ndlr) et j'en suis déjà à mon cinquième 'bullet journal'. Le principal avantage, c'est la tranquillité d'esprit. Le soir, avec mon 'bullet journal' et une tasse de thé, je passe ma journée en revue et je la clôture en pensant: "Voilà ce que j'ai fait aujourd'hui et voilà ma liste de tâches pour demain. C'est prêt." J'utilise aussi très souvent le système de listes: je note les livres que j'aimerais lire et les films que je voudrais voir par exemple, même les expressions les plus drôles de mes enfants. Il faut une certaine discipline pour les noter au fur et à mesure, mais je préfère ça que de les perdre pour toujours."

©Bullet Journal

Format sac à main

La base de chaque 'bullet journal' est toujours la même: un index qui indique ce l'on peut trouver et où, un agenda à court et à long terme qui permet de noter ses objectifs et les événements, une to-do list quotidienne et les 'trackers' ou listes à suivre. On décide soi-même du nombre de pages que l'on consacre à chacun de ces éléments. Si l'on a besoin de trois pages pour regrouper les activités d'une journée, on n'hésite pas à les prendre, du moment que l'index au début de son journal y correspond.

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Tout aussi important: les tâches et les événements doivent pouvoir migrer. Quand il s'avère qu'il n'est plus possible d'appeler une amie aujourd'hui, grâce aux 'bullets' on peut facilement reporter cet appel au lendemain ou à la semaine prochaine. Selon le concepteur du 'bujo', il s'agit même d'un processus de pertinence à ne pas sous-estimer: réfléchir à chaque tâche au moment auquel on va l'exécuter et s'il faut vraiment l'exécuter. Les 'bullets' peuvent donc disparaître sans faire de vagues.

Le soir, avec mon 'bullet journal' et une tasse de thé, je passe ma journée et revue et je la clôture.

"Le plus important, c'est d'aligner son journal sur sa vie", déclare Deriemaeker. "Un directeur d'entreprise peut y noter ses 'targets lists' et y faire du brainstorming; un artiste y noter son inspiration; un designer y dessiner et celui qui part souvent en vacances y inscrire quelques astuces, avec des codes de vouchers d'hôtels et des listes de restaurants à l'étranger. Ce sont des choses que l'on note déjà, sur smartphone ou sur papier, mais le grand avantage est que toutes ces informations sont réunies dans un seul système. Il est donc conseillé d'avoir toujours son 'bujo' sur soi. Même quand je vais luncher avec des amies, mon 'bujo' est là, près de moi, dans mon sac à main."

Le lecteur attentif en déduira qu'il vaut mieux qu'un 'bullet journal' ne prenne pas trop de place. Un carnet compact, si possible avec des pages numérotées. Et si on tient à se la jouer 'die-hard journalers' comme sur Instagram et Pinterest, on choisit un carnet avec rempli de points: pas de carreaux ni de lignes, juste des points, autrement dit, des 'bullets'. Bien sûr, on peut faire du 'bullet journaling' dans n'importe quel carnet avec le premier bic venu, mais il était évident que cette hype ne serait pas passée inaperçue des marques comme Moleskine et Leuchtturm. Elles proposent donc leur modèle de 'bullet journal', mais c'est à la marque allemande Nuuna que revient la palme des plus beaux, dont un journal sur la couverture duquel est inscrit 'Everything starts from a dot'. Un nouveau départ, puisqu'on vous dit que c'est la rentrée...

Comme une oeuvre d'art

Quiconque se penche sur le phénomène du 'bujo' découvrira que ce sont surtout les femmes qui sont fans de cette nouvelle forme d'organisation, en particulier en raison de l'aspect esthétique du carnet. Pourtant, les hommes aussi utilisent un 'bullet journal'. Luc De Clercq, account manager, l'a découvert par le biais de blogs culinaires qui en faisaient le nec plus ultra pour y noter ses recettes. Depuis, il jongle avec deux 'bujos', un pro et un perso. "Cela fait des années que, tant dans ma vie professionnelle que ma vie privée, je me consacre au time management, à l'efficacité, aux objectifs et à la 'mindfulness'. J'ai passé en revue toutes les apps et les plannings imaginables, mais, avec le 'bullet journal', j'ai l'impression d'avoir trouvé un système où tout est regroupé et qui me permet de travailler de manière claire et à ma façon. Le simple fait d'écrire m'apaise: quand je prends des notes sur papier, je n'ai plus peur d'oublier."

Cette "écriture analogique" constitue un élément important de l'expérience du 'bujo'. "Ce que l'écrit à la main reste plus longtemps en mémoire que ce que l'on tape vite fait sur son clavier d'ordinateur", renchérit une convaincue. "En plus, c'est comme un soulagement de passer en revue sa journée matin et soir dans un environnement qui, pour une fois, n'est pas un ordinateur, une tablette ou un smartphone. Enfin, on retrouve et on exerce son écriture. En tout cas, la mienne est devenue plus belle depuis que je tiens mon 'bullet journal'!"

Effet secondaire

Le simple fait d'écrire m'apaise: quand je prends des notes sur papier, je n'ai plus peur d'oublier.

Bien que, pour Ryder Carroll, l'aspect esthétique de l'écriture et des dessins ait, au départ, eu une importance secondaire, nombreux sont les fans de 'bujo' qui l'utilisent pour exprimer leur créativité: il suffit de taper 'bullet journal' sur Pinterest ou de checker les hashtags #bulletjournal et #bujo sur Instagram pour s'en rendre compte. Ce que l'on voit est plus une oeuvre d'art qu'un système pour s'organiser. "Le 'bullet journaling' tend à se retrouver dans le champ des hobbies. Beaucoup de 'bujos' ressemblent à des carnets de coloriage souvent bien faits, mais la plupart des gens n'osent pas se lancer. Je reçois régulièrement des commentaires du genre "Mon écriture n'est pas si belle" ou "Je n'ai pas le temps de dessiner tous les titres dans une couleur différente". À mon avis, nous sommes peut-être en train de perdre de vue l'essence du 'bullet journal', un système très efficace qui regroupe tout ce qui nous passe par la tête au quotidien. Un peu à la manière d'un disque dur externe", conclut cette adepte.

En ce qui me concerne, après un mois de 'bullet journaling', son principal effet secondaire est une productivité plus élevée, comme si mes journées étaient devenues plus longues. Lorsque les tâches sont écrites noir sur blanc, je trouve nettement plus difficile de les zapper Pour une journaliste free-lance comme moi, clôturer sa journée est un sentiment merveilleux. C'est comme si on me disait: "Tu as bien travaillé, à demain!" Bon, là, veuillez m'excuser, je vais checker le 'bullet' de cette échéance. Je ne savais pas que mettre une petite croix pouvait procurer un sentiment aussi agréable! Il ne reste plus qu'à espérer que je ne dévierai pas de cette nouvelle bonne résolution.
www.bulletjournal.com

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