En installant ses bouquets dans des poubelles, des cabines téléphoniques ou aux bouches du métro new-yorkais, Lewis Miller met du baume au cœur des passants.
Attention: pour repérer les "Flower Flashes" de Lewis Miller à Manhattan, il faut être rapide! Des poubelles aux murs couverts de graffitis, en passant par les bouches de métro, ses "guerilla flower installations" ne restent sur place que vingt minutes en moyenne.
"Qui n’espère pas vivre un moment de pur bonheur inattendu?"Lewis Miller
Ensuite, les passants se risquent à cueillir une rose ou à se composer un bouquet qu’ils emportent chez eux. Mais, depuis que la crise sanitaire a frappé New York, c’est devenu un peu moins fréquent: non seulement les rues se sont vidées, mais la plupart des passants sont réticents à toucher des objets qui ne leur appartiennent pas.
Au cours de ces derniers mois, en collaboration avec American Express, l’artiste a planté des bouquets à proximité des hôpitaux pour soutenir le personnel soignant. "Quand tout va bien, les fleurs sont fantastiques, nous le savons tous", a déclaré Miller dans le New York Times. "Maintenant que tout va mal, nous avons plus que jamais besoin de fleurs: qui n’espère pas vivre un moment de pur bonheur inattendu?"
Art floral
Même si le travail de Lewis Miller est aujourd’hui plus réconfortant que jamais, l’idée d’installer des œuvres d’art floral dans la rue lui est venue il y a une petite dizaine d’années et, plus précisément, par un triste vendredi après-midi. En sortant de son atelier pour rentrer chez lui après une semaine de travail bien remplie, il s’est dirigé vers le métro quelques fleurs à la main. "Les expressions que j’ai vues s’épanouir sur le visage des passants étaient extraordinaires. Les fleurs ont ce don magique d’offrir un sentiment instantané de bien-être."
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Le tout premier "Flower Flash" a pris la forme d’une modeste installation sur la plaque commémorative de l’assassinat de John Lennon, Imagine, à Central Park. "Il nous restait quelques fleurs suite à un événement et notre équipe s’est lancée spontanément. Nous ne demandons jamais l’autorisation. Tant à New York que sur Instagram, ce "Flower Flash" a connu un succès immédiat. Depuis cette première action, nous n’avons plus arrêté et, l’année dernière, le projet a pris une ampleur considérable."
Pourtant, ce n’était pas évident de poursuivre ces escapades nocturnes pour fleurir l’espace public. En temps normal, sa camionnette emporte 14.000 fleurs fraîches, qui ont été utilisées plus tôt dans la journée pour un événement ou qui n’ont pas été utilisées pour la décoration florale d’un musée. Depuis la pandémie, ces événements étant devenus très rares à New York, Miller doit se contenter des surplus des grossistes et des dons venus du monde entier: après avoir entendu parler de son projet, une pépinière en Équateur lui a offert 12.000 roses.
Flower Flashes
Aujourd’hui, l’artiste tire ses revenus principalement des Flower Flash Boxes, des boîtes de fleurs fraîches qui permettent de faire sa propre installation de fleurs chez soi. Pour donner des idées ou créer quelque chose de beau, Miller propose des astuces via un lien vidéo repris dans la boîte. Les photos des "Flower Flashes" sont également vendues sur le site de Lewis Miller, tout comme des bougies parfumées aux senteurs florales. Le geste élégant? L’artiste fait invariablement don d’une partie de ce qu’il vend à une association caritative du centre-ville de New York.
Lewis Miller n’est pas originaire de New York. Fils de jardiniers passionnés, l’artiste a grandi en Californie. "Dès que les rosiers ou les tournesols étaient en fleurs, je les coupais pour en faire des bouquets", raconte-t-il dans son TED Talk, "The Power of Flowers", à voir sur YouTube.
"J’étais un garçon différent des autres. Après la messe du dimanche, les femmes de la famille se réunissaient dans la cuisine et les hommes se retrouvaient entre eux, au salon. Quant à moi, je restais dans la salle à manger pour décorer la table. J’ai toujours eu une attirance pour ce qui est beau. Enfant, j’adorais les tableaux des Primitifs Flamands, et tout particulièrement leur façon de représenter les fleurs. Savez-vous que beaucoup des natures mortes représentées sur les œuvres de cette époque n’ont jamais existé dans la réalité? En effet, les espèces de fleurs de ces compositions florales s’épanouissaient à des saisons différentes. Elles n’existaient donc que dans l’imagination de l’artiste, et sur la toile."
C’est cette magie que Lewis Miller tente de communiquer via ses installations, pour lesquelles son bras droit, Irini Arakas Greenbaum, écume la ville à la recherche de ce qu’elle appelle "la Kate Moss des poubelles". Ces poubelles semblent prendre vie avec les roses, les pivoines, les lys et les œillets que Miller drape autour d’elles.
"On peut dire ce que l’on veut, mais les fleurs sont présentes à chaque moment important de notre vie. Ce sont, pour ainsi dire, nos ‘cheerleaders’ personnelles." Une collection de "cheerleaders" sur une poubelle Kate Moss... Qui a envie d’être le premier à réaliser des "Flower Flashs" à Bruxelles, Liège ou Namur?