Le samedi de Tutu Puoane: sauter à la corde, repasser en regardant une série et se pencher vers l’avant lentement et profondément.
"Pendant la semaine, je pense au concert du week-end et à ce que je vais porter", confie Tutu Puoane (44 ans). Le 15 mars, elle présentera 'Wrapped In Rhythm', son nouvel album inspiré par la poésie de sa compatriote Lebogang Mashile. "Il y a dix ans, ‘In A Ribbon of Rhythm’ m’avait saisie dès les premiers mots. Quand j’ai rencontré Lebo à Johannesburg, elle m’a autorisée à mettre en musique ses poèmes consacrés à l’Afrique du Sud. J’ai écrit la plupart des chansons en collaboration avec mon époux, le pianiste Ewout Pierreux. C’est Larry Klein, qui a travaillé avec Joni Mitchell, Herbie Hancock et Tracy Chapman, qui a assuré la production."
Originaire d’un township de Pretoria, Puoane a étudié à La Haye et s’est installée à Anvers en 2004. 'Wrapped In Rhythm' est son dixième album. Elle a obtenu un South African Music Award pour ses albums 'Quiet Now' et 'Mama Africa'.
9h00 – "Au réveil, je suis envahie par un sentiment de gratitude, parce que j’ai réussi à bâtir une vie presque normale grâce aux talents qui m’ont été donnés. Ensuite, je prépare le petit-déjeuner familial pour notre fils de 10 ans et notre fille de 16 ans."
10h00 – "Je saute à la corde, souvent dans le parc Valaar (Wilrijk) qui est un peu notre jardin. Mes cordes à sauter sont équipées de poids et connectées à une application. Il m’arrive de faire mille sauts. C’est un remède universel qui m’aide aussi à échauffer ma voix. Le saut à la corde me sert également de temps de prière, durant lequel je parle aux arbres et aux oiseaux."
11h00 – "J’emmène mon fils à son cours de piano."
11h30 – "Au marché, j’achète des fruits et des légumes, et quelques fleurs s’il me reste un peu d’argent. Avant, je trouvais que c’était du gaspillage, mais comme pendant la pandémie les fleurs et les plantes ont apporté de la joie dans la maison, j’ai changé d’avis. Quand j’ai choisi d’étudier la musique, mon grand-père, inquiet, estimait que j’avais besoin d’un diplôme au cas où ça ne marcherait pas. Je lui avais rétorqué que ce ne serait jamais nécessaire, car j’avais du talent."
13h00 – "Je prends mon premier repas. Si je donne un concert le soir, je prépare le repas à l’avance pour les enfants. Mon fils ne mange que du concombre, des pâtes au pesto et mon légendaire poulet: je le fais mariner pendant 24 heures dans du yaourt avec des épices."
14h00 – "Sur Netflix, je regarde ‘One Day’, une histoire d’amitié et d’amour entre deux étudiants à l’université d’Édimbourg. Pendant ce temps, je repasse pour ne pas me sentir coupable."
16h00 – "Nous partons pour aller à la salle de concert. Nous faisons le soundcheck et mangeons un bout."
19h00 – "J’ai besoin d’être seule. Toute la semaine, j’ai pensé au concert et à ce que j’allais porter. À présent, l’anxiété m’envahit. Ce qui m’aide, c’est de me pencher en avant lentement, profondément. Je reste dans cette position et je sens le sang affluer dans ma tête. Avec une lenteur extrême, je me redresse, puis je masse mon cou."
"Cela peut sembler un cliché, mais la musique est un médicament. Que je sois déprimée ou en désaccord avec Ewout, après le concert, notre querelle est oubliée."Tutu Puoane
20h00 – "Je me donne une claque sur la joue et je monte sur scène. Je suis tributaire de l’énergie que me donne le public: plus j’en reçois, plus j’en donne. C’est une faiblesse, car je devrais être la première à en donner."
21h30 – "Cela peut sembler un cliché, mais la musique est un médicament. Que je sois déprimée ou en désaccord avec Ewout, après le concert, notre querelle est oubliée. Comme nous jouons ensemble, nos vies sont intimement liées."
22h00 – "J’essaie de vendre des CD, mais depuis que tout le monde a Spotify, c’est difficile."
0h15 – "Ewout et moi, nous nous prenons une dernière fois dans les bras. Ce sentiment de gratitude, je ne l’éprouve pas uniquement au lever, mais aussi en m’endormant. Et depuis que j’ai 40 ans, je m’endors généralement de bonne heure."